Pole-emploi s’actualise



La réforme de l’assurance-chômage qui vient.
On y est : la future réforme de l’assurance-chômage se profile. Autrement dit nous savons mieux, nous, précaires, chômeurs, à quelle sauce le gouvernement nous a préparés pour être dégustés par les organisations patronales.

On y est : la future réforme de l’assurance-chômage se profile. Autrement dit nous savons mieux, nous, précaires, chômeurs, à quelle sauce le gouvernement nous a préparés pour être dégustés par les organisations patronales.

Depuis que Macron a été élu, on nous disait qu’il allait falloir sévir, trancher. Avec comme excuse ultime la survie d’une assurance-chômage soi-disant à l’agonie. Si cet argument s’avère être complètement faux, le solde financier de l’assurance-chômage ne s’étant jamais aussi bien porté, on peut toujours s’appuyer sur les fameux chômeurs qui vivent aux crochets de la société pour faire passer cette réforme sans bruit.
Peu importe que l’assurance-chômage ne soit pas financée par les impôts, mais par les cotisations salariales et patronales, et s’apparente donc, comme son nom l’indique, à une assurance permise par une partie du salaire de tous les travailleurs différé et collectivisée. Ce système a même permis l’an dernier de pouvoir taper 6 milliards d’euros dans les poches de l’Unedic pour remplir celles de l’État.
Il faut quand même préciser que depuis le 1er janvier 2019, par le biais d’une réforme, le financement a quelque peu changer : c’est avant tout les cotisations patronales, et non plus salariales, sur les bulletins de salaire qui servent pour remplir les caisses. Sans en avoir l’air, cela change tout.
Ça change tout parce que quand un patron paye, il veut que ça lui rapporte et il ne veut pas que qu’un syndicat puisse lui mettre des bâtons dans les roues. En modifiant la structure du financement, on a donc modifié le poids des organisations syndicales dans les négociations. Et c’est une première depuis 35 ans : cette réforme a été décidée par l’État seul. On ne peut pas dire qu’aux précédentes, les syndicats invités avaient à cœur de protéger les chômeurs, mais quand même la façon de faire mérite d’être soulignée.

Voilà les bases pour entamer cette réforme. Il ne peut en sortir qu’un dispositif allant dans le sens du patronat. Prenons d’abord les annonces qui ont été faites pour mettre un peu de social dans cette réforme :

– allocations dégressives pour les hauts revenus et plafonnement à 5000 euros le montant mensuel pouvant être perçu : au bout de 6 mois, ces personnes indemnisées par Pôle emploi verront leur indemnisation réduite de 10 %. Pour l’instant, on ne sait pas à quoi correspond un haut revenu pour le gouvernement, mais nous pensons que cette annonce est surtout une porte qui s’ouvre pour permettre à terme de l’imposer à tous les chômeurs indemnisés.
(En même temps que Benalla négociait des contrats de « sécurité » sur le continent africain, il était indemnisé à hauteur de 11 000 euros : son argent de poche va donc être réduit.)

– les malus pour les entreprises abusant des CDD et des CDD d’usage : on parle pour les CDD d’usage d’un malus de 10 euros par contrat, on pourrait presque en sourire si les organisations patronales elles-mêmes n’en rigolaient pas déjà. Pour finir la blague, les entreprises du bâtiment et de la santé seront exemptés de cette taxe.

– les salariés démissionnaires pourront être indemnisés : vaste blague encore, il faudra pour ça qu’ils veuillent ouvrir leur entreprise et qu’ils passent devant une commission qui jugera en fonction du sérieux du projet s’ils peuvent être indemnisés. Rappelons qu’un salarié démissionnaire peut déjà être indemnisé en passant devant une commission décisionnaire – dans les textes seulement tant c’est un parcours du combattant.

C’est tout pour les miettes et les arguments qui justifieront sur les plateaux télé que Macron et son gouvernement sont aussi de gauche. Place au dur :

– allongement des durées de cotisation : ce n’est plus 4 mois sur les 28 derniers mois mais 6 mois sur les 24 derniers mois dont il faudra se prévaloir pour prétendre à l’indemnisation.

– le calcul des indemnités : fini le calcul basé sur les indemnités journalières, place au salaire moyen mensuel ou même les jours non travaillés comptent. Autrement dit, si avant on se faisait 300 euros en 5 jours travaillés, on était indemnisé sur une base de 60 euros par jour (300 divisé par 5), soit une base mensuelle fictive de 1800 euros. Maintenant, si on travaille que 5 jours dans le mois pour 300 euros, votre base mensuelle sera de 300 euros seulement.

