Quand le Bien Public offre une tribune à un groupe identitaire



La chouette effraie : quand le Bien Public donne une tribune à un groupe inconnu, sans mentionner son affiliation aux idéologies identitaires et xénophobes.

Le samedi 29 octobre on pouvait lire dans les colonnes du Bien Public un article en pleine page au sujet d’une banderole accrochée le 27 au soir place de la République. Sur cette banderole était inscrit en lettres rouges et noir le slogan « Racaille toxico migrant : L’insécurité n’est pas un sentiment ! »

Le groupe signant cette action est décrit comme une section du nom de Noctua Burgundia (la chouette bourguignonne), se revendiquant des "racines chrétiennes de la Bourgogne". D’après le sigle qui accompagne leur communiqué cette "section" se veut la défenseuse "de l’héritage, du patrimoine et de la tradition", notamment contre les agressions commises "par les personnes étrangères" sur la place de la République...
Sans insister plus que ça sur le non-sens de cette action sans panache, qui instrumentalise les faits divers et joue sur la peur des dijonnais.e.s, dans le but de stigmatiser des groupes de personnes minoritaires à des fins politiques, on peut clairement souligner l’inconséquence (ou au choix la complaisance) du ou de la journaliste qui offre à cette action une telle tribune sans aucun apport contradictoire.
Car bien au contraire, tout est fait dans l’article pour porter les revendications de ce groupe avec clarté et synthétisme. L’objectivité journalistique oublie seulement ici, et peut-être pas par inadvertance, de nommer ce groupe pour ce qu’il est : xénophobe, toxicophobe [1] , identitaire - en somme fascisant. Mais apparemment au Bien Public le fascisme est une opinion comme une autre.

On notera aussi que, si le BP s’empresse de désigner comme un "acte délictuel" le moindre graffiti qui apparaît quelque part en ville, c’est silence radio lorsqu’il s’agit d’une banderole provoquant ouvertement "à la discrimination, à la haine ou à la violence raciste".

Au cas où l’on se ferait rétorquer que le Bien Public couvre objectivement chaque évènement (position déjà contestable mais passons), il nous faudrait bien un contre exemple... Tiens ! on en a un sous la main : il y a quelques semaines seulement, un collectif dijonnais accrochait pendant un événement assez médiatisé de la cité de la gastronomie, sur le pont qui lui fait face, une banderole plus imposante que celle des fachos de la chouette bourguignonne, qui dénonçait la politique alimentaire en carton de la ville. Cette action a été amplement relayée sur les réseaux sociaux et sur Dijoncter.info, mais pas sur... le Bien Public. Quelle en était la raison ? D’après la réponse du Bien Public au collectif, l’affichage de la banderole n’était revendiquée par aucun collectif à proprement parler.

Une recherche pourtant assez rapide sur le net permet de s’assurer que l’existence de la Noctua Burgundia comme section ou groupe de quoi que ce soit est tout à fait fictive. A la rigueur on tombe sur un compte Instagram où quelques photos ont été publiées très récemment. C’est effectivement plus d’informations de surface, que ce qu’on peut trouver sur le groupe d’activistes écolo-anti-capitaliste à l’origine de la banderole qui s’était moqué de la cité de la gastronomie. A fortiori parce qu’ielles avaient choisis l’anonymat. Pourtant les éléments amenés par le groupe anti-gastronomie semblaient plus fournis et renseignés que ceux du groupuscule fasciste qui ne fait qu’énumérer des faits pour argumentaire.

Faut-il alors opter pour l’option d’un pseudonyme bidon et créer un compte Instagram avec 10 photos pour avoir une tribune dans le journal local au même titre que d’autres institutions plus installées ? Peut-être plus simplement suffit-il de porter des valeurs d’extrême droite...

D’un côté les faits divers sont instrumentalisés en surfant sur l’insécurité, pour criminaliser les populations déjà marginalisées. De l’autre les violences systémiques sont publiquement réduites à des faits divers, quand leur existence n’est pas simplement mise en doute. Aux vues du contexte médiatico-politique actuel il serait peut être temps d’avoir localement, un peu de discernement face à l’actualité. Par exemple en réussissant à identifier qui sont les gens dont la parole et les motivations méritent d’être rapportées quelques soient leurs étiquettes tant qu’ils s’appuient sur des sources fiables, et quelles autres paroles aux fondements nauséabonds il vaudrait mieux ne pas banaliser dans le discours public, au risque de faire monter de vieux relents de fascisme. Autrement dit faire simplement un travail critique de journaliste. Qu’un journal relaie de manière brute le sentiment d’insécurité existant chez certain.e.s dijonnais.e.s peut déjà être questionnable, mais que ce sentiment soit associé sans rien redire aux "migrants, toxicos, racailles" laisse peu à espérer de la qualité du journal en question, dont les journalistes semblent incapables d’identifier un délit xénophobe ostensible.

Pour finir, une petite devinette-invitation : Qui est maintenant bien trop content de récupérer tout ça ? Un indice : on le savait déjà adepte du concept inepte de "racisme anti-blanc", point de vue d’ailleurs partagé par Notcua Burgundia. C’est... c’est... Emmanuel Bichot ! Le conseiller municipal LR, appelle à un rassemblement « pour la sécurité » place de la République samedi 19 novembre à 10h. Une bonne occasion d’aller rappeler que les discours xénophobes, racistes et toxicophobes n’ont pas leur place, place de la république ou ailleurs.

PNG - 1.9 Mo


Notes

[1La toxicophobie désigne la discrimination des personnes souffrant d’addiction.

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