En guise de protestation locale face à l’instauration du pass sanitaire, nous avons eu l’appel à fermeture des bars, restaurants, cinémas, salles de concerts, bibliothèques, etc. lancé par le café Chez nous pour le 14 août :
Pass sanitaire… Ça passe plus !
Nous sommes serveur.euses, restaurateur.trices et professionnel.les de la culture,
Nous ne sommes ni flics, ni contrôleurs.Les dernières annonces gouvernementales portant sur l’obligation de contrôler le pass sanitaire des client.es, usager.es et spectateur.trices nous posent sérieusement problème. Nos métiers consistent en l’accueil de tou.te.s et reposent sur la convivialité et le lien social.
« Nous sommes des lieux ouverts à toutes et tous sans distinction (...). L’accueil sans condition, l’entraide et l’échange sont des notions fondamentales, inscrites dans notre socle de valeurs » comme l’écrivent nos collègues bretons. Or, l’État, en nous demandant d’exclure les personnes ne possédant pas le pass sanitaire, dénature complètement notre travail.
De plus, l’application qui permet de contrôler les pass sanitaires nous donne accès à des infos médicales (vacciné ou non, ou pas vacciné pour des raisons médicales) que nous n’avons pas à connaître ainsi qu’au nom, prénom et date de naissance de la personne. Ne pas respecter le secret médical et la protection des données personnelles est, pour nous, encore une fois contraire à ce pour quoi nous avons été embauchés et ce pour quoi nous avons ouvert un café, un restaurant, une salle de spectacle, etc…
Par ailleurs, ces obligations imposées par le gouvernement au nom de la crise sanitaire créent un climat anxiogène au sein de nos équipes. Les conditions de travail depuis les réouvertures, l’application des mesures sanitaires, font peser sur les salarié.es un stress important. Le contrôle des pass sanitaire ne fera qu’augmenter ce stress. Nous ne voulons pas aller travailler la boule au ventre. Aussi, nous sommes épuisé.es par ces conditions de travail et ne pouvons pas travailler sereinement.
Pour toutes ces raisons nous (patron.nes et salarié.es) déciderons de fermer notre établissement le samedi 14 août, pour protester contre cette loi qui nous plombe le moral et nous fait faire un boulot de flic. Nous appelons tous les bars, restaurants, cinémas, salles de concerts, bibliothèque, etc. (tous lieux à qui le gouvernement impose le contrôle du pass sanitaire) à faire de même.
Le café « Chez nous »
Cet appel n’a pas eu beaucoup d’échos et la seule fermeture contestataire dont on a eu vent en Côte d’Or est celle du restaurant Aux Vieux Pavés à Semur-en-Auxois le 20 août. Son dirigeant ayant même entamé une grève de la faim.
Ce mercredi 8 septembre, deux communiqués plus lointains ont été publiés par des lieux d’accueil de public pour prendre position contre l’instauration du pass sanitaire dans leurs espaces. Il nous semblait intéressant de les relayer et de s’en inspirer.
Le premier vient de différents lieux culturels de Genève :
À propos du pass sanitaire et de sa probable extension
La raison d’être de nos structures est l’accueil d’un public sans discrimination, sans distinction de genre, de race, de classe ; de s’iels sont de bon.ne.s citoyen.ne.s ou non ; s’iels sont d’Europe ou d’ailleurs ; s’iels possèdent des papiers d’identité ou non ; une assurance maladie ou non.
Nous sommes des lieux d’ouverture. Ce n’est pas notre rôle d’exclure des personnes parce que leur situation ne leur permet pas l’accès au pass sanitaire, ni sur aucune autre base administrative. Nous n’aspirons pas à devenir des instances de contrôle et de tri, nous ne voulons pas être les acteur.ices.s d’un glissement vers une société où la surveillance est de plus en plus généralisée.
Nous craignons que ces mesures d’exception ne durent dans le temps et qu’on s’habitue à une forme de surveillance latente. Nous craignons que les outils qui sont établis aujourd’hui au nom de la santé publique ne puissent être plus facilement remis en place demain à des fins sécuritaires, que soient normalisés le fait de décliner son identité et enregistrer ses déplacements, que les mailles du contrôle social ne soient dangereusement resserrées durant la gestion de cette pandémie.
