Génération Identitaire, suite et fin



Mardi 3 mars, le conseil des ministres a annoncé la dissolution de Génération Identitaire. Retour sur l’histoire de ce groupuscule, sa tentative d’implantation en Bourgogne, et quelques réflexions sur sa dissolution.

La dissolution de Génération Identitaire a été actée le matin du mercredi 3 mars en conseil des ministres. Cette décision fait suite aux annonces du ministre de l’Intérieur en janvier en réaction à une opération menée par le groupe dans les Pyrénnées.
Dans le décret de dissolution, Darmanin explique - très hypocritement - que cette décision a été motivée par les « discours de haine incitant à la discrimination ou à la violence envers des individus en raison de leur origine, de leur race et de leur religion » et le fait que « par sa forme et son organisation militaires », GI « peut être regardée comme présentant le caractère d’une milice privée ». Sur les réseaux sociaux, certains ont déjà souligné qu’il y voyait plus probablement une concurrence déloyale dans la surenchère raciste.

De quoi Génération Identitaire était-elle le nom ?

Les lignes qui suivent sont tirées d’un article publié début mars 2019 sur dijoncter.

Qu’est-ce que Génération Identitaire ?

Du mercredi 27 février au vendredi 1er mars, "Génération Identitaire" a annoncé sa présence à Dijon pour une « Tournée d’implantation ». En cette période difficile pour les groupuscules fascistes, il est important de ne pas les laisser trouver un nouveau souffle en ouvrant une antenne locale à Dijon. Pour mieux les combattre, commencons par mieux les connaitre.

4 mars 2021

Rajeunir l’extrême-droite

Aux origines du mal

Les identitaires sont issus de groupes nationalistes révolutionnaires, comme Unité Radicale, dissous après une tentative d’assassinat sur Jacques Chirac en 2002, mais aussi du MNR de Mégret. Leur ambition est alors d’avancer leurs pions dans la bataille pour la succession du Front National, qui vient d’atteindre le second tour de la présidentielle pour la première fois de son histoire, mais dont le chef, le « Vieux » Le Pen, semble en fin de course.

Pour y parvenir, ils misent sur la « dédiabolisation ». Cela passe notamment par des coups médiatiques (on y reviendra), mais surtout par un ravalement de façade complet. Les symboles de l’extrême-droite à l’ancienne, comme la croix celtique, sont ainsi abandonnés au profit du lambda spartiate, et les références antisémites sont abandonnées au profit d’une réthorique de « choc des civilisations » avec le monde arabo-musulman.

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Avant/après : les habits neufs de la droite radicale

Leurs références idéologiques restent néanmoins très vagues : préférence nationale et défense des identités européennes face à l’« invasion migratoire » et au « Grand Remplacement ».

FN : je t’aime, moi non plus

Presque 20 ans plus tard, qu’en est-il de leurs ambitions au sein du FN, récemment maquillé en RN ? Après avoir mué en un parti politique, le "Bloc Identitaire", en 2009, et quelques aventures électorales peu concluantes, les identitaires ont du se résoudre au constat que leur tentative de prendre la succession du FN est un échec. En juillet 2016, les identitaires abandonnent la forme-parti et les ambitions électorales, ils reprennent leur ancien nom "Les Identitaires". Leur chef Fabrice Robert annonce qu’ils cessent « toute confrontation électorale avec le Front national ». Une bonne partie de la classe politique, du FN aux Vallsistes, ont de toute façon déjà repris leur interprétation islamophobe de la laïcité.

Après des années à chercher à se démarquer, les identitaires vont donc à la gamelle au FN. Damien Rieu, porte-parole de Génération Identitaire (la section jeune des Identitaires, aujourd’hui autonome), est actuellement le collaborateur à l’Assemblée Nationale du député Gilbert Collard. Philippe Vardon, un des leaders historiques des Identitaires est maintenant Vice-Président du groupe RN de la région PACA et Membre du Bureau National du RN.

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Romain Espino, autre leader de GI, s’est quant à lui affiché récemment avec Marion Maréchal Le Pen.

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Romain Espino, aux côtés de Marion Maréchal Le Pen

Les liens entre Génération Identitaire et le Génération Nation (la section jeunes du RN, successeur du FNJ) sont parfois étroits, allant du soutien pendant les campagnes électorales, à de l’aide matérielle (voir plus bas le reportage d’El Jazeera sur les Identitaires lillois).

Coups de com’ et ratonnades

Derrière la communication...

