La mixité choisie et sa légitimité



Suite aux divers commentaires et messages adressés au groupe la Mistoufle FA concernant des événements organisés à destination d’un public sans hommes cisgenres, la Mistoufle FA rappelle son engagement à l’existence d’un groupe non mixte au sein de son organisation et vouloir porter un discours féministe.

Depuis quelques temps, le groupe de la Mistoufle FA reçoit des commentaires, des messages, à propos de ses événements sans hommes cisgenre comme pour les initiations à l’autodéfense ou encore les collages féministes. « Restreindre l’accès à quoi que ce soit en fonction d’une identité sexuelle moi ça me dérange » ; « Faire partie d’une fédération Anarchiste c’est être libertaire et être libertaire c’est éviter toute oppression y compris celle des hommes » ; « c’est presque du racisme anti hommes que vous faites » ; « il faut se déconstruire et arrêter les clichés sur les hommes » ... (commentaires uniquement masculins)
Tout d’abord, la Mistoufle assume entièrement avoir un groupe non-mixte au sein même de son organisation et porter un discours féministe. En effet, étant notamment une organisation politique luttant contre les oppressions, il nous paraît légitime et juste de défendre les femmes et les minorités de genre (toutes personnes se considérant comme tel) puisqu’atteint.es d’oppressions patriarcales systémiques et souvent quotidiennes, en mixité choisie.
Néanmoins, n’étant pas spécialistes à ce sujet, tous commentaires constructifs et partages d’expériences sont évidemment les bienvenus.

Pourquoi la mixité choisie nous paraît-elle juste ? La pratique de la non-mixité est une conséquence de la théorie de l’auto-émancipation. C’est-à-dire de la lutte par les opprimé.es, pour les opprimé.es. « Les opprimé.es ne peuvent pas mettre de mots sur les choses si les oppresseurs sont présents », explique Françoise Vergès, politologue et féministe, qui a participé à cette expérience de non-mixité dans les années 1970.
En effet, il se trouve que dans les espaces mixtes, on peut passer son temps à justifier la moindre parole, ou simplement à ne pas être pris.es en compte. Alors qu’en non-mixité ou en mixité choisie, on se sent plus à l’aise, et pas jugé.es, rassuré.es, plus crédibles et plus libres de partager ce qu’on a sur le coeur.
« Nous sommes arrivées à la nécessité de la non-mixité. Nous avons pris conscience qu’à l’exemple de tous les groupes opprimés, c’était à nous de prendre en charge notre propre libération. » Ainsi s’expriment des militantes du Mouvement de Libération des Femmes (MLF) en 1970. C’est une étape nécessaire d’un cheminement vers l’égalité qui reconduirait logiquement à la mixité une fois que les participant.es s’y sentiraient prêt.es.
La non-mixité crée également une atmosphère favorable à l’action collective autour d’une lutte, étant donné que les participant.es sont tous.tes victimes d’une manière ou d’une autre d’oppressions. Sa force, c’est aussi le fait que les personnes se rencontrent et puissent créer des espaces dédiés.
Dans un contexte de violences répétées des hommes et de l’Etat en général sur les femmes et les minorités de genre, de façon consciente ou non, nous trouvons important que ces personnes acquièrent des clefs afin de savoir et de pouvoir se défendre physiquement et verbalement si cela est nécessaire avec notre atelier d’autodéfense par exemple. C’est un module qui plaît, qui redonne confiance et courage aux participant.es.

Néanmoins, nous avons bien conscience que tous les hommes ne sont pas des agresseurs mais bien souvent des dominants à plus ou moins grande échelle : de par la société, leur éducation... Le but n’est pas la malveillance à leur égard mais plutôt de répondre à une demande qu’ont les femmes et les personnes ne rentrant pas dans le moule de la cisnormativité (les personnes se considérant comme des femmes), de pouvoir se retrouver librement entre elleux et de pouvoir échanger sur des expériences vécues, de pouvoir également exprimer une rancoeur qui se doit d’être exprimée.
« Nous invitons les hommes solidaires à nous soutenir, du moment qu’ils partagent les valeurs prônées par le mouvement et qu’ils estiment que son action doit nous permettre de nous libérer d’un système qui nous est nocif ; chose que font les mecs du groupe. Mais nous leur demandons de nous laisser nous prendre en main et mener seul.es nos luttes directes contre le patriarcat. » Membre du groupe non-mixte de la Mistoufle.
« Ceux qui s’opposent à la non-mixité n’ont en général pas l’habitude d’être limités dans leur accès à l’espace public ou à la parole. On confond un outil de lutte avec un projet politique : derrière cela, il y a la hantise d’un monde sans hommes, dit Alban Jacquemart. Mais il n’y a aucune contradiction entre la non-mixité et le ralliement des hommes au mouvement féministe. Car, en général, espaces mixtes et non-mixtes coexistent. » (CF : article La culture du consensus bousculée, Le Temps)

Critique de l’anarchisme individualiste dans le féminisme, Max Stirner (individualiste) n’imagine que des individus asexués. Facile… un peu trop ! En effet, cette vision individualiste de ne pas nommer l’existence de catégorisations de l’humanité en classes liées au genre et au sexe nous empêche de nous poser la question des rapports de domination existant entre les femme et les hommes. L’individualisme anarchiste en considérant l’individu comme seul acteur de la transformation sociale, omet que cet individu est construit socialement, et qu’il évolue dans des formes d’organisation économiques et politique qui ne dépendent pas que de lui/elle. La limite de la vision anarchiste individualiste vis-à-vis de la lutte féministe réside dans son incapacité à analyser la société en terme de rapport de classe (classe homme, classe femme). Évidemment, une femme n’a pas choisi de naître femme, comme un homme n’a pas choisi de naître homme. Les réalités sociales font qu’elles ou qu’ils sont mis dans le rôle de la classe à laquelle ils.elles appartiennent. Malgré toutes les bonnes volontés au niveau individuel du monde, c’est une réalité, la réalité de la société que l’on veut changer.


P.-S.

Plusieurs exemples de non-mixité peuvent être cités à différents endroits et à différents moments : 1966 : le “Black power” à l’américaine, 1970’ : les réunions féministes, 2000’ : les expérimentations d’espaces non-mixtes dans les écoles. (CF : article Trois exemples historiques de non-mixité choisie, France Culture)


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