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Conférence « Pensées décoloniales et frontalières. Liquider 1492 ! »



Jeudi 21 mars, l’atelier d’écologie politique « Penser les transitions » accueille Camille Back et Philippe Colin autour des théories critiques d’Amérique latine et de l’oeuvre de Gloria Anzaldúa.

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Les publications récentes de "Pensées décoloniales, une introduction aux théories critiques d’Amérique Latine" par Philippe Colin et Lissell Quiroz (Zones, 2023) et de l’essai de traduire ou plutôt de « francophoner » le chef-d’œuvre de l’intellectuelle féministe chicana Gloria Anzaldúa, "Terres frontalières/La Frontera. La nouvelle mestiza" (Cambourakis, 2022) nous invitent à placer notre question de la transition sous le feu de la puissante critique de la modernité euro-occidentale, énoncée depuis les terres des Amériques soumises au colonialisme de peuplement et d’extraction.

C’est aux penseurs et penseuses du collectif Modernité/Colonialité/Décolonialité – Aníbal Quijano, Enrique Dussel, Walter Mignolo, María Lugones, Arturo Escobar, Catherine Walsh, Boaventura de Sousa Santos… – qu’il revient d’avoir, depuis le Sud Global et dans la continuité des théories de la dépendance et de la théologie et de la philosophie de la libération, fondé la critique décoloniale en tant qu’outil analytique majeur pour comprendre la dévastation de nos mondes contemporains. À partir de la démonstration éclatante de l’origine coloniale de l’Europe moderne fondée sur l’occultation, le recouvrement (el encubrimiento) de l’Autre (Dussel), c’est-à-dire contre le mythe eurocentré de la modernité, iels se sont attaché.es à montrer comment cette matrice coloniale (Quijano) composait une structure de domination totale, permanente et ininterrompue, qui se poursuivait même après les mouvements d’Indépendance de la première moitié du 19e siècle : colonialité du pouvoir, colonialité de la race, colonialité de l’être, colonialité des savoirs… En posant que « la modernité est intrinsèquement coloniale », iels ont voulu construire les bases d’un programme décolonial insistant sur la nécessité d’une voie latino-américaine singulière, un horizon utopique au-delà de la modernité fondé sur le dialogue et la reconnaissance des différences : transmodernité (Dussel), transculturalité (Walsh), écologie des savoirs (Santos), sentipensée (Escobar), désobéissance épistémique (Mignolo), sont les concepts pour l’invention d’une condition pluriverselle.

Mais aussi une condition mestiza ouvrant sur une pensée de la frontière qui ne craint pas d’affirmer et de revendiquer le mélange de cosmovisions – autochtone, espagnole, mexicaine, états-unienne – plus souvent conflictuelles. Figure majeure de la théorie chicana, aux origines de la pensée queer décoloniale états-unienne, Gloria Anzaldúa (1942-2004) n’a eu de cesse d’explorer la puissance créatrice de l’hybridation née du contact entre mondes et cultures sur fond de luttes et d’oppositions. Sexuelle, linguistique ou géographique, la frontière est une terre politique où s’accomplit un renversement fondamental, celui qui voit la culture subalterne s’affirmer en égale de la culture supérieure. El Mundo Zurdo, le monde gaucher, de Gloria Anzaldúa, composé de communautés de queers, de femmes, de Chicanas, de Chicanos, et autres subalternes, définit ainsi l’espace d’un projet politique et théorique construit depuis les marges et confiné aux marges.

Camille Back, autrice d’une thèse sur Gloria Anzaldúa, et Philippe Colin, co-auteur de "Pensées décoloniales", nous aideront à croiser ces deux perspectives et à nous demander comment elles peuvent « compliquer » notre propre rapport à la modernité.

Séance présentée et animée par Judite Rodrigues-Balbuena (TIL, uB) et Jean-Louis Tornatore (LIR3S, uB).

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Camille Back est enseignante contractuelle à l’Université Sorbonne Paris Nord, dans les départements d’Espagnol et de LEA. Elle a soutenue en 2022 une thèse de doctorat intitulée : “To(o) Queer the Writer”. Contributions et effacement de Gloria Anzaldúa lors de l’émergence de la théorie queer (Université Paris 3 – Sorbonne Nouvelle). Elle a récemment publié : « Gloria Anzaldúa, une lutte de frontières. Une penseuse oubliée aux origines de la théorie queer », Revue du Crieur, 2023/1, n° 22, p. 142-159.

Philippe Colin est maître de conférences en civilisation de l’Amérique latine à l’université de Limoges. Il a publié en 2014, avec Claude Bourguigon-Rougier et Ramon Grosfoguel, une anthologie de différents textes issus du programme Modernité/ Colonialité / Décolonialité : Penser l’envers obscur de la modernité, Une anthologie de la pensée décoloniale latino-américaine (Pulim) et avec Lissel Quiroz, Pensées décoloniales. Une introduction aux théories critiques d’Amérique latine (La Découverte, Zones, 2023). il a co-traduit Sentir-penser avec la terre d’Arturo Escobar (Seuil, 2018) et Les pensées de l’Indien qui s’est éduqué dans les forêts colombiennes de Manuel Quintin Lame (Wildproject, 2023)

Jeudi 21 mars de 14h à 17h
Salle Chevrier (3e étage, n°319)
Bâtiment Droit-Lettres de l’université de Bourgogne
Entrée libre


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