Les fakes-news, fragrance de l’ère du temps.
Plusieurs fois candidat à des élections locales, le régionaliste et ultralibéral Jean-Philippe Allenbach est un habitué des coups d’éclat et des propos tranchés. Obtenant néanmoins un score modeste de 2,18 % des voix lors des municipales de 2020, c’est auprès du LR Ludovic Fagaut qu’il s’est rangé pour le second tour. Un soutien insuffisant puisque la droite ne parviendra pas à rafler la capitale comtoise, alors que le septuagénaire est lourdement sanctionné par le tribunal administratif de Besançon pour « un manquement délibéré à une obligation substantielle » liée à ses comptes de campagne [7].
Une décision qui ne l’empêche pas de continuer à se répandre par oral ou par écrit, comme à travers ses newsletters adressées aux nombreux contacts de son répertoire. Le lundi 6 décembre 2021 à 13h39, certains reçoivent ainsi un courrier électronique pour le moins intriguant. Avec pour seule matière la phrase « A mon humble avis le monsieur sur le plateau de la tv algérienne il n’a pas l’air d’aimer l’islam....😊 », adjointe d’une vidéo. Laquelle reprends en partie un débat particulièrement tendu, incluant une transcription de l’arabe vers le français censée être fidèle aux différents échanges.
Ceux-ci consistent en une suite ininterrompue d’attaques insultantes visant cette religion, estimant par exemple que « Mohamed est un psychopathe et un assassin. » L’organisme qui aurait republié cette vidéo se nomme « MEMRI TV » [8], souvent accusé d’être un service de propagande de l’extrême-droite israélienne par des partis pris et des fakes-news contre le monde arabo-musulman. Car la vidéo originale s’avère avoir été réalisée le 2 février 2013 par la chaîne égyptienne « Sada El Balad », et ne comporter aucun des éléments pourtant allègrement repris et exposés par Jean-Philippe Allenbach.
IIIe Reich et Khmers verts.
En effet le 9 décembre 2019, l’AFP puis plusieurs médias consacraient une analyse de ce contenu devenu viral. « Cette traduction est complètement fausse. L’homme qui parle dans la vidéo, l’avocat et député égyptien Ihab Al-Khouli, fustige en réalité l’ancien président Mohamed Morsi et ne critique ni le Coran, ni Mahomet lors de son intervention » précisent les journalistes [9]. Un procédé éculé, utilisé en 2016 avec une version anglophone… aux fins de promouvoir un livre, encore bien visible dans ce nouveau détournement. Mais dans le registre du minable, Jean-Philippe Allenbach n’en est pas à son coup d’essai.
Il s’est illustré suite aux mobilisations bisontines dédiées à Georges Floyd, réagissant à la présence de l’écologiste Anne Vignot... et à sa pose genou à terre, en signe d’hommage [10]. Reprenant le cliché à son compte, le vieux routard avait comparé ce geste au serment d’allégeance au Régime de Vichy [11]. Rien de moins. Un maniement historique et mémoriel lunaire, que les critiques n’ont apparemment pas permis de réviser : en marge de la venue de Rokhaya Diallo le 19 novembre dernier au CDN [12], le politicien renvoyait les positions de l’intéressée aux « discours racistes des dirigeants du IIIe Reich. »
Un vrai sens de la mesure, amplifié depuis qu’Anne Vignot est devenue maire. La Majorité fut ainsi taxée de « soviet municipal » en juillet 2020, accusée de mettre à mal les valeurs chrétiennes à Noël 2021 [13], ou qualifiée de « Khmers verts » depuis avril 2021. Une dernière allusion qui fait référence, tout de même, au régime génocidaire de Pol Pot [14]. Mais là où d’autres inspirateurs, comme Éric Zemmour, ajoutent les adjectifs de « fascistes », « talibans », et/ou « djihadistes verts » [15], Allenbach se contentera d’un sobre « totalitariste. » C’est qu’il ne faudrait pas passer pour un guignol réactionnaire.
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