On approche du 1er mai. C’est le moment de se remémorer les grands instants de cette journée de lutte et de s’en inspirer. Le 1er mai n’a pas toujours été la promenade tranquille de commémoration qu’elle est aujourd’hui. L’édition de 1906 nous rappelle que la lutte syndicale est étroitement liée à la conflictualité dans la rue et qu’arracher des droits ne se fait pas en douceur.
Le congrès de Bourges, 8e congrès de la CGT tenu en septembre 1904, adopte les revendications de la journée de huit heure et du repos hebdomadaire portées par Émile Pouget et Victor Griffuelhes. Il est décidé qu’à partir du 1er mai 1906 les ouvriers quitteront leur lieu de travail après la huitième heure. Des manifestations se préparent pour le 1er mai 1906, elles sont interdites par Georges Clemenceau, ministre de l’intérieur. Les ouvriers se mettent en grève et manifestent quand même, de violents affrontements avec la police et l’armée ont lieu dans toute la France.
À Dijon, une manifestation organisée par la Bourse du Travail doit partir à 14h30 de la place du Peuple (place Wilson). Les magasins ont fermé leurs portes, les tramways ne circulent pas, les agents de police et les gendarmes sont mobilisés.
Un cortège de 500 syndicalistes part dans la rue Févret, arborant un drapeau rouge et un drapeau noir portant en lettres blanches : « Guerre à la guerre », chantant la Carmagnole et l’Internationale. Les manifestants sont suivis par un millier de personne.
Ils s’arrêtent rue du Transvaal, devant Faucillon-Lavergne [1], et brisent les vitres de l’établissement parce que ses ouvrier n’ont pas pu faire grève.
La manifestation continue dans la rue d’Auxonne et stoppe de nouveau devant Gros Père & Fils, pour les mêmes raisons.
Elle rejoint la place du 30 octobre, continue jusqu’à la rue Jean de Cirey où elle s’en prend à Lachèze et Fils [2] qui n’est pas en grève non plus. Ça cogne un peu, et ça repart !
Le cortège reprend sa route en direction du quartier des Casernes et rejoint le centre-ville pour terminer devant la Bourse du Travail place du Théâtre.
Le commissaire et ses agents envahissent la Bourse du Travail pour arrêter Jules Chazeau, secrétaire général de l’Union des syndicats de Lyon, anarchiste antimilitariste, et Joly. L’intervention provoque une émeute, un gendarme qui a reçu une pierre derrière la tête est grièvement blessé.
L’Humanité, quotidien socialiste, publie le 2 mai 1906 un entrefilet sur la manifestation du 1er mai qui a eu lieu à Dijon :
Dijon, 1er mai. – Une manifestation organisée par la Bourse du Travail a parcouru les rues sans incidents graves.
Le commissaire central, M. Dreyfus, ayant appris que, parmi les manifestants au nombre de 500 rentrés à sept heures du soir à la Bourse, se trouvait Chazeau, secrétaire de l’Union des syndicats de Lyon, contre lequel un mandat d’amener pour excitation au meurtre et au pillage était lancé, voulut pénétrer dans la salle. Leloup, secrétaire, tenta de l’empêcher.
M. Dreyfus réussit à entrer dans la Bourse avec de nombreux agents, et arrêta Chazeau, qui haranguait le foule, et Joly.
Les gendarmes à cheval durent déblayer la rue et c’est escorté par eux que les prisonniers furent conduits au bureau de police central. Dans le trajet, un gendarme a reçu une pierre derrière la tête et est assez grièvement blessé ; le coupable n’a pu être arrêté.
Le Temps, quotidien centriste de la bourgeoisie libérale, publie de son côté :
Dijon, 1er Mai.
Beaucoup de négociants ont fermé leurs magasins dans la crainte de troubles. Les tramways électriques ne circulent pas.
À deux heures un quart a eu lieu une manifestation organisée par la Bourse du Travail. Un cortège de 500 personnes, tant hommes que femmes, partis de la rue Fevret, précédés d’un drapeau rouge et d’un drapeau noir portant en lettres blanches : « Guerre à la guerre », a parcouru les rues, chantant la Carmagnole et l’Internationale.
Les manifestants étaient escortés par les commissaires et les agents de police et suivis par un millier de curieux.
Devant les usines où on ne chômait pas, on a conspué les patrons et jeté quelques pierres, notamment à l’usine Faucillon, rue du Transvaal, où des vitres ont été brisées.
Les troupes sont consignées.
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