Le confusionnisme, un danger pour les luttes



Qu’est-ce que le confusionnisme politique ? Le confusionnisme politique est le fait que des courants conservateurs et réactionnaires, appartenant à la sphère de l’extrême droite, s’approprient et utilisent des thématiques habituellement portées par des courants situés à l’opposé de l’échiquier politique.

Cet article est paru sur Paris-luttes.info en décembre 2015, donc bien avant l’apparition du covid et de sa gestion étatique. Nous le publions aujourd’hui parce qu’il nous semble résonner avec l’actualité des manifestations anti-pass sanitaire.


Nous avons déjà largement exposé le contexte de crises que nous subissons actuellement. Crise économique bien sûr avec une augmentation continue de la misère et de la précarité mais aussi crise écologique avec la raréfaction des ressources disponibles, crise sociale avec la généralisation du cannibalisme social et crise politique enfin avec, entre autres, une avancée considérable du confusionnisme.

Il nous paraît important de faire une mise au point sur le confusionnisme politique qui gagne du terrain de jour en jour. Qu’est-ce que le confusionnisme politique ? Le confusionnisme politique est le fait que des courants conservateurs et réactionnaires, appartenant à la sphère de l’extrême droite, s’approprient et utilisent des thématiques habituellement portées par des courants situés à l’opposé de l’échiquier politique. Ils investissent ainsi les terrains de luttes de leurs opposant·e·s politiques (anticapitalisme, écologie, critique des religions...), en utilisant une rhétorique qui leur est proche, pour servir en réalité leur propre idéologie.

Le confusionnisme se développe sur une culture politique, sociologique et historique faible, et sur l’idée que « la politique » désigne uniquement les actions menées par les classes dirigeantes, amenant les individus à se proclamer « apolitiques ». Le confusionnisme se nourrit également des communautés émotionnelles entretenues par l’industrie de l’actualité et de la culture, qui créent une union des spectateurs et spectatrices sur des faits divers et des drames.

Une critique du confusionnisme sans arguments ni explications ne permet pas de freiner son développement et les dangers qui en découlent. Ce type de critique peut au contraire entraîner un repli sur soi de certain·e·s militant·e·s ou, de la même manière, un éloignement d’autres militant·e·s ou de sympathisant·e·s qui voient se multiplier des rejets qu’il/ellles ne comprennent pas forcément. Il faut bien faire la différence entre celle et ceux qui sont dans la confusion, ou semblent y adhérer, et ceux qui l’organisent. Rejeter uniformément n’est pas raisonnable, nous avons tous des trajectoires, des sensibilités et des parcours différents.

C’est à la confusion volontaire et organisée qu’il faut nous attaquer principalement en clarifiant la façon dont nous portons nos idées et nos luttes, et en mettant en lumière les discours relevant du confusionnisme sur ces mêmes problématiques. Nous allons tenter ici de faire un premier état des lieux (non-exhaustif) des thématiques privilégiées par les confusionnistes professionnels. Il s’agit à chaque fois de souligner ce que nous considérons comme des raisonnements ou pratiques confusionnistes, et d’expliquer que si nous abordons également ces thèmes, ce sont pour des raisons différentes, avec des revendications et un projet de société radicalement opposés.

Tour d’horizon des thématiques confusionnistes

L’anti-système confusionniste :

le mot anti-système est souvent repris par l’extrême-droite. Il s’agit de critiquer le système, cause entendue pour tou·te·s les libertaires, mais de quelle manière ? On remarque en général une négation de l’existence des classes sociales et des rapports d’exploitation, de domination, et de contestation au sein de la société. Le « système » est envisagé comme un bloc uniforme, ce qui fait considérer certains progrès comme faisant partie du libéralisme. Or, il n’est pas du tout inscrit dans le libéralisme que les enfants ne doivent pas travailler, que les dépenses de santé doivent être socialisées, etc. Ce sont les luttes sociales qui permettent d’obtenir certains acquis et qui peuvent être rapidement remis en cause par les tenants du pouvoir du « système », l’État et le patronat. Ainsi, si l’extrême droite peut se déclarer révolutionnaire, c’est avant tout parce qu’elle considère le système comme trop libre, pas assez autoritaire et menaçant l’ordre capitaliste, sexiste, raciste et néo-colonial. Au contraire, nous sommes révolutionnaires pour obtenir une véritable égalité politique, économique et sociale.

