Sale temps pour les capitalistes : Rabasse.info rejoint le réseau Mutu pour relayer les luttes de Franche-Comté !

« Violence » sociale et société de consommation



Nous sommes chaque jour confrontés à 7000 messages publicitaires en moyenne. Impossible de nier l’influence de ces images qui se font passer pour des modèles, des références.

Et encore plus lorsque l’on tente de s’intégrer dans la culture occidentale. Ce matraquage impose ses normes (canon de beauté, mode vestimentaire, le beau/le laid…), ses valeurs (compétition ; homme = voiture puissante « qui en jette » ; femme = parfum de luxe, lingerie...) et la prépondérance de l’image, des apparences.

C’est le premier jet de « culture » locale que reçoivent notamment les diverses vagues d’immigration arrivant en France mais aussi plus généralement un grand nombre de personnes vivant dans la précarité. Depuis 30 ans, notre société a miné toutes les structures et cultures communautaires : elle a tenté d’asservir à l’idéologie républicaine post-coloniale des générations d’immigré·e·s, elle a brisé les luttes d’émancipations sociales d’une partie de la classe ouvrière et de la jeunesse, détruit les quartiers populaires des centres-villes et lieux de rencontre dans la rue, les bars ou les associations… Les projets d’animation et expériences éducatives qui se détournaient de la simple consommation d’activités sont de plus en plus rares et durs à mettre en oeuvre du fait des normes sanitaires et de sécurité. L’échange a plus généralement été remplacé par le spectacle télévisuel, l’addiction aux consoles et écrans divers et l’errance rituelle dans les centres commerciaux...

De plus en plus de personnes écoulent leur temps en comparant les prix, en rêvant de promos et d’achats à travers les prospectus, la télé… Ce qui constitue un individu, ce qui est valorisant socialement s’appréhende aujourd’hui majoritairement par la pub et les héros et animateurs de la télé, généralement, du coté des garçons, de bons mâles violents aptes à écraser et humilier les autres. Nous vivons dans une société ou exister se résume de manière croissante à possèder des biens matériels et à paraître. Une certaine logique sociale cruelle veut que ceux qui peuvent d’un coté le moins accéder aux modèles de réussite sociale soient aussi parfois les plus touchés par la dictature de ces « normes », les plus désireux d’être conformes à certaines formes de valorisation, de ne plus se sentir en marge de la société.

Et ce n’est ni l’école, ni l’Etat qui détourne de ce modèle d’existence sociale, qui en fin de compte fait tourner l’économie (soit disant utile au « développement », mais de quelles notions de « développement » et de « progrès » s’agit-il là ?) et endort les gens qui ne se préoccupent plus de ce qui les entoure, des relations à leur voisinage, leur environnement immédiat et global, au sens politique des changements présents. L’école, dans cette société capitaliste, se doit avant tout de former des travailleur·euse·s. Dans le contexte actuel, son rôle se réduit de plus en plus à être un lieu de dressage d’une partie des jeunes en vue qu’ils acceptent d’être des précaires et rmistes obéissants… Il est alors assez logique que certain·e·s aient du mal à voir le sens d’aller s’asseoir sur ses bancs et se sentent quelques peu défiant·e·s ou absentéistes face à un ordre scolaire qui représente plus pour elles/eux une humiliation quotidienne qu’une quelconque possibilité d’émancipation sociale. Notre société « libérale », contrairement à ce que l’on nous rabâche, ne nous donne pas une égalité des chances de nous en sortir : des kilos d’analyses sociologiques montrent très bien que les tribunaux, la fac, les agences d’interim et de logements entretiennent des inégalités de classe et des discriminations racistes.

Les rêves auxquels sont censés aspirer les jeunes des quartiers pauvres sont inaccessibles à l’immense majorité. Les Zidane et autres miraculés sont les exceptions qui confirment la règle. Ils sont idolâtrés parce que leur cas est rare. Beaucoup ne sont-ils pas conscients qu’ils n’atteindront pas leur idéal en jouant au foot ? Quels perspectives enthousiasmantes d’avenir restent-ils alors ? Essayer d’être de bons citoyens et se faire jeter de partout, bosser à McMerde, faire de la mise en rayon et espérer avoir assez d’argent pour commencer à « vivre ». Il y a quelques décennies les jeunes précaires pouvaient encore se faire exploiter à l’usine tout en y transférant parfois une solidarité de groupe et un rejet des hiérarchies. Aujourd’hui le travail se fait rare, les syndicats se sont assagis et les jobs précaires qui demeurent se rapportent souvent à des positions de servilité sans contre-pouvoirs collectifs ni possibilités de rebellion.

On nous rabâche à longueur de journée à l’école, au boulot, dans les pubs, les médias... « écrase les autres ou c’est toi qui te feras écraser ». Exercer un pouvoir sur quelqu’un pour « évoluer » soi-même est tout à fait passé dans les mœurs. Il faut croire que si tu n’exerces pas ton pouvoir sur les autres tu fais parti des soumis et tu ne peux t’épanouir. Comment s’étonner, en l’absence de contre-culture de solidarité, que des personnes pour lesquelles il n’est pas possible de posséder, donc d’exister, soient autant que d’autres obnubilées par l’acquisition de fringues, voitures et gadgets et prêtes à en découdre pour y parvenir (comme le défendent par ailleurs si bien la pub et l’idéologie libérale), à tenter de se retourner contre les mieux lotis qu’eux ou encore à exercer un pouvoir sur d’autres exclus ?

