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Solidarité avec les habitant·es des Grésilles



Poubelles incendiées, voitures dégradées, tirs de coups de feu, armes lourdes, les images circulent abondamment et attisent tous les fantasmes. En plein mouvement contre le racisme et les violences policières, c’est l’actualité idéale pour brouiller les cartes, redorer le blason de la police et raviver le racisme envers les habitant·es de certains quartiers comme celui des Grésilles.

Faits

Mercredi 10 juin, un garçon de 16 ans issu de la communauté tchétchène a été violemment passé à tabac par un groupe d’individus désignés comme étant des maghrébins. On soupçonne une histoire liée au trafic de cocaïne. Très vite sur les réseaux sociaux tourne un appel à la vengeance auquel répondent de nombreuses personnes d’origine tchétchène.
Vendredi 12 juin, une centaine de vengeurs, venus de divers coins de la France, de Belgique, d’Allemagne, etc. débarquent dans le bar à chicha le Black Pearl près de la place de la République. C’est ici que sont censés se trouver les responsables du passage à tabac. Les Tchétchènes [1] font une démonstration de force pour intimider les agresseurs, il y aura une dizaine de blessés.
Le lendemain, une cinquantaine de Tchétchènes mettent un coup de pression sur le quartier des Grésilles, où vivraient les responsables de l’agression du 10 juin. Quelques confrontations ont lieu.
Des représentants des deux communautés se retrouvent pour régler le conflit. Les Tchétchènes font plusieurs déclarations qui affirment que leur volonté est seulement de faire peur aux dealers maghrébins responsables du passage à tabac ou liés à eux afin que les coupables soient pris en charge par leur propre communauté [2].
Pourtant dimanche le conflit s’enlise et l’ambiance s’alourdit aux Grésilles. Environs deux-cent Tchétchènes font une dernière manœuvre d’intimidation avant de quitter la ville. Des vidéos dignes d’un film d’action circulent sur les réseaux sociaux. La colère monte, de nombreux habitant·es, au cœur du théâtre des affrontements, se sentent pris·es au piège, impuissant·es. D’autres descendent équipés pour protéger leur quartier. Leur honneur est en jeu et derrière les dealers, il y a aussi des hommes qui descendent montrer qu’ils ne vont pas laisser leur lieu de vie se faire agresser de la sorte. Le quartier est sous le choc. Heurtés par la violence de l’incursion et par l’abandon complet des autorités, beaucoup ont choisi de se défendre eux-mêmes. En effet rien n’a été fait pour empêcher les Tchétchènes de débarquer à Dijon, puis durant le week-end, rien n’a été tenté pour faire diminuer les affrontements.
Et lundi, c’est l’État qui parade. Assuré du départ des Tchétchènes, il déploie sa police tout autour des Grésilles. Des snipers sont placés sur les toits, les CRS et GM sont en place pour éviter que le désordre ne déborde du quartier. Des bandes de jeunes cagoulés arpentent les rues, la police boucle la place, les écoles sont évacuées. Cette fois la démonstration de force est unilatérale, des jeunes de Quetigny et de Fontaine d’Ouche sont venus en renfort. Il n’y a plus personne en face. Mais ce qui importe ce sont les images produites. Destinées aux assaillants, les parades armées ont pour but de démontrer que le quartier est capable de se défendre. Elles sont aussi un exutoire, car derrière la violence c’est la peur, le choc et le dégoût qui se dissimulent. La police laisse tout ce petit monde se défouler. Elle n’investit le quartier que lorque les choses se tassent. Elle roule des mécaniques, les caméras sont là, l’ordre républicain est rétabli. On ne va pas s’émouvoir du fait que des journalistes, qui jouent à ce petit jeu, ont vu leur voiture détruite. Ce jeu de dupe vient rajouter une couche de mépris vis-à-vis du quartier. Alors beaucoup de monde ressort dans la nuit. Et pas seulement aux Grésilles, mais aussi à Chenôve. Car si les Tchétchènes sont partis, c’est désormais la police qui occupe les lieux. De nombreux habitant·es ressentent cela comme une double peine. « Qu’est-ce qu’on en a à foutre de l’ordre maintenant. Ils étaient où les flics ce week-end ? Ils protègent quoi là ? »

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Y-aurait-il un message derrière ces violences ?

Habitant·es

Les témoignages sont multiples. Il y a ceux qui sont fiers d’être descendus défendre leur quartier armés. Il y a ces habitant·es qui jettent leurs poubelles par la fenêtre pour alimenter les barricades. Mais il y a aussi la peur, l’immobilisme et la colère. Car si pour certaines personnes l’autodéfense du quartier était en jeu, pour de nombreuses autres, ce sont toujours les mêmes qui imposent leur manière de rendre justice. Ceux qui contrôlent les réseaux, qui ont les armes, et qui ont de l’influence sur les plus jeunes. Toujours des hommes. Beaucoup sont dégoûtés. "C’est dégueulasse. Même si on a été abandonnés à nous-mêmes ce week-end, à subir cette violence, tout ça ça vient d’un acte inexcusable. Y avait besoin de le tabasser comme ça ce petit ? Peut-être qu’on méritait cette violence, si on laisse nos jeunes agir comme ça." On entend beaucoup de colère envers les « petits », les « jeunes », les « dealers », qui se sentent touchés dans leur égo et sont incapables de garder la tête froide. Ce qui fait que l’intimidation tchétchène a tourné en affrontements prolongés. Il faut dire que certain·es se sentent abandonné·es depuis un moment déjà et que quand on a entre 16 et 25 ans aux Grésilles le seul horizon qui se dégage est celui du deal. Rien n’est mis en place pour accompagner ceux qui se retrouvent sans taf, et rien n’est fait pour leur offrir des possibilités de raccrocher avec autre chose que le trafic. Le confinement a foutu un sacré merdier dans les réseaux et depuis c’est une guerre souterraine qui a lieu pour gagner du terrain sur la concurrence. Qu’un conflit ouvert éclate à ce moment précis révèle les tensions sous-jacentes.
 


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On entend aussi beaucoup parler du racisme entre les communautés. Un jeune père de famille remet les point sur les i : « Ce sont certaines personnes de la communauté tchétchène qui s’en prennent à certains dealers qu’ils identifient comme des maghrébins. Ils s’en prennent à eux car quelques-uns ont durement tabassé un jeune tchétchène. Ce n’est pas un conflit communautaire. Ce n’est pas un conflit raciste. C’est un règlement de compte entre bandes qui a pris des proportions démesurées. »
Certain·es habitant·es d’origine maghrébine insistent sur le fait que les Tchétchènes sont leurs frères, eux aussi musulmans et qu’ils n’ont aucune raison d’alimenter un conflit avec eux. D’autres rappellent même que les arabes sont allés combattre au côté des Tchétchènes contre l’impérialisme russe dans les années 1990. Ils semblent dépités par ce conflit aveugle et le manque de recul historique des plus jeunes [3].
Beaucoup ont aussi cette question en tête : « Et si l’extrême-droite se cachait derrière ces affrontements ? ». C’est vrai qu’on se demande comment plus d’une centaine d’individus qui annoncent un règlement de compte arrivent en convoi sans en être empéchés, alors que le renseignement intérieur semblait suivre de près ce qui se préparait [4]. Il est est vrai que ces événements semblent un levier idéal pour l’extrême-droite et la police. Tellement idéal qu’il est séduisant de les imaginer à la manœuvre, attisant le conflit afin de répandre leur fiel putride sur la guerre civile qui vient. Pourtant, tout ceci reste du domaine de l’imaginaire et factuellement, aucun élément ne vient étayer cette hypothèse pour le moment. Parfois la bêtise et l’engrenage de la vengeance suffisent à aboutir à de telles absurdités. La manœuvre a certainement plus constitué dans le fait de laisser pourrir la situation avant de faire intervenir les flics comme des super-héros plutôt que d’orchestrer une descente de Tchétchènes en dealant avec la mafia.

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État des lieux du social aux Grésilles

Police

Lundi c’est la démonstration de force du côté des autorités, BAC, CRS, GM, RAID, tout l’attirail sécuritaire est déployé autour du quartier des Grésilles. Trop tard. Les Tchétchènes sont partis. La police n’intervient qu’une fois que les affrontements sont terminés et sa présence attise la colère des jeunes du quartier. Belle démonstration d’impuissance. Encore une fois la police a prouvé qu’elle ne servait qu’à aviver les tensions, créer du désordre, et exacerber les conflits. Pourtant toutes les déclarations dans la presse vont dans le sens de l’acclamation. Et Rebsamen d’y aller de sa petite déclaration : « Il faut plus de policiers dans nos villes. Que ce soit à Nice, à Lille, partout. Il nous faut plus de policiers et on manque de policiers et donc cette police nationale elle fait tout ce qu’elle peut et moi je lui rends hommage, avec le peu de moyens dont elle dispose, en tous les cas pas assez de moyens. » En plein mouvement contre les violences et le racisme de la police, il choisit son camp et le clame haut et fort. Il prend le parti de ceux qui propagent la haine et le racisme en usant d’une violence légitimée par ceux qu’ils protègent, les hommes de pouvoir.

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La police protège les quartiers riches

Racisme

Il est important enfin de remettre ces événements à leur place et d’observer quel comportement la police a adopté durant ce week-end afin d’en faire une analyse détaillée. Il est primordial de ne ne pas mêler ces affrontements aux questions de racisme qui sont posées publiquement en ce moment. Il est perceptible que, lors de ce conflit, de la xénophobie a circulé. Et il est primordial de désamorcer tout ce qui peut attiser la haine entre les communautés. Mais rappelons que le racisme est une idéologie qui prend forme au sein d’une catégorie de personnes exerçant un pouvoir sur une autre catégorie. Qu’elle se développe lorsque ce pouvoir est remis en cause et que ses détenteurs refusent de se considérer comme les égaux des individus de l’autre catégorie et de perdre leurs avantages. Nous ne pouvons donc en aucune manière parler de racisme pour désigner ce qui s’est passé ce week-end à Dijon. Et nous ne devons pas oublier que s’il y a du racisme, là où il est installé le plus confortablement, c’est au sein de la police et de l’État.
Lundi dans la journée, ce racisme structurel s’est exprimé précisément dans le maintien de l’ordre. La police avait semble-t-il reçu l’ordre de ne pas intervenir tant que les émeutes ne concernaient que le quartier des Grésilles. Elle devait par contre empêcher que « l’ordre républicain » ne soit troublé ailleurs dans la ville. Traumatisé·es par les scènes auxquelles ils et elles avaient assisté, certain·es habitant·es du quartier se sont senti·es profondément méprisé·es par l’État. Alors que 15h approchait et que différents services publiques avaient reçu des directives pour que ses fonctionnaires quittent le quartier, les habitant·es restaient sur place, dans une zone confinée et bouclée par la police.
« Les blancs n’ont rien à foutre de nous, ils nous laissent crever » lâche un habitant.

Nous pensons aux habitants des Grésilles qui ont été obligé de faire face à cette double violence et leur exprimons notre solidarité.

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