Un an de Sarkozy.
Un an qu’on se dit « ça va péter », « si ça continue, ça va péter ».
Un an qu’on se demande ce que c’est Sarkozy ; c’est le fascisme, le libéralisme, un pantin, un dictateur, un peu de tout à la fois ?
Un an qu’on attend que les gens se rendent compte que rien ne va s’améliorer, que tout va se tendre un peu plus. De ce côté là, ça a l’air de marcher, si on en croit les sondages d’opinions. On ne croit pas les sondages d’opinions, mais c’est sûr qu’on ne trouverait pas grand monde pour affirmer qu’on a gagné quelque chose avec l’arrivée de l’autre à l’Élysée.
Un an qu’on espère que soit venu le moment, enfin, où le « ras-le-bol », la « grogne », la « rage », le « moral-des-ménages-à-son-plus-bas-niveau-depuis-qu’on-mesure-le-moral-des-ménages » - où tout ce qui fait ressentir confusément la nécessité viscérale de ce qu’il faut bien appeler une révolution - précipitent en un mouvement offensif un minimum organisé.
Ça a pété, ça pète, un peu, des fois ; dans les quartiers - toujours -, dans les facs - encore -, dans les lycées, les dépôts SNCF, sur les docks, dans les ports, en centre-ville, autour des dépôts pétroliers, dans les centres de rétention, les prisons.
Ça pète et les affrontements quotidiens des lycéen-ne-s grenoblois-e-s avec les CRS, les autoréductions des marins bretons, les blocages économiques des paysans prennent une coloration particulière quand ils sont rapportés par l’information dominante entre deux tranches de commémoration-enterrement de mai 68. « Acheter la compil’ ’Cocktail Molotov’, avec France Inter »... « violents heurts entre des dockers du port autonome de Marseille et les forces de l’ordre »...« le 14 mai, les ouvriers de Sud-Aviation de Nantes occupent leur usine et séquestrent leur direction, une pratique courante au sein du mouvement ouvrier »...
Quelques rois du pétrole spéculent sur la raréfaction des richesses de leur sous-sol, et voilà que le vieux monde vacille. Ses supporters déclarés, les secteurs et professions historiquement réactionnaires, commencent à faire l’expérience que leur monde par en couille, que leur société se dérobe sous les roues de leurs engins, que malgré leurs votes à droite, leurs subventions arrachées aux « technocrates de Bruxelles », la paternaliste pressurisation de leurs salarié-e-s, leur lobbying anti-environnementaliste, ils sont en train de perdre la partie. Le pouvoir les lâche ; pas encore tout-à-fait, il lui reste une petite marge de manœuvre avec l’ajustement de la TIPP, mais ça ne durera pas éternellement.
Dans leur défaite, comme les métallos à la fin des années 70, ils mettent une énergie, une lucidité dans les modes d’actions et une combativité dont on croyait qu’elles avaient déserté le monde du travail. Et si leurs réactions sont en phase avec les échos de 68, elles éclairent d’une lumière trop vive la reddition sans combattre des travailleurs de la fonction publique.
Là aussi, il y a un monde qui disparaît, liquidé par des réformes successives dont la dernière en date, la Révision Générale de Politiques Publiques, a l’audace de s’attaquer à toutes les branches à la fois. Malgré cela, rien ; rien au-delà de la déprimante journée de grève-manif sans perspective. Les permanents syndicaux n’y croient pas, ils le concèdent volontiers en privé, et le laissent transparaître en public, mais c’est leur boulot de remuer un peu sur ces questions, alors ils tiennent leur rôle, et relaient une nouvelle « journée de mobilisation » fantôme.
À croire qu’il faudra attendre que les profs soient embauchés en intérim et que l’ensemble du service public tienne dans quelques bureaux d’une préfecture pour espérer une réaction de ceux et celles qui sont pourtant encore présenté-e-s comme des « professionnels de la mobilisation ». Aussi bien, il ne faudra pas attendre très longtemps.
Alors ? Alors être là où ça bouge, savoir entrevoir, derrière des revendications puant le mazout, une force qui peut contribuer à faire émerger autre chose, ou au moins à foutre par terre quelques pans vérolés de notre société ; une force aussi qui peut offrir des moments d’intensité qu’on peinerait à trouver dans l’entertainment ou dans une activité politique bien rangée.
Alors être à la hauteur des lycéen-ne-s de Grenoble et de région parisienne, « en guerre contre l’Etat » sur leurs banderoles et dans les faits.
Alors ne pas laisser tomber les luttes qui pourraient ré-émerger de mouvements vaincus et d’espace aujourd’hui désespérant, comme les universités, mais ne pas s’y enliser.
Alors continuer à trouver des amis, des camarades, parce qu’à plusieurs on peut lier l’offensive à nos vies, on peut échapper aux parts trop merdiques de ce monde et dans le même temps lui porter des coups sérieux.
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