Partout ça s’énerve, se défoule, s’enrage ou simplement se venge. De quelle position jugeons nous illégitimes ou déplacées ces manifestations de rage ? On entend souvent (et d’abord à la télé et dans la bouche des élites et politiques) que « ce sont des p’tits cons, que ce qu’ils font ne sert à rien », que « ça les dessert même », « qu’ils devraient canaliser leur énergie pour des choses plus constructives ». C’est toujours facile de juger quand on est soi-même en dehors et dans une position plus confortable. Se révolter desservirait ces jeunes et alors ? Qu’est-ce qui permet encore d’exister au présent quand on ne croit plus en l’avenir radieux offert par la société française, à la « réalité » des séries télévisées, quand on n’a plus grand chose à perdre ? En attendant, grâce notamment aux émeutes de 2005, le gouvernement ne peut pas effacer l’existence de ces banlieues, de ces conditions de vie, de la getthoisation, de la précarité… Et contrairement à ce que disait France Info, il n’y a pas que des voitures qui ont brûlé en 2005 et brûlent encore aujourd’hui, mais de manière assez explicite, beaucoup d’agences d’interim, mairies, tribunaux, assedic, supermarchés, des locaux et véhicules de la police...

Rappelons aussi que la délinquance est en grande partie un phénomène médiatique et un effet du discours politique, savamment utilisé par le gouvernement et les divers partis politiques. Il s’agit de monter des faits en épingle en stigmatisant certaines catégories de population pour faire peur aux classes moyennes et diviser la population. Puis de légitimer son pouvoir et de gagner les élections en rassurant par des promesses d’acharnement constant sur les populations à abattre.

Les définitions de la déviance et de la violence englobent aujourd’hui quasiment toutes les réactions de refus vis à vis de l’ordre établi ou de survie face à la misère économique, affective et sociale. Il est à ce titre utile de regarder concrètement ce qui est mis sous le champ de la délinquance et ce pourquoi des jeunes se voient aujourd’hui condamné·e·s :

  • il s’agit parfois d’actes de violence vis à vis des autres, coups et blessures, viols, rackette qui peuvent entraîner indéniablement des souffrances mais que l’on n’empêchera pas en détruisant psychologiquement encore plus de dits coupables avec les diverses solutions proposées par l’Etat : centre éducatifs fermés, tôles, nouveaux Etablissements pénitentiaires pour mineurs, ritalines et tranquillisants au berceau, intégration de la surveillance et du contrôle depuis l’école et dans tous les champs du quotidien…
  • il s’agit souvent de divers actes de survie face à un monde d’exploitation. La délinquance est pour beaucoup une petite économie marginale qui fait vivre des milliers de familles démunies. Comment condamner le vol dans un monde qui n’offre pas d’alternatives à beaucoup pour survivre ou exister socialement ? Comment ne pas comprendre le fait de ne pas payer les transports en commun dans un monde ou se déplacer est réservé au riches, ou encore que des jeunes enfermés dans des hlm et sans autres espaces de sociabilité collective « hors contrôle » et qui leur appartiennent se retrouvent dans leurs halls d’immeuble ?
  • ce pourquoi des mineurs se retrouvent condamnés, c’est aussi de plus en plus le résultat direct des politiques sécuritaires et du harcèlement policier, des réactions de défense qui se transforment au tribunal en outrage et rébellion, ou en mort par balle perdue ou par électrocution…
  • ce que le gouvernement appelle délinquance est enfin souvent l’expression d’une révolte, qui quand bien même elle puisse prendre des formes auto-destructrices, appelle à une solidarité de la part de celles et ceux qui refusent l’ordre social actuel. Pourtant les quelques centaines d’individus majeurs et mineurs arrêtés au cours des semaines d’émeute de novembre 2005 ont été jugés et incarcérés sans qu’il n’y ait pratiquement aucune manifestation de soutien. Les portes-paroles de la gauche parlementaire, sensée théoriquement combattre les inégalités sociales se sont contentés à cette occasion de demander plus de contrôle de proximité et de police sociale pour encadrer la « racaille ». Les militant·e·s de base restent pour leur part le plus souvent entre eux, jugent de loin, observent, « éduquent », empatissent parfois, sont souvent critiques et apeurés. Toutes ces postures entretiennent des schémas sociaux dominants, elles font le plus souvent obstacles à la possibilité de développer de vraies solidarités et luttes communes contre la domination économique. Empêtrés parfois dans les mêmes contradictions, nous ne prêchons pas ici de solutions miracles, mais sommes persuadés de la nécessité de rechercher des espaces-temps de rencontres qui brisent ces cases sociales et les jugements condescendants qui vont avec.

Au delà et plutôt que de pleurnicher face à la « violence », si on estime que cette société est pourrissante et brutale, essayons d’en tirer quelques conclusions logiques et pratiques entre autres :

  • arrêter de vouloir contrôler et normaliser les modes de vie des personnes en les punissant au moindre écart.
  • remettre en cause le vol généralisé que constitue l’exploitation au travail d’autrui et l’accumulation de biens par certains au dépend de la majorité. Les plus grands voleurs ne demeurent-ils pas les patrons, la mafia politique et les propriétaires ?
  • s’attaquer à l’autoritarisme et à la compétition qui guident les rapports sociaux à l’école et au travail et qui amènent une reproduction de ces rapports à l’extérieur.
  • s’en prendre aux valeurs machistes, à la misère sexuelle et à la domination patriarcale qui conduisent parfois aux viols et violences conjugales.

Tout en créant des alliances pour valoriser et pratiquer une violence émancipatrice, celle qui par divers biais, s’attaque aux structures de dominations économiques, racistes, sexistes, sécuritaires... Un des objectifs de Blabla, au delà du blabla et de la dénonciation, est de décliner à travers ses articles diverses manières concrètes par lesquelles des gens s’unissent et contre-attaquent, et mettent en place des structures et collectifs pour faire vivre certains des projets politiques énoncés ci-dessus. Faites partager vos expériences !



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