Les raisons avancées par le Grand Dijon, et notamment énoncées par M. Jean-Patrick Masson, élu Vert à la mairie de Dijon dans le BP, sont pour le moins fallacieuses, sinon révoltantes. D’une part, on met en avant le fait que le dépôt des encombrants dans les rues des différents quartiers une fois par mois serait inesthétique voire dangereux. C’est ce même état d’esprit qui a privé longtemps les riverains du centre-ville de la possibilité de trier le verre, la mairie avançant le fait que déposer du verre dans les rues du centre-ville pourrait être dangereux (faut-il comprendre que le dépôt du verre dans les autres quartiers ne serait pas dangereux, puisqu’il y a lieu ?), et que l’installation de bennes de tri pour le verre est inesthétique et que ça ne sied pas dans un centre ville historique et touristique. Résultat : les riverains du centre-ville ainsi que les nombreux restaurants, bistrotiers n’ont pas d’autre choix réel que de mélanger le verre aux autres déchets ménagers. Laissons de côté l’aspect esthétique somme toute très subjectif, bien qu’il donne lieu ici à de petits commentaires à la limite du racisme quant au manque de civilité et de propreté des personnes qui viennent fouiller (« subtiliser », pouvons-nous même lire) les encombrants et y récupérer certains objets. Attachons-nous rapidement à la dangerosité des encombrants déposés dans les rues du Grand Dijon. Sans vouloir faire de mauvais esprit, j’aimerais bien que les autorités avancent quelques chiffres du nombre de personnes blessées à cause de la présence d’objets encombrants sur les trottoirs une fois par mois.
Autre raison énoncée (et ne nous voilons pas la face, l’essentielle) : le « manque à gagner » pour la communauté de communes. En effet, on lit que beaucoup de personnes font la récup’ dans les encombrants, arpentant les différents quartiers chaque jour en fonction du calendrier pour y fouiller et ramasser tout ce qui est valorisable. Et bien sûr, non seulement « ces gens-là » ne le font pas proprement, mais en plus, en agissant ainsi, ils ôtent le pain de la bouche de la mairie qui souhaiterait pouvoir elle aussi faire ce boulot de récup’ et de « valorisation »... En n’autorisant plus le dépôt des encombrants dans les rues de la ville, et en engageant les gens à les déposer directement en déchèteries, le Grand Dijon entend pouvoir tout récupérer directement et ainsi gagner plusieurs centaines de milliers d’euros par an.
Outre le fait que ces arguments sont difficilement entendables, quels sont les arguments de celles et ceux qui refusent la fin du ramassage des encombrants ?
S’il est question de « manque à gagner », que dire de toutes les personnes qui récupèrent des objets parmi les encombrants pour aménager et meubler leur habitat lorsqu’elles s’installent, ou simplement parce qu’elles découvrent une merveille un soir dans la rue et la ramènent chez elles pour le plaisir ? Les encombrants, pour les étudiant-es ou toute autre personne qui prend son premier logement, pour les gens qui n’ont pas trop de sous pour payer de quoi se meubler, aménager, décorer, c’est une vraie source de trouvailles, de quoi aménager son quotidien, une possibilité de changer le canapé sans frais lorsque le sien est abimé... Les encombrants, pour un grand nombre de gens, c’est une nécessité. Et pour d’autres qui auraient les sous pour se passer de cette nécessité, c’est simplement un plaisir, une façon de chiner... et le plaisir aussi, ce n’est pas marchandable. Mais là aussi, dans ces récup’ il y a un manque à gagner... pas pour la mairie, certes, mais les connivences entre les intérêts marchands privés et publics ne sont pas à prouver...
Alors qu’est-ce que ça signifie, la fin des encombrants ? La fin de la récup’ pour les gens qui font la ferraille et donc la fin pour eux d’une source d’argent, la fin de la récup’ pour les pauvres et les chineurs, mais c’est aussi une nouvelle illustration de la prise de décisions des autorités de la ville sans aucune concertation et sans prise en compte des envies des habitant-es du Grand Dijon.
Ça signifie aussi que les gens ne feront pas forcément appel au service municipal, consistant à prendre un rendez-vous auprès des services de la mairie pour faire débarrasser leurs encombrants, en précisant la nature des déchets, service dont on ignore s’il restera gratuit. Alors, si les gens ne passent pas par ce service ? Ça signifie plus de déplacements en voiture pour se rendre à la déchèterie. Et là d’ailleurs, on se dit que quitte à aller soi-même se débarrasser de ses déchets, autant aller soi-même chez le ferrailleur lui vendre ses métaux, et se faire quelques euros, toujours ça que la mairie n’aura pas. On peut aussi s’attendre, peut-être, à l’apparition de décharges sauvages, permettant d’éviter de se rendre à la déchèterie...
On peut s’attendre surtout à des ripostes et des contestations contre l’abandon de ce service : la classique pétition, certes, mais plein d’autres idées ont déjà émergé, depuis le dépôt sauvage devant chez le voisin pénible jusqu’à la création d’un site internet d’échange gratuit permettant de recycler soi-même ses vieux meubles et autres, en passant par le développement d’un calendrier non officiel des encombrants par quartier, comme il existe jusqu’ici...
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