Moussa Diarra, un homicide racial made in Italy



Le 20 octobre, Moussa Diarra - un jeune Malien de 26 ans - a été assassiné par la police de Vérone. Mobilisons-nous pour que ce meurtre ne passe pas sous silence !

Article paru le 23 octobre 2024 sur le quotidien Il Manifesto, signé par Mackda Ghebremariam Tesfaù - Moussa Diarra, un omicidio razziale Made in Italy.


Tout d’abord il faut affirmer haut et fort que l’homicide de Moussa Diarra est un homicide racial.

Le tir du policier lui a été fatal, mais n’était ni le premier ni le dernier coup qui l’a touché dans les feux croisés du racisme institutionnel de ce pays. (n.d.t l’Italie).

Le premier coup a été tiré par le gouvernement italien en 2008, lorsque Silvio Berlusconi et Muammar Khadafi signèrent leur « traité d’amitié ». Avec ces accords bilatéraux, l’Italie s’engageait à former les garde-côtes libyens et à financer la construction de centres de détention, pour empêcher les migrants, comme Moussa, d’accéder au droit d’asile, un droit inaliénable. Moussa a été enfermé et torturé dans les centres de détention libyens. Son frère Djemagan a déclaré : « on lui a fait les pires choses ».

Le deuxième coup a été tiré par le ministère de l’Intérieur avec le décret-loi Salvini en 2018, qui a rendu impossible la conversion de la protection humanitaire en titre de séjour. Moussa avait obtenu le statut de réfugié, mais l’abrogation du titre de protection humanitaire l’a coincé dans un piège légal qui l’a empêché de régulariser sa situation. Après des années d’attente, enfermé dans le centre d’accueil extraordinaire Costagrande, tristement connu à cause de son isolement et des très mauvaises conditions de vie, Moussa a vu sa vie s’écrouler encore une fois. Cela a compromis son état psychologique, le plongeant dans le désespoir partagé par ceux qui se retrouvent avec une vie suspendue, rendue précaire et « illégale » par l’absence d’un bout de papier.

Le troisième coup a été tiré par la Mairie de Vérone qui n’a pas réussi à loger Moussa et les autres cinquante personnes qui habitaient dans l’espace occupé Ghibellin Fuggiasco, indifférente aux sollicitations continues de Paratod@s, centre social autogéré engagé dans l’occupation. Beaucoup de ces personnes sont en situation régulière et ont des contrats de travail, cependant elles n’arrivent pas à trouver un logement à cause des discriminations systématiques qui touchent les immigrés dans le secteur immobilier privé et, souvent, dans le logement social également. Le maire de Vérone lui-même était au courant. Dans les tout premiers mois de son mandat, il avait visité l’espace occupé Ghibellin Fuggiasco, promettant qu’il trouverait une solution digne pour les réfugiés qu’y étaient logés.

Le quatrième coup, enfin, c’était le policier, qui a choisi de répondre à la détresse psychologique due à la marginalisation par une violence meurtrière. Jusqu’à présent, les circonstances de l’intervention policière restent à éclaircir. Néanmoins, on peut affirmer avec certitude que, face à une personne en état de détresse depuis des heures, on ne répond pas par une balle. Il aurait fallu faire appel au service d’aide médicale urgente. Apparemment, Moussa errait depuis deux heures autour de la gare. Pourquoi la police n’a pas alerté le SAMU ? Son corps noir lui donnait-il une allure plus menaçante, comme témoignent les violences policières aux Etats-Unis ? Sa douleur était-elle moins visible sous sa peau noire ?

Le cinquième coup sur le corps de Moussa a été infligé par la presse, qui l’a décrit comme un criminel, « en excluant tout de même la piste terroriste » ou qui a représenté le quartier de la gare comme un lieu dangereux, contrôlé par « voyous et racaille ». On a créé le « monstre », évoquant le fantasme de Kabobo, des « machettes » et des violences barbares des colonisés - sans avoir aucune image de l’arme présumée. Sur le corps de Moussa s’est acharné Matteo Salvini (n.d.t ancien ministre de l’Intérieur), qui a publié sur ses réseaux sociaux des déclarations sidérantes : « Avec tout mon respect, il ne va pas nous manquer. Merci aux policiers d’avoir accompli leur devoir ». Ces mots méritent d’être portés à l’attention de la
Commission parlementaire contre l’intolérance, la xénophobie, le racisme et le discours de haine.

Et, pour conclure, un élément très grave, mais peut-être pas si surprenant : l’humiliation de la mémoire de Moussa. À quelques heures de sa mort, la Préfecture et le Parquet ont diffusé un communiqué de presse conjoint, actuellement introuvable, mais qui a été repris par les principaux journaux au niveau national. Cette complicité retrace et consolide des pratiques déjà observées il y a quelques années lorsque, accusée de torture sur des citoyens étrangers, la Préfecture de Vérone fut chargée de l’enquête sur ses propres agents, dans une incohérence absolue de fonctions et d’intérêts.

La mort de Moussa Diarra se situe dans un climat de répression croissante, en ligne avec la possible introduction du décret-loi 1660, qui intensifie la guerre contre les pauvres et la marginalisation des personnes issues de l’immigration.

Pour demander justice et vérité pour Moussa, comme le font les nombreux rassemblements spontanés de ces jours devant la gare, il est nécessaire d’engager une enquête transparente sur son homicide de la part de la police. Mais, il est également important de reconnaître que, bien avant le tir du policier, la vie de Moussa avait été marquée à plusieurs reprises par le racisme structurel et institutionnel de ce pays (n.d.t Italie).

Traduction Matilde Bellom



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