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[14 mars] Notes et propositions vulgaires pour en finir



Analyse du mouvement actuel et appel à se mobiliser massivement pour le rendez-vous du 14 mars à Paris. Comme une invitation au voyage...

Tic, tac, tic, tac : c’est l’histoire d’un ras-le-bol populaire qui balance

Premier mouvement : l’heure de la révolte (quand on plongeait vers l’inconnu)

À partir du 17 novembre 2018, le soulèvement des gilets jaunes a marqué une série de ruptures au sein des « traditions » de contestation en France :

  • rupture d’avec les formes classiques et leurs initiateurs habituels, tant par les lieux choisis pour montrer sa présence (les ronds-points, les parcours non déclarés) qu’à travers l’indiscipline revendiquée des interventions, ou le fait d’avoir choisi les samedis comme repères hebdomadaires ;
  • rupture dans la composition sociale des contestataires, qui en se disant et se comportant comme « apartisans », ont affirmé d’abord un rejet de toute affiliation aux organisations politiques (considérées à raison comme n’étant d’aucun secours), mais surtout que ce qui les tenait ensemble dépassait de loin ces clivages mensongers ;
  • rupture par l’exercice d’un certain art des conséquences, puisqu’il ne s’agissait plus d’intervenir pour se mettre en scène, mais bien pour qu’advienne sans médiation ce qui était exigé (la justice sociale, la démocratie réelle…) ;
  • rupture, encore, de par les effets produits par ce soulèvement chez les gouvernants, qui n’ont pas pu cacher que pour la première fois depuis des années, pendant quelques semaines au moins, le pouvoir tremblait sur ses bases.
    Autant de ruptures, un même saut qualitatif. Un tel basculement, tant de vies jetées dans la bataille, tant de ténacité, une telle reprise de l’offensive… et d’un coup, le retour du connu.

Deuxième mouvement : retour à l’horloge système

Le 5 décembre, c’est donc reparti pour des Bastille-Nation dans toutes les villes de France, au son des camions syndicaux cacophoniques (modèle « j’en ai une plus grosse que toi ») qui réduisent les manifestants et manifestantes au silence, des ballons géants et des calicots sérigraphiés pour montrer qu’on est sympa (plutôt que mal éduqué et imprévisible), des services d’ordre devant les grands magasins (histoire de bien rappeler que négocier, c’est le contraire de faire justice soi-même), des guerres d’influence et des calculs politiciens et complaisants.
Une mécanique bien huilée pour affronter un thème pourtant fort présent dans la colère des gilets jaunes, sous la forme sans doute trop généraliste (et pour cela bien moins assimilable par les corporations) d’une demande de partage des richesses.
Les leaders de la CGT reprennent leur figure de tête de la contestation « ferme mais ouverte au dialogue », ceux de la CFDT celle de « partenaires raisonnables mais qui ont tout de même des limites » (en l’occurrence, un âge-pivot jeté dans le faux débat public comme un os à ronger), et les gens… les gens, syndiqués ou non, GJ ou non, les voilà intégrés à un jeu dont ils ne sont que les pions, à défiler paisiblement « en espérant que… ». C’en est fini d’exprimer sa colère à la sauvage, sans limite et sans leader, on redevient civilisé, et on s’en remet à ceux et celles dont c’est la spécialité. Ou alors on se casse en claquant la porte, on va lécher ses plaies dans un coin, ou on se fait arrêter en préparant des actions radicales esseulées.
Écoutons un quelconque normalien se soulager en direct à la radio publique, après 3 semaines d’opposition à la contre-réforme des retraites : « […] cette mobilisation, au contraire de celle des gilets jaunes l’année dernière, s’inscrit dans un répertoire de mobilisation assez classique, et au fond c’est assez rassérénant, parce qu’on voit qu’il y a un gouvernement, il y a un parlement, il y a des partis d’opposition, il y a des syndicats, il y a des corps intermédiaires qui jouent leur rôle [...], ce qui forme une grande différence avec ce qu’on a pu voir l’année dernière. » (David Djaïz, journal de 8h de France Culture, le samedi 28 décembre 2019).

La messe semble dite. Elle a juste ajouté quelques cantiques « On-est-là » à son carnet de chants, en adaptant les paroles à l’occasion ; mais pour le reste, circulez, il n’y a plus aucun système à renverser.

Troisième mouvement : quand tout recommence à tanguer

Ce même 28 décembre, pourtant, ne fut pas tout à fait un jour comme les autres : ce fut plutôt un samedi comme les autres, de ceux qu’on avait inventés et réinventés pendant plus d’un an, dont la tradition menaçait déjà de disparaître. L’acte 59 des gilets jaunes à Paris n’a certes pas fait la « une » des médias, mais il fut un beau moment pour affirmer que la « trêve », c’était pour les confiseurs et les vendeurs de pacotille. Une vraie manif déter, sans direction, GJ-BB-travailleureuses vénères, qui part dans tous les sens et ne veut pas s’arrêter.
Et puis le mois de janvier : avec la CFDT et l’UNSA qui rentrent dans le rang après avoir fait semblant de chouiner, avec les actions de blocage qui se multiplient bien au-delà du contrôle des « centrales » restantes, avec les groupes de travailleureuses du public ou du privé qui débrayent en bandes joyeuses, avec celles et ceux qui ont mis un mois et demi à se réveiller mais entrent enfin dans la danse, avec les coordinations interpro qui font savoir à leurs pseudo-représentants qu’elles ne s’en laisseront pas conter, avec les GJ qui reviennent en sentant bien que le temps de la naïveté est passé, une fois de plus, et que les portes de l’inconnu pourraient se rouvrir encore…
Des grévistes qui s’étonnent d’être si peu entendus après avoir tant donné. Des manifestants et manifestantes qui comprennent dans leur chair de quoi on parle depuis un an quand on dit que les flics et les fliquettes sont en roue libre. Des membres du Parti au pouvoir qui ne peuvent plus s’exposer nulle part sans être poursuivis par des hordes d’opposants, dont on ne sait même plus si ce sont des gilets jaunes sans gilet ou des syndicalistes radicalisés…

Et toujours la menace d’un retour à l’horloge système (auquel les cadres des pompiers ont malheureusement commencé à rouvrir la voie le 28 janvier) : quand les « centrales » décideront que pousser plus loin voudrait dire perdre le contrôle, quand celles et ceux qu’elles veulent encadrer accepteront de se demander si, au fond, on n’a pas déjà assez gagné pour cette fois-ci (et assez perdu d’argent), quand celles et ceux qui sont en train de tout donner auront l’impression d’avoir tout donné… est-ce que ce sera comme en 2010 ? Ou comme en 68 à Grenelle, avant que tout ne soit achevé par les élections ?

Jusqu’au bout du mouvement : retrouver les fondamentaux, mettre fin au spectacle

Lire la suite de l’article sur La Bogue.

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