Dégradations à la Préfecture : médias de masse et justice de classe



Où l’on parle des vraies conséquences des dégradations sur la préfecture.

Dans la nuit de samedi à dimanche la presse locale en ligne s’est empressée d’envoyer une info, reçue de la préfecture quelques minutes avant, « la préfecture une nouvelle fois attaquée ».

Le communiqué de la pref’, relayé tel quel, fait le lien avec les jets de cocktails Molotov survenus 7 jours avant. Laissant supposer que les 3 personnes arrêtées samedi soir, étaient à l’origine de ces deux coups d’éclats. Lundi matin une grande partie de la presse française a repris cette info et tant pis si dès dimanche un des trois interpellés avait été mis hors de cause et sa garde à vue levée. L’essentiel est de faire dans le sensationnalisme et si on peut y ajouter un parti pris bien puant c’est toujours mieux. Quand ils se feront invectiver de manière un peu virulente certains journalistes se demanderont encore ce qu’ils ont pu faire.

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Voici ici les suites de l’affaire, qui ne valait certainement pas que soit mise autant en lumière médiatique la ville de Dijon, même si nous saluons les gestes et l’audace des interpelés et de ceux en fuite.
Il est 13h50 ce lundi quand le greffier dit aux flics d’amener S. dans le box, il est entre leurs mains depuis samedi soir. La juge réagit « Non, non, non, je n’ai pas encore pu lire le dossier, je suspend l’audience elle reprendra à 14h30 ». Quand elle revient de sa lecture rapide, on sent qu’elle n’a pas envie que ça traine. S. a 20 ans, bosse en CDI. La juge lui remémore des faits qui lui ont valu de se retrouver deux fois devant un juge pour mineur. Pas de quoi casser des briques, la preuve S. ne se rappelait plus de la première. Des motifs étrangers à ce pourquoi il se retrouve ici, mais la justice est toujours un peu rancunière.

Aujourd’hui S. est jugé pour dégradations, aggravées par le fait qu’elles étaient commises en réunion et sur un bien public. Nous sommes certains que pas mal de gens apprécient la nouvelle déco.

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La juge lui demande si il veut être jugé maintenant ou bénéficier d’un délai, il répond que maintenant lui va. On se doute qu’il en a un peu marre et qu’il veut que ça s’arrête, dans la salle il y a l’air de n’avoir aucun de ses proches.

La juge expose les faits, samedi soir des individus sortent d’un restaurant et marchent en direction de la pref’ dira le seul PV [1] de vidéo surveillance. Ce groupe est vu, par 9 élèves officiers gendarmes qui passaient là par hasard et qui témoigneront comme des poucav’, défonçant la porte automatique de la préfecture à coup de pierre et de pieds. Les bleus appellent les bleus et invectivent jeunes. Les jeunes se tirent, retournent dans le restaurant où il y a pas mal de monde. Les flics se ramènent, les 9 apprentis cochons leurs donnent le signalement et l’endroit où sont allés les audacieux. Les poulets se postent devant le restaurant, avec le monde qu’il y a ils n’en repèrent que deux qui correspondent. Quand les deux en questions sortent avec un pote à eux, les porcs les interpellent tous. Après tout personne n’est jamais totalement innocent. S. avait un cutter dans sa sacoche, l’objet lui sert tout les jours dans son taf, il ne quitte jamais sa sacoche. Au comico S. dira d’abord qu’il était juste sorti prendre en photo la porte brisée de la pref’, puis vu que les cognes lui opposeront les témoignages des 9 têtes pleines d’eau et la vidéo où on le voit sortir du restaurant avec tout le groupe, il concèdera qu’il a jeté une canette. Les condés iront relever les empreintes de chaussures sur la vitre aucune ne correspond à celles de S.

Après les faits viennent les questions de la juge, on sent que tout est à charge comme bien souvent dans les comparutions immédiates et que la juge n’a pas beaucoup de considération pour S. comme souvent dans les tribunaux. Elle insiste sur le cutter retrouvé dans sa sacoche, lui dit que elle « elle n’a pas un cutter dans son sac à main quand elle sort le soir », pour ensuite admettre que ce n’est pas vraiment ce qui intéresse la justice. Elle lui demande pourquoi il est sorti a Dijon samedi soir, s’étonne que ce jeune de 20 ans lui réponde pour boire un coup avec des amis. Elle lui demande pourquoi être allé dans cet établissement qu’elle croit savoir fréquenté par certains « blacks blocs », S. n’avait visiblement pas l’information ou plutôt le fantasme de la juge. Elle se demande quand même ce qui l’a poussé à péter la porte vu qu’il n’avait pas bu, S. dit avoir suivit un peu le mouvement. Nous notons que pour cette juge l’alcool à l’air d’être une excuse acceptable. Elle affirme que le quartier de la préfecture de Dijon est connu comme un quartier sensible. Il est certain que de tristes sires trainent leurs guêtres et leurs matraques par là bas mais nous doutons que la juge face référence à de Bartolo, au préfet ou un membre de cette clique. Surtout elle essaye comme ces vilains flics avant elle de faire dire à S. qui étaient ses complices. Malgré la fatigue et la pression il ne lâche pas et reste à sa version il ne les connait pas et s’est laissé entrainé. La juge n’a pas vraiment l’air convaincue mais lâche l’affaire et demande à la procureure si elle a des questions.

La proc’ lui demande si il sait à quoi sert une préfecture, on sent que S. a une petite idée de qui donne les ordres de matraquer à tout va mais que pour limiter la casse et pas commencer un dialogue stérile, il préfère répondre « non ». Elle continue sa démonstration et lui demande s’il va dans les nombreux festivals de musique qui ont lieu l’été ou bien à la fête de la musique. S. répond encore une fois par la négative visiblement comme nous il a vu ou la proc’ voulait en venir et ça le fait chier d’avance. Elle continue quand même en vantant que si tout se passe bien dans ces événements, si tout le monde peut faire la fête c’est parce que la préfecture gère tout ce qu’il y a autour, qu’elle met en place la sécurité civile, prend des arrêtés pour la circulation etc. On en parlera aux migrants, aux GJ et à tout ceux que la préfecture malmène ça leur fera sans doute de belles jambes. Elle n’aura pas d’autres questions. Tant mieux.

L’avocate de S. ne désire poser aucune question, ça promet.

Au moment du réquisitoire, la proc’ rappelle les dégâts, parle de 4000€, revient sur les deux comparutions de S. devant le juge pour enfant, fait l’éloge des 9 élèves raclures, reparle du cutter, finit par évoquer ce symbole de la république et affirmer que même si rien ne prouve que S. est un gilet jaune pour elle pas de doute qu’il a voulu s’en prendre aux institutions et qu’il aurait pu s’en prendre à un commissariat ou un palais de justice. Pour elle les faits sont là il a reconnu avoir lancé une canette il est donc coupable de toutes les dégradations. Elle demande donc 4 mois de sursis avec obligation de 210H de TIG [2], d’indemniser la pref et de ne plus rentrer en contact avec l’autre protagoniste (mineur qui sera jugé devant une juridiction pour mineur).

L’avocate de S. muette depuis le début du procès, commence par dire que oui sa culpabilité est là et qu’en effet peu importe si il n’a lancé qu’une canette. Elle conteste le fait qu’il puisse avoir vu la pref comme un symbole et affirme qu’il n’y avait rien de politique là dedans. Rappelle que S. bosse en CDI et demande un stage de citoyenneté à la place du travail d’intérêt générale.

La juge demande à S. si il est ok pour le stage ou le TIG, il dit oui et n’a rien à ajouter. La juge annonce qu’elle se retire pour délibérer. L’avocate de S. s’en va, visiblement elle avait un autre rendez-vous ce qui explique surement la plaidoirie au rabais.

Vingt minutes plus tard la juge revient pour condamner S. à 4 mois de prisons avec sursis avec obligation d’indemnisation de la préfecture et 140h de TIG a effectuer dans les 18 mois. Elle lui explique que si dans les 18 prochains mois il ne se présente pas à ses TIG, qui seront sans doute le samedi ou le soir après son taf, si il n’indemnise pas la pref’ ou si il se refait chopper, il fera 4 mois de prison.

La peine est aussi moche, comme l’emballement médiatique.
Solidarité avec les interpellés qui n’ont pas balancé, bonne chance à ceux qui courent encore.

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Notes

[1Procès Verbal

[2Travaux d’Intérêts Généraux

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