Dès leur origine, on l’a vu, les identitaires se sont démarqués d’une extrême-droite vieillissante en développant de nouvelles références visuelles. Ils ont aussi su se donner une grande visibilité médiatique grâce à une communication savamment maitrisée. Depuis les premières « soupes au cochon » en 2004, jusqu’à leur opération médiatique au col de l’Échelle, où à grand renfort d’hélicoptère et de doudoune logotypées, une centaine d’identitaires sont allés « bloquer » le passage de migrants, ils ont su jouer de l’appétance des médias pour le sensationnel.

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Malgré les buzzs médiatiques, aucune de ces initiatives n’a réellement eu lieu

« Apéro saucisson-pinard » pendant la mode des apéros facebook en 2010, occupation du chantier de la mosquée de Poitiers en 2012, campagne contre l’installation d’un Starbucks à Montmartre en 2013, milices en gilet jaune dans les métros lillois et parisiens en 2014, les médias se laissent systématiquement berner par des annonces d’évènements qui ne voient parfois jamais le jour, si ce n’est le temps d’une photo.
Plus récemment c’est eux qui sont à l’origine du fiasco de l’opération Defend Europe en Méditerrannée, de l’occupation des locaux de l’ONG SOS Méditerrannée à Marseille (qui leur a valu une vingtaine d’arrestations), ou de la tentative de récupération du meurtre d’un jeune Grenoblois, malgré l’opposition de sa famille.

...la haine

Derrière cette communication soignée, ce déploiement de moyens (bateau, hélicoptère), ces visuels léchés, la réalité est moins reluisante, et les vieilles habitudes de l’extrême-droite sont toujours là. Un reportage en deux partie réalisé par la chaîne Al Jazeera, qui a réussi à infiltrer un journaliste dans la Citadelle - le local lillois de GI - est là pour en témoigner.

Les propos des militants identitaires, lorsqu’ils se croient loin des caméras, laissent peu de place au doute sur leurs intentions réelles, ainsi que leur rapports avec les membres des forces de l’ordre et du RN.

Les militants antifascistes de Lutte en nord résument la situation :
« Dans ce reportage, on apprend entre autre que :

  • Remi Falize, un membre de la Citadelle et proche de Aurélien Verhassel [dirigeant de la Citadelle], a planifié en détail un potentiel attentat à la voiture bélier sur le marché de Wazemmes.
  • Les identitaires ont commis en direct une agression gratuite et ultra-violente contre des jeunes filles rue Solférino. La seule raison de cette agression est que les jeunes filles sont identifiées comme arabes par le groupe. L’une des jeunes filles est rouée de coups avec des gants de frappe par Remi Falize, les identitaires font aussi usage de gaz lacrymogène.
  • Les identitaires, et leurs proches membres de la LOSC Army sont les auteurs de très nombreuses agressions dans la métropole (qu’ils racontent eux-même), sans même parler des nombreux saluts nazis et des références incessantes au 3e Reich qu’ils profèrent.
  • Aurélien Verhassel et d’autres membres de Génération Identitaire sont employés par le Rassemblement National pour écrire les discours, en tant qu’attachés parlementaires ou encore pour assurer la sécurité du parti.
  • Sébastien Chenu et Philippe Eymery, deux responsables du Rassemblement National élus au conseil régional travaillent en collaboration étroite avec les identitaires : le premier est proche de Verhassel tandis que le second emploie comme assistant un cadre de la Citadelle.
  • Des policiers, y compris des commissaires, fréquentent assidûment le bar nazi.

Verhassel et ses sbires déclarent également de manière on ne peut plus claire qu’ils sont un groupe fasciste (« la forme a changé mais pas le fond »), qu’ils sont une milice au service du RN, qu’ils ont des armes, que le jour venu ils seront prêt à descendre les immigrés… » [1]

Depuis 2019, d’autres éléments sont venus documenter les liens entre GI et les groupuscules ouvertement néo-nazis, comme par exemple cette enquête du Groupe antifasciste Lyon et environs.
Le décret de dissolution mentionne également le fait que Brenton Tarrant, un terroriste suprémaciste ayant assassiné 51 personnes dans la mosquée de Christchurch en mars 2019, était « membre bienfaiteur » de l’organisation, à jour de cotisation.

Quand GI tentait de s’implanter à Dijon

Au début de l’année 2019, il y a presque 2 ans jour pour jour, Génération Identitaire annonçait via les réseaux sociaux la venue d’une partie de ses membres pour une "tournée d’implantation". Aussitôt la mobilisation antifasciste s’était mise en branle pour renvoyer ces envahisseurs dans les poubelles de l’histoire.
Malgré une manifestation organisée au pied levé, environ 200 personnes avaient répondu à l’appel à se réunir le soir du 1er mars dans le centre-ville de Dijon.

