« La suite je sais pas, demain c’est un autre jour » : interview d’Idriss, expulsé du XXL



Mercredi 11 juillet, à 6h du matin, les « forces de l’ordre » expulsaient le squat XXL. Idriss, Tchadien, la vingtaine, vivait dans cet ancien hôtel quand les flics sont venu en expulser les habitants. Il nous raconte l’expulsion, et comment se déroulait la vie dans le squat.


Comment s’est passée l’expulsion d’hier matin ?

J’étais entrain de dormir et j’ai entendu qu’il y avait la police. Ils n’ont pas donné de temps. Ils sont entré, ont dit « sortez, sortez », et ont demandé les papiers.
Je savais qu’ils allaient expulser bientôt, c’était déjà prévu.
Moi j’ai fait mon sac et j’ai tout pris. Les policiers ont dit qu’il fallait laisser les bagages et qu’on pourrait les récupérer après, mais moi je savais qu’il fallait tout prendre donc j’ai pris mon sac.
Tout le monde est sorti et ils nous ont demandé nos papiers un par un à l’écart. Ils ont voulu contrôler Adam mais comme il n’avait pas pris son sac il a refusé de sortir, donc ils ont menacé de faire sortir les gens de force. Ceux qui n’étaient pas sorti n’ont pas voulu bouger alors les policiers ont parlé entre eux, et ont laissé les gens prendre leurs sacs à partir d’Adam, mais ceux qui étaient sorti avant lui ont perdu leurs affaires.
Certains qui sont dublinés [1], et ceux qui n’avaient pas leurs papiers ont été emmenés [2].
Les gens des Tanneries sont arrivés très vite, ils nous avaient dit de les appeler si on voyait la police, mais il était déjà trop tard car la police était déjà entrée quand ils sont arrivés. Ils nous ont emmené aux Tanneries et nous ont bien accueilli. Je les remercie beaucoup, les autres aussi les remercient beaucoup. Ils ont fait de leur mieux !

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Toi comment tu as connu ce lieu ?

Je viens du Tchad, j’ai traversé la Lybie en voiture, et la mer par bateau. Je suis arrivé en Italie où ils ont pris mes empreintes, c’est obligé même si tu ne leur demandes pas l’asile. Et je suis venu en France, mais quand ils t’ont pris tes empreintes en Italie tu es dubliné [3]. Ils n’ont remis mes dossiers en procédure normale qu’au bout de 9 mois. Je suis arrivé à XXL grâce à un ami que je connaissais en Lybie. Je dormais dans la rue à la Chapelle à Paris, je l’ai appelé et il m’a parlé de ce squat à Dijon alors je suis venu.


Comment ca se passait la vie là bas ?

Il y avait plusieurs groupes, des Guinéens, des Maliens, des Soudanais, des Touaregs, environ 70-80 personnes. Chaque groupe avait sa chambre. On vivait grace aux associations qui nous ont amené à manger, et grâce aux gens des Lentillères qui nous ont amené des frigos, des gazinières, ou qui nous ont aidé pour les réparations quand quelque chose ne marchait pas. Certaines personnes dans le squat touchaient aussi l’ADA, l’Allocation pour Demandeurs d’Asile, environ 370 € par mois. Eux ont participé à acheter la viande parce que les associations ne nous en fournissaient pas. Tous ceux qui avaient l’ADA devaient donner entre 30 et 50 € par mois.
Quelqu’un était chargé de la cuisine : on lui faisait confiance pour acheter la viande, ou par exemple l’huile s’il en manquait. C’est lui qui gérait pour qu’il y ait assez et pour réclamer l’argent aux gens qui ont l’ADA.
Il y avait des groupes de 4 à 6 personnes qui cuisinent chaque jour. Dans mon groupe de cuisine on était 4, on cuisinait le mardi. Il y en a qui faisaient la vaisselle, moi je cuisinais.

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Et maintenant ? C’est quoi la suite pour vous ?

Maintenant ça va. Les gens des Lentillères et des Tanneries nous ont bien accueilli, ils nous ont donné des chambres, des tentes, des matelas. Les autres je sais pas mais pour moi ça va. Sans eux on dormirait à la rue. À la rue tu te réveilles le matin, tu peux pas prendre une douche, ici on peut.
La suite je sais pas, demain c’est un autre jour, je sais pas ce qui va se passer.



Notes

[1Entré en vigueur le 1er janvier 2014, le réglement Dublin III institue le principe selon lequel le pays dans lequel un·e réfugié·e est contrôlé en premier est chargé de l’instruction et de la décision finale quant à sa demande d’asile. Il rend plus compliqué pour les réfugié·es de demander l’asile là où ils le souhaitent, beaucoup étant contrôlés au sud de l’Europe alors qu’ils souhaitent demander l’asile au nord

[224 personnes ont été emmenées au commissariat de Dijon, ou dans les locaux de la police aux frontières, à Chenôve. 9 sont ressorties rapidement, et au moins 5 ont été emmenées en Centre de Rétention (les CRA, des prisons où l’on enferme sans jugement des personnes au motif qu’elles n’ont pas les papiers qu’on leur réclame). On est sans nouvelle de certaines autres.

[3voir note 1

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