La critique religieuse comme paravent d’un racisme :

L’islam ou la religion juive sont souvent critiqués par le biais de la laïcité, ou de l’athéisme. Pourtant, la critique des religions, thématique anarchiste forte, ne doit pas être l’occasion de se rallier aux raisonnements racistes et essentialisants dont nous sommes témoins chaque jour de la part de politiques d’extrêmes droites évidement, mais dont le discours se répand aussi à gauche voire à l’extrême gauche. La critique des religions doit viser un athéisme militant général et anticlérical contre les dogmes religieux.

L’anticapitalisme nationaliste :

Le nationalisme est une des bases fortes de l’extrême droite et de la droite. On peut le retrouver aussi à gauche voire à l’extrême gauche comme une forme de rempart contre le capitalisme mondialisé. On trouve souvent des propositions économiques de gauche et d’extrême-gauche utilisant l’État et les entreprises nationales comme remède à la crise et aux marchés financiers internationaux. Si nous sommes contre les marchés financiers, nous sommes aussi pleinement anticapitalistes et antiétatistes et donc il nous faut privilégier les réponses en rupture avec le système, sans aide de l’État, non cantonnées à un seul pays. Il nous paraît illusoire de vouloir combattre un capitalisme international fort sans un anticapitalisme international fort aussi.

L’anti-industrialisme et l’écologisme essentialiste :

Les confusionnistes critiquent la société industrielle et destructrice des ressources naturelles en faisant l’idéalisation de l’artisanat et de la nature. Cela conduit souvent à des théories écologistes portées sur l’individualisation des comportements (acheter « écolo » comme outil d’émancipation) et donc culpabilisantes ainsi que sur une essentialisation des comportements humains conduisant à une négation du patriarcat (vu comme phénomène « naturel »), une défense de la famille hétéronormée et un refus de l’accès libre et gratuit à l’IVG. Si nous critiquons la société industrielle, c’est avant tout par son côté aliénant, autoritaire, et par son appropriation des ressources naturelles (non partagées et gâchées). Les modes de luttes que nous privilégions sont les luttes collectives créant un rapport de force et non un simple comportement individuel.

Conclusion

Le confusionnisme crée des « transfuges », des parcours étranges avec des personnes commençant à l’extrême gauche pour finir à l’extrême droite. Il est difficile d’expliquer ces parcours individuels, mais on peut dire que le confusionnisme en est un terrain propice.

Le confusionnisme est aujourd’hui abondamment relayé par les médias qui aime le sensationnalisme et les prises de positions incohérentes. Il trouve une large audience dans les médias généraux et sur Internet.

Une des particularités générales du confusionnisme est la hiérarchisation des oppressions et des luttes. Le fait de considérer une oppression et donc la lutte correspondante comme au-dessus de toutes les autres est déjà une porte grande ouverte à la confusion : peu importe ce que l’on pense du reste du moment que l’on est d’accord sur ça.

Les réflexions sur l’intersectionnalité des oppressions peuvent donc jouer un rôle pour la prévention et la lutte contre la confusion politique. L’intersectionnalité étudie les formes de domination et de discrimination non pas séparément, mais dans les liens qui se nouent entre elles, en partant du principe que le racisme, le sexisme, l’homophobie ou encore les rapports de domination entre catégories sociales ne peuvent pas être entièrement expliqués s’ils sont étudiés séparément les uns des autres.

D’une manière générale, il est important d’identifier les discours confusionnistes et de les déconstruire, ceux-ci profitant essentiellement à la diffusion de l’idéologie de l’extrême-droite et des groupes fascistes. Le développement et la diffusion de nos propres analyses et revendications, ainsi que notre investissement sur le terrain des luttes sociales, doivent être un rempart contre la montée de ces pensées réactionnaires et autoritaires au sein de la société.



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