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Les membres de GI se sont peu laissés apercevoir pendant leurs trois jours de présence à Dijon. Ils se sont principalement contentés de coller autocollants et affiches dans les rues de la ville, craignant certainement de faire de « mauvaises rencontres ». Le soir de la manifestation antifasciste, deux personnes qui en revenaient ont cependant été agressées par un groupe de quatre hommes. Pendant l’agression, une des deux victimes de l’agression s’est faite arracher son drapeau palestinien. Dans son récit elle dit avoir reconnu le leader de GI parmi les agresseurs.

Le soir de la manifestation, nouvelle alerte : Thierry Falconnet, le maire PS de Chenôve, annonçait que GI voulait manifester sur le territoire de sa commune, où se trouvait alors le squat de migrants de la CPAM. Un rendez-vous avait donc lieu le lendemain à 11h devant le squat [2].

Pendant les deux ans qui ont suivi, la présence de GI ne s’est manifestée à Dijon et en Bourgogne que par quelques autocollants et de très rares collages d’affiches. Le groupe ne s’est jamais réellement implanté, il n’est parvenu ni à recruter, ni à mettre fin à l’éparpillement des groupuscules fascistes dijonnais. Son seul fait d’arme, si l’on puit dire, restera l’élection de son porte-parole Paul Frelet (alias Paul Brocard) au conseil municipal de son village d’origine, Blaisy-Bas, 700 habitant·es. Il se présentait sur une liste sans étiquette et s’était bien gardé de préciser son appartenance au groupuscule fasciste.

La dissolution : un coup de com’ sans grandes conséquences ?

Pour le Groupe antifasciste Lyon et environ (GALE), cette décision « relève avant tout du spectacle, et est politiquement inutile pour ne pas dire contre-productive. » :

« C’est donc un gouvernement aux projets politiques islamophobes (lois séparatisme), aux discours islamophobes et soutenus par des islamophobes (LR, Printemps Républicain, polémist-e-s et chroniqueur-e-s varié-e-s, …) qui annonce vouloir dissoudre une organisation… islamophobe. La symbolique de la dissolution, n’en devient alors qu’un grand foutage de gueule, du spectacle. Elle constitue un miroir aux alouettes qui provoquera une satisfaction dont la durée dans le temps sera inversement proportionnelle à celui qu’il faut pour avoir une belle barbe…[...]

Cette dissolution ne changera rien au fond, elle ne répondra pas aux causes (discours, manipulations, fakenews, amalgames) qui jettent dans les bras de la peur et de la haine de l’autre, nombre de nos contemporain-e-s. Il n’y a rien a attendre d’une dissolution et de l’état vis-à-vis de ce genre de groupuscules et d’idéologies, il fait partie du problème, certainement pas de la solution.[...] Quand d’ici quelques mois ou semaines, ce même gouvernement, par un trumpisme calculateur, décidera de dissoudre tout groupe politique identifié, au hasard, comme « antifa », la gueule de bois sera corsée pour certain-e-s.[...]

Comme le rappelle les compagnon-e-s de La Horde dans leur article «  Dissolution de Génération Identitaire : rappels utiles  », la mouvance identitaire depuis 20 ans n’a jamais été empêché par les dissolutions, elle les a régulièrement anticipé, esquivé ou s’y est adaptée (comme en 2007 et 2008 lors de la condamnation des Jeunesses Identitaires de Nice par les tribunaux de Nice et Aix-En-Provence pour reconstitution de ligue dissoute (Unité Radicale)), et il n’en sera pas autrement avec celle qui s’annonce à présent, car comme illes l’écrivent : «  Ajoutons également qu’une dissolution des Identitaires ne servirait à rien. Les différents groupes appartenant à Génération Identitaire fonctionnent en totale autonomie les uns des autres et ont tous préparé des structures de replis pour faire face à une telle décision. Une dissolution ne ferait que redynamiser le mouvement en lui donnant à peu de frais une image de martyr et de rebelle ». Dans cette logique il serait naïf de croire que les identitaires lyonnais perdent leur local, celui-ci n’étant pas loué sous leur nom.

Lutter contre la propagation des idées véhiculées par ce genre de groupuscule ne peut se limiter à les combattre eux seuls, car leurs discours et leurs vues sont largement partagées en dehors de leur famille politique. De la social-démocratie libérale à la droite gaulliste, l’Islam et les musulman-e-s se voient affublés du costume de l’ennemi intérieur. Quand le PS s’abstient lors du vote à l’assemblée nationale de la loi sur le séparatisme, comme une partie des députés du PCF, c’est que le problème est bien plus profond. » [3]



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