Syndicalistes, donc solidaires des travailleur.ses du sexe !



Au côté de plusieurs dizaines de syndicalistes, l’union syndicale Solidaires 21, interpelle les organisations syndicales et leur demandent de « soutenir les luttes des travailleur.ses du sexe » dans une tribune parue sur Politis.

Dans un communiqué unitaire, de nombreux syndicats se sont réjouis de la décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) de rejeter la demande de 261 travailleuses du sexe (TDS), pour les deux-tiers migrantes, d’abroger la pénalisation des clients en France, en vigueur depuis 2016.
Alors que le mouvement des travailleur.ses pourrait débattre de l’abolition du travail en général, seule l’abolition du travail sexuel en particulier fait l’objet d’autant d’attention.

L’abolitionnisme originel développé au 19e siècle par Josephine Butler (RU), Yves Guyot (France), ou même Alexandra Kollontaï ensuite en URSS, n’a jamais défendu la pénalisation des clients, mesure issue de l’hygiénisme social suédois à la fin du 20e siècle. L’abolitionnisme était censé être une troisième voie émancipatrice contre le contrôle social du réglementarisme et la répression du prohibitionnisme. Or, les revendications contemporaines des TDS en faveur de la décriminalisation sont davantage héritières de cette pensée que les mesures de pénalisation, entravant leurs droits humains, ce que la CEDH elle-même reconnaît.

Au-delà de la sémantique, intéressons-nous à ce que vivent les personnes dont on parle. Comment pouvons-nous défendre une politique au nom de la protection des personnes concernées qui sont pourtant les premières à la rejeter ? L’émancipation des travailleur.ses sera l’œuvre des travailleur.ses elles-eux-mêmes, sauf lorsqu’il s’agit des TDS ? Évidemment qu’il faut écouter les personnes qui ont arrêté le travail sexuel, mais pas au détriment de celles qui continuent de l’exercer et qui subissent les conséquences des mesures défendues.

Ledit « parcours de sortie de la prostitution » accorde environ 343 €/mois et une autorisation provisoire de séjour de six mois. Comment un statut aussi précaire peut-il être sérieusement présenté comme une « victoire féministe et sociale » ? Seule une centaine de personnes par an acceptent ce parcours tandis que des dizaines de milliers de TDS continuent d’exercer dans une clandestinité et une insécurité accrue. Si l’OCRETH (Office central pour la répression de la traite des êtres humains) reconnaît 50 000 TDS en France (sous-estimé), cela représente 0,2 % des personnes concernées, pour 99,8 % qui continuent d’exercer.

Si le travail sexuel de rue est moins visible, accompagnant ainsi des politiques de gentrification et de nettoyage social, il s’est déplacé en périphérie ou sur d’autres supports. En 2016, il n’y avait que 14 000 TDS inscrites sur sexemodel, le site d’annonces le plus utilisé en France, pour 42 000 en 2024. 450 salons de massages ont été comptés à Paris en 2023 par une association prohibitionniste alors qu’il y en avait 300 en 2020. Le nombre d’affaires de proxénétisme a augmenté de 54 % depuis la loi et le nombre de mineur⸱es s identifié⸱es dans des affaires d’exploitation sexuelle a triplé. Si l’objectif était de réduire l’exploitation dans l’industrie du sexe, ou le nombre de personnes qui l’exercent, l’échec est patent !

À côté de cela, les travailleur.ses du sexe témoignent d’une plus grande précarisation et d’une réduction de leur pouvoir de négociation face aux clients qui imposent davantage de rapports sans préservatifs. Le prix des passes a été divisé par trois dans les bois de Boulogne et Vincennes. Cela signifie que le pouvoir des hommes et la « violence machiste » justement dénoncée n’ont fait qu’augmenter.

Pour une politique réellement féministe, et réellement sociale, nous devons lutter avec les travailleur.ses du sexe, pas sans elles et eux. Ces dernières années, les TDS ont été de toutes les luttes sociales : loi travail, réforme des retraites, marches du 1er mai, antifascistes, loi asile et migration, etc. Elles et ils se battent pour l’accès au droit du travail et pour la syndicalisation au sein des industries du sexe afin de réellement lutter contre l’exploitation patronale et capitaliste.

Le pire du néo-libéralisme s’exerce d’autant plus facilement dans une industrie dérégulée, sans droits du travail et sans recours possibles pour les travailleur.ses du sexe, autre que la loi pénale, à laquelle ils et elles ne recourent jamais, car cela signifierait la perte de leurs revenus, et aucunement une protection contre l’exploitation. Y compris au pire des crises COVID et MkPox, l’État a été incapable d’apporter une réponse satisfaisante pour protéger les travailleur.ses du sexe, faute de réelle protection sociale.

Ledit « parcours de sortie » s’est révélé totalement inadéquat, alors même que personne ne pouvait exercer en présentiel durant les confinements, ce qui a provoqué une précarisation jamais vue, et une vague de suicides dans l’industrie du sexe. Les travailleur.ses du sexe ont dû auto-organiser la solidarité via des cagnottes en ligne, le soutien associatif et la distribution de colis alimentaires et de chèques service.

Tout comme nos syndicats ont fini par reconnaître le droit à la syndicalisation des étudiant⸱es, des chômeur⸱ses, des migrant.es sans papiers ; ils doivent à présent reconnaitre les travailleur.ses de l’économie informelle, et donc les travailleur.ses du sexe, au sein de la classe des travailleur.ses . Les TDS méritent de pouvoir s’auto-organiser en se syndiquant, que cela aboutisse à des alternatives au travail sexuel, ou à des luttes pour l’amélioration de leurs conditions. Les précédents mouvements sociaux d’ampleur ont trouvé leur force dans un front non seulement intersyndical mais aussi interprofessionnel.

Nous appelons l’ensemble de nos organisations syndicales à soutenir les luttes des travailleur.ses du sexe : lutte contre l’exploitation à partir du point de vue des travailleur.ses concerné⸱es, accès au droit du travail et le droit de former et de rejoindre des syndicats.

Premiers signataires
Querelle Delmas, adhérent SUD Education 75, Néo Gaudy, adhérente SUD Education 75, Thierry Schaffauser, adhérent ASSO-Solidaires, Cecil Lhuillier, adhérent ASSO-Solidaires, Sonia Breuza, adhérente à SUD éducation 13, Nordine Meddah, adhérent à SUD éducation 75, Sarah-Marie Maffesoli, adhérente ASSO-Solidaires, Elodie Boussarie, adhérente à SUD éducation 13, Maxime Victor, adhérent SUD éducation 75, Jean Pasteur, adhérent ASSO-Solidaires, Romain Perrollaz, adhérent SUD Santé Sociaux 75, Lou Cuenot, adhérente CGT 75, Hugo Alves, co-secrétaire départemental de Solidaires 21, Virginie Blondin, co-secrétaire départementale de Solidaires 21, Théo Contis, co-secrétaire départemental de Solidaires 21, Eloïse Farinelli, co-secrétaire départementale de Solidaires 21, Johan Rios, adhérent Solidaires 29, Alban Guillemot, adhérent à SUD Éducation 91, Mallaury Bolanos, adhérente CGT Ferc Sup, Marie Stein, adhérente SUD Educ 75, Adeline Grippon, déléguée syndicale ASSO-Solidaires 33, Mathieu Durand, adhérent.e SUD CT 33, Noureddine Noukhkhaly, adhérent CGT 69, Flo Costa, adhérent SUD éducation 94, Christophe Schneider, adhérentx Sud Educ 30, Alejandra Peña, adhérente SNES-FSU Versailles, Marc Rutschlé, adhérent Solidaires Informatique, Caroline Weill, adhérente ASSO-Solidaires, Noémie Sarati, adhérente SUD Education Lorraine nord, Anne-Laure Morel, adhérente Solidaires Jeunesse et Sports, Solidaires 63, Etienne Rioche, SUD éducation Lorraine nord, Tonio, adhérent ASSO-Solidaires, Julie Morisset, adhérente à SUD Éducation 93, Romain Chalendar, adhérent SUD Culture Centre National de la Musique, Corto Le Perron, adhérent CGT-FERC SUP, Christine Gorce Myropoulos, adhérente SUD Educ 13, Violette Cadudal Illy, adhérente Solidaires Informatiques, Luna Bouvard, adhérente Solidaires Asso, Alba Maiques, adhérente CGT SNTRS, Al Caudron, adhérent.e CGT, Florian Vörös, adhérent SUD Education, Matthias Thibeaud, adhérent ASSO-Solidaires, Adeline Grippon, adhérente ASSO-Solidaires, Luana Da Costa adhérente Sud Éducation Paris, Raji Aletcheredji, syndiqué à SudCT, Cécile Chathuant, adhérente de solidaires Jeunesse et Sports, Tiphaine Trijoulet, porte-parole de solidaires jeunesse et sports, François Pelletier, porte-parole de solidaires jeunesse et sports, Marine Provini, porte-parole de solidaires jeunesse et sports, Nicolas Duval-Valachs, adhérent CGT Ferc-Sup, Françoise Ceccaldi, SUD retraité, Jacques Ceccaldi, UNIRS-Solidaire-SUD PTT, Laurent Viottolo adhérent CGT collectivités territoriales 93, Manon Ikrelef, adhérente Solidaire informatique, Cécile Rigaldiès, adhérente CGT Educ’action, Younes Lakehal, adhérent SUD Education 93, Camille Resseguier, adhérente SUD Éducation 93, Emma Grimonprez, adhérente SUD Education 93, Arnaud Loustalot, adhérent Solidaires Jeunesse et Sports, Frédéric Salvy, CGT Education, Erwan-Eva Dubarry Baete – Adhérent·e CGT Collab parlementaire, Jérôme Martin, adhérent SUD Éducation 93, Mathieu Cohen, adhérent SUD éducation 93, Érina Point, adhérente SUD Recherche, Abel Gros, adhérent SUD éducation Lorraine Sud, Sarah GOUPIL, adhérente de SUD éduc Lorraine Sud, Anne Vernaton, SUD Education 21-71 / Solidaires 21, Charly Dumont, Adhérent Sud Éducation 21-71, Eugénie Cateau, syndiquée à ASSO-solidaires, Arthur Lanier, adhérent Solidaires Etudiant.es Paris-Banlieues, Sarah Le Pouëzard, adhérente Solidaires Etudiant.es Paris-Banlieues, Lou Edin, adhérent Solidaires Etudiant.es Paris-Banlieues, Andrew Faith, adhérent Solidaires Etudiant.es Paris-Banlieues, Maïwenn Jouquand, adhérente SUD éducation 21, Libasse Faye, adhérent CGT Samusocial de Paris.
Structures

Structures

  • Union Syndicale Solidaires 21
  • SUD éducation Bouches du Rhône 13 (environ 400 adhérents)
  • SUD éducation Lorraine nord
  • SUD éducation Lorraine sud


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