– abrogation de l’offre raisonnable d’emploi : Lors du premier RDV Pôle emploi, on nous demande normalement quel emploi on cherche et ce que l’on est prêt à accepter. Jusqu’à maintenant, on pouvait dire que l’on cherchait un emploi de comptable à plein temps pour un minimum de 2000 euros net par mois à moins de 15 min en voiture de chez nous, et être dans notre droit en refusant de prêter attention à toute offre qui ne correspondait pas du tout à cela. On devait par contre être en mesure de justifier notre refus si Pôle emploi nous envoyait une offre qui correspondait à nos critères. C’était l’offre raisonnable d’emploi, que nos conseillers essayaient à chaque RDV de revoir à la baisse. Désormais, elle n’existe plus.

– absence à une convocation : une absence à un RDV entraînera bientôt une radiation automatique d’un minimum d’un mois. On perd donc les allocations pendant cette période si on est indemnisé.

– augmentation du nombre de contrôleurs : les effectifs des contrôleurs vont tripler cette année, et être multipliés par 5 dans les deux ans à venir. Leurs pouvoirs ont déjà été étendus depuis le début du quinquennat macron. Par exemple, on peut aujourd’hui vous demander de fournir des justificatifs d’une recherche active d’emploi et vous baisser vos allocations (bientôt vous les supprimer) ou vous radier si les contrôleurs estiment que vous ne recherchez pas correctement du travail. C’est vraiment subjectif, et des gens qui ont pourtant donné des preuves de démarches pour entrer en formation ou des candidatures à des offres se sont vus radiés.

– carnet de bord numérique : ça fait longtemps que les conseillers nous tannent pour que l’on remplisse le profil en ligne, qui, soit dit en passant, sert plutôt aux arnaqueurs pour nous contacter via le site Pôle emploi. Bientôt nous devrons tout consigner dans ce carnet de bord numérique. Comme ça, votre conseiller et les contrôleurs pourront voir quel genre d’emploi vous avez accepté par le passé (peu importe les conditions), quelles formations vous avez fait, quelles démarches vous avez entrepris et quelles annonces vous avez étudiées.

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Toutes ces annonces, toutes ces mesures, tous ces contrôles supplémentaires ne profiteront qu’à deux entités : le gouvernement Macron et les entreprises.

Avant 2022 et l’élection présidentielle, on pourra voir les conséquences de cette politique : la réduction statistique du nombre de chômeurs inscrits à Pôle emploi. Ce qu’on ne verra pas, c’est qu’il y aura de plus en plus de gens radiés de Pôle emploi, mais qui n’auront pas trouvé d’emploi. En augmentant la durée de cotisation pour prétendre à l’indemnisation, le gouvernement va priver beaucoup de personnes d’un revenu de substitution, et il fait aussi en sorte que moins de gens s’inscrivent à Pôle emploi. Après tout, pourquoi s’inscrire à Pôle emploi si on ne touche aucune indemnité, mis à part pour être fliqué et arnaqué ?

Les arnaques sont de plus en plus nombreuses sur le site de Pôle emploi, pourtant aucune mesure n’a été prise à leur encontre. Les contrôleurs embauchés ne contrôleront pas les annonces publiées sur le site, et les conseillers déjà bien sollicités n’y peuvent rien non plus. D’ailleurs aucun plan d’embauche de conseillers n’est prévu dans cette réforme, pourtant ceux-ci se plaignent souvent des conditions dans lesquels ils doivent travailler et de la pression que leur direction leur met pour radier ou trouver des formations bidons à tour de bras.

Les entreprises prestataires de services pour Pôle emploi seront aussi gagnantes dans l’histoire : les nouveaux ateliers qu’elles proposeront seront sans doute « Apprendre à remplir les carnets numériques » ou encore « Apprendre à être corvéable pour se rendre employable ».

Les entreprises en général seront les grandes bénéficiaires de tout cela. Les syndicats sont déjà prévenus que maintenant, dans toutes les futures négociations, ils n’auront aucune marge de manœuvre. Ensuite, on leur prépare aux entreprises une future main-d’œuvre qui ne pourra plus se permettre de refuser les offres qu’elles jugent acceptables de proposer. Les allocations-chômage plus difficiles à obtenir feront accepter n’importe quoi aux inscrits, même pour des durées et des salaires farfelus. Et les « chanceux » bénéficiaires auront des allocations ultras précaires et ne pourront pas compter là-dessus pour décider pleinement de leur projet professionnel.

La messe est dite pour les chômeurs et tout un tas de précaires : cette réforme s’appliquera cet été. La période peut paraître cavalière, mais de toute façon nous avons vu peu de syndicats réagir vraiment aux premières annonces.

Pourtant, en s’attaquant à un outil qui repose sur un système de financement collectivisé de tous les salariés, on peut y voir aussi un message adressé à ceux qui pensent pouvoir s’opposer à la réforme de la Sécu et à celle des retraites, qui va avec.

Après les réformes du rail, de l’éducation, des services publics, les réformes continuent dans le seul intérêt des entreprises privées. Ce sont donc les précaires qui y passent cet été.

Si nous ne pouvons pas empêcher ce qui va arriver, espérons qu’il sera toujours possible de s’organiser pour y faire face.
Précaires Solidaires

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