Cesare Battisti cesse de s’alimenter et de se soigner



Extradé vers l’Italie en 2019 et condamné à perpétuité pour des assassinats datant des années 70, le militant politique publie une lettre dont la présente traduction a été effectuée par ses proches et soutiens. Il dit vouloir lutter pour la dignité jusqu’à son dernier souffle.

Suite à sa décision, consécutive au refus de son transfert, de cesser à nouveau le 2 juin de s’alimenter et de se soigner, Cesare nous a adressé une lettre dont la lecture nous a profondément bouleversé.e.s. Nous avons décidé de rendre publique sa traduction, d’une part pour toutes les personnes qu’elle concernerait directement sans être pour autant en contact avec l’un ou l’une d’entre nous, d’autre part parce que l’idée de le laisser crever dans ce silence assourdissant nous est insupportable... Il demande que la décision de la Cour d’Assise de Milan soit appliquée, de sorte qu’il puisse être transféré dans une prison et dans un parcours de réclusion classique, hors de l’AS2, accessible aux visites de sa famille, et hors de l’isolement de fait qu’il subit depuis 28 mois.

« Je m’adresse à mes enfants bien-aimés, à ma compagne de voyages, aux frères et aux sœurs, aux neveux, aux amis et aux camarades, aux collègues de travail et à vous tous qui m’avez bien aimé et soutenu dans votre cœur.

Les effets destructeurs de la grève

Je vous demande à vous tous un dernier effort, celui de comprendre les raisons qui me poussent à lutter jusqu’à la conséquence ultime au nom du droit à la dignité pour chaque détenu, de tous.
La dignité d’affronter ses propres responsabilités en restant soi-même.

Mon choix est un choix radical, si on peut parler de choix, quand il reste le seul moyen décent de défendre son amour propre, les valeurs humaines et de justice que jusqu’ici vous avez partagées avec moi, la sauvegarde de la mémoire historique et de la mémoire affective.

Le 2 juin 2021, j’ai commencé une grève de la faim en sachant que je ne reviendrais pas en arrière, donc en étant conscient de vous infliger une grande douleur. Mais en ayant la certitude que, le temps relâchant la morsure de la douleur, vous conviendrez avec moi que c’était l’acte le plus digne que je puisse faire pour éviter de mourir à genoux, après avoir été pressé et utilisé, à toutes ses fins ignobles, par le pouvoir.

Ce serait ainsi trahir les valeurs d’un passé auxquelles j’ai crues, jusqu’à la dérive armée. Je ne me suis jamais senti un criminel alors, ni ne me sens de l’être aujourd’hui, même si j’ai conscience de m’être trompé. Je suivais, comme tant d’autres, des valeurs fondamentales du droit pour la personne, je ne peux me permettre de les trahir sur la ligne d’arrivée.
Voilà pourquoi je vous demande une dernière fois de m’aider à être moi-même et de me pardonner pour la douleur que je vous inflige.

Je veux qu’il soit clair pour vous que ma lutte est une lutte de protestation, de revendication de droits inaliénables.
Il n’y a pas de place dans ma décision pour des dérives d’ordre psychologique. J’ai des demandes objectivement précises, clairement formulés aux autorités compétentes. Il n’y aura donc aucune espèce d’arrondissement des angles, d’actes irréfléchis, ni de prétextes psychiatriques. Si nécessaire, je continuerai la grève de la faim jusqu’au dernier souffle.

Je ne suis pas un imbécile, je suis en train de lutter pour la vie.
Vous êtes des personnes merveilleuses, défendez toujours la liberté et le respect.
Je vivrai pour toujours avec vous.

Rossano, le 9 juin 2021
Cesare Battisti »

Cette traduction ainsi que son original en italien sont à retrouver ICI


« Le traitement du condamné et de la personne internée passe principalement par le biais de l’éducation, du travail, de la religion (ça c’est l’Italie), des activités culturelles, récréatives et sportives et en facilitant les contacts appropriés avec le monde extérieur et les relations avec la famille. »
Art. 15 - loi du 26/07/1975, n. 354 - Constitution


Communiqué des ami.e.s de Cesare Battisti

Nous, connaissances, amies, amis, ou proches de Cesare ou encore simples soutiens attachés à la dignité humaine,
qui pour certain.e.s connaissons, ou avons connu ou aimé d’autres personnes issues de la même Histoire, soumis.es à la même vindicte à perpétuité,
voulons dire nos inquiétudes, notre angoisse, notre déchirement, notre écœurement. La suite de ce communiqué

Voir également son Appel à la justice
et si besoin, une rapide biographie

Deux appels à soutiens à signer :



Proposer un complément d'info

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Se connecter
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Lien hypertexte

(Si votre message se réfère à un article publié sur le Web, ou à une page fournissant plus d’informations, vous pouvez indiquer ci-après le titre de la page et son adresse.)

Ajouter un document

Articles de la même thématique : Prison - Enfermements

Une rencontre avec Kamel Daoudi, une émission de Mayday

Kamel Daoudi est connu pour être l’un des plus anciens assignés à résidence en France. Pour ces émissions on a pris le temps d’aller le rencontrer à Aurillac, on l’a enregistré longuement et on vous restitue son histoire Kafkaïenne en 2 segments d’une cinquantaine de minutes chacun.

Appel à rassemblement en soutien à Julien Assange

Les 20-21 février, la Haute Cour britannique examinera la recevabilité de l’ultime appel de Julian Assange au Royaume-Uni pour empêcher son extradition vers les États-Unis, où il risque jusqu’à 175 années de prison pour espionnage.

Articles de la même thématique : Justice

La France condamnée pour la nasse du 21 octobre 2010, et après ?

La CEDH a rendu aujourd’hui 08/02/2024 son verdict sur l’affaire de la nasse du 21 octobre 2010.
Après 13 ans de bataille juridique et militante, si la France a été condamnée à payer 1 714,28 euros aux requérants, la décision n’est pas une victoire politique.

Noyade de Check Camara : le procureur protège la police

Le 7 juillet dernier, Check Camara, 18 ans, se fait courser par la police. Le 10 juillet, il est retrouvé noyé dans le canal de Bourgogne. Lundi 20 novembre, le procureur de la République classe l’affaire Check Camara sans suite.