Ce que nous dénonçons n’a rien à voir avec de la santé publique. Nous avons toujours prôné la solidarité avec les plus vulnérables et mis tout en oeuvre pour accueillir notre public de la manière la plus safe possible. L’extension du pass sanitaire n’est pour nous pas une question de santé ou de vaccination, c’est une question de contrôle social, qui implique - entre autre - le développement de pratiques de fichage à grande échelle qui nous parait dangereuse dans le contexte d’une société tendant depuis des années vers un idéal sécuritaire. Et c’est une charge qu’on veut faire porter, avec tout le poids logistique, financier et organisationnel qu’elle comporte, à des secteurs déjà lourdement mis à mal et systématiquement pris pour cible depuis le début de la pandémie. Au-delà de l’aspect éthique, nous imposer encore la responsabilité d’un chantage censé encourager la vaccination, c’est se foutre ouvertement de nous.
Nous avons joué le jeu et respecté les mesures covid - parfois au-delà des limites de l’absurde - qu’impliquait l’accueil du public durant toute la pandémie, soucieux de prendre soin les un.e.x.s des autres et de ne pas être des foyers de contamination. Aujourd’hui nous tenons à exprimer notre opposition à la généralisation du pass sanitaire et à ce qu’elle comporte : exclusion, surveillance, fchage, et un rôle policier qui n’incombe pas aux lieux de culture.
L’Ecurie / La Makhno / Le Rez / Le Spoutnik / Le TU / Le Zoo / ... 8.9.2021
Le second a été distribué par les employés de la bibliothèque municipale Lucie-Aubrac de Seyssins, près de Grenoble, en grève contre le pass sanitaire :
Bibliothécaires en grève contre le pass sanitaire
Aujourd’hui les portes de la bibliothèque municipale Lucie-Aubrac de Seyssins sont fermées mais les bibliothécaires sont présent.e.s pour vous expliquer pourquoi : nous sommes en grève contre le pass sanitaire.
Depuis de nombreuses années, nous sommes engagés à vous proposer un service public de qualité, un lieu que nous voulons vivant, accueillant et convivial. Depuis le début de la crise sanitaire, nous nous sommes adapté.e.s à tous les changements et tous les différents protocoles pour rester en contact avec vous : contenus sur internet lors du premier confinement, puis service de retrait de livres sur commande, réouverture de la bibliothèque au public avec une jauge limitée, mise en quarantaine et désinfection des livres et des locaux, port du masque, lavage des mains, organisation de l’accueil favorisant la distanciation physique, aération des locaux, déplacements dans les écoles quand les enfants n’avaient plus le droit de venir… Nous avons tout fait, parce cela faisait sens, pour maintenir un service public à la fois accessible et attentif à la sécurité de ses usagers, quand bien-même nous étions le seul lieu de culture encore ouvert.
A notre connaissance, et parce que nous, bibliothécaires, avons fait preuve de conscience professionnelle et avons sans relâche apporté notre pierre à l’édifice de la lutte contre le Covid-19, aucune bibliothèque n’a été répertoriée comme un foyer de contagion depuis le début de l’épidémie.
Aujourd’hui, on nous oblige à contrôler le pass sanitaire à l’entrée de la bibliothèque, c’est-à-dire à en refuser l’accès à certaines personnes. Cette mesure va à l’encontre de nos missions, du rôle social des bibliothèques et des obligations que nous devons respecter, à savoir un accès égal à toutes et tous aux services publics. Par ailleurs, pour nous qui nous battons au quotidien pour faire tomber les barrières qui entravent un accès libre à l’éducation, au savoir et à la culture, la bibliothèque sous contrôle d’accès est un non-sens.
Pour que les bibliothèques restent des lieux ouverts, nous sommes aujourd’hui en grève, à l’instar de nos collègues de Grenoble, Fontaine, Saint-Egrève, et de bien d’autres villes en France. Nous continuons à nous engager pour vous, comme tou.te.s les « premier.e.s de corvée » qui nous ont tenu.e.s à bout de bras depuis un an et demi.
Depuis ce lundi, la loi a été modifiée et on peut entrer dans la plupart des centres commerciaux de France sans pass sanitaire. On pourrait donc aller consommer à plusieurs milliers de personnes au même endroit, et être obligé.e.s de présenter son pass à la bibliothèque municipale qui n’accueille jamais plus de 20 personnes à la fois ?
Nous demandons tout simplement le maintien des gestes barrières et le retour à la jauge de 50 personnes dans les bibliothèques. Nous demandons tout simplement à exercer notre métier.
Parce que les temps sont difficiles et parce que nous pensons que nous avons encore beaucoup de choses à vivre en commun, sans se faire scanner. L’accès à la bibliothèque est libre, c’est un droit.
Vous pouvez nous soutenir en signant la pétition et en en parlant autour de vous.
Merci de votre compréhension et de votre soutien.
L’équipe de la bibliothèque, mercredi 8 septembre 2021
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