Il jeta un œil à la fenêtre. Depuis son bureau situé au 2e étage il pouvait voir toute la rue. Ils étaient toujours là. Les uns bavardant gaiement, les autres circulant d’un groupe à l’autre avec une thermos de café, d’autres encore distribuant des pains au chocolat...Parmi eux se trouvaient des syndicalistes, des gilets jaunes, et, sans aucun doute, des membres du gang de la clémentine.
Tout ça pour une micheline bloquée 10 minutes... se dit-il, constatant avec amertume l’ironie de la situation : la circulation était maintenant bloquée depuis plus d’une heure aux abords du commissariat. Près de 80 manifestants étaient venus apporter leur soutien aux 6 personnes convoquées en audition libre à la suite de l’opération « café serré ». Il avait lui-même participé au coup de filet à la gare, une intervention sans précédent à Chalon, qui avait nécessité la coopération de tous les services de police et de gendarmerie de la région. Cette démonstration de force aurait dû les refroidir... et voilà qu’ils sont encore plus nombreux devant le commissariat, pensa-t-il. S’il commençait à comprendre l’obsession du sous-préfet à l’égard du gang de la Clémentine, il lui fallait bien admettre que la stratégie de la répression du mouvement social ne montrait absolument aucun résultat : les opposants ne s’arrêteront jamais, songea-t-il.
Sur cette pensée pleine de dépit, le brigadier se retourna et repris l’interrogatoire.
- Je vous rappelle que vous êtes ici pour les faits survenus le 10 février dernier à la gare. On vous suspecte d’entrave à la circulation ferroviaire.
- (…)
- Quel est le lien entre les syndicats et la mouvance des gilets jaunes ?
- (…)
La personne qu’il avait la charge d’auditionner continuait à se murer dans le silence.
- Reconnaissez-vous la personne sur cette photographie ? (…) Est-ce cette personne qui avait organisé l’action à la gare ? (…)
Il commençait à perdre patience quand il lut la question n°12 de l’interrogatoire que leur avait remis le commissaire.
- Portez-vous des tatouages ?
Cette fois la personne interrogée ne put s’empêcher de réagir.
- Mais... pourquoi vous me demandez ça ?
- C’est si on retrouve votre corps sans la tête on pourra vous identifier.
La personne auditionnée se trouva fort abasourdie par cette réponse. Était-ce une menace, ou de la bêtise ? En tout état de cause, l’hypothèse qui avait couru le 10 février dernier à la gare, selon laquelle la police était à la recherche de Macron en fuite à bord du Chalon-Varennes, n’était finalement pas si farfelue.
Les 6 personnes ressortirent du commissariat après 2 heures d’interrogatoire. Lors de l’AG interluttes qui s’en suivit à la maison des syndicats, elles nous annoncèrent de nouvelles dates de mobilisation anti-répression :
- 22 avril 9h00 maison de la justice de Chalon-sur-Saône
- 6 mai 10h00 maison de la justice de Chalon-sur-Saône
- 19 mai 8h30 maison de la justice de Chalon-sur-Saône
- 27 mai 10h00 maison de la justice et du droit de Louhans
- 1er juillet maison de la justice et du droit de Louhans
[PS : compte-rendu écrit avant que SARS-CoV-2, plus connu sous le sobriquet de Covid19, ne mette le pays (euh, pardon, la Nation) sous-cloche, pendant...? On se retrouve et on reprend la lutte de plus belle quand il sera retourné dans son permafrost. Une idée pour la prochaine banderole : "Nous sommes en guerre (sociale) "]
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