C’est quoi le problème avec le voile ?



Interviews improvisées lors du rassemblement de soutien à Fatima E. devant le conseil régional à Dijon vendredi 8 octobre.

Vendredi journée chargée au tribunal de Dijon, des gilets jaunes en procès, les militants anti glyphosate qui étaient convoqués, et un rassemblement contre le fichage ADN. Je suis allé y faire un tour, et sur le chemin du retour je passe devant le conseil régional et je vois un rassemblement assez discret. Ayant lu récemment les articles de Dijoncter à ce sujet, je me doute rapidement du pourquoi de ce rassemblement. Mais vu qu’il n’y a ni pancarte, ni banderole, je demande tout de même confirmation auprès d’un groupe de femmes : une centaine de personne s’est en effet rassemblée pour protester contre la récente agression d’une femme voilée lors du conseil régional.

Entretien exclusif avec Fatima E. : « Je ne voulais pas craquer devant les enfants »

Depuis l’agression verbale qu’elle a subie devant son fils le vendredi 11 octobre au conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, madame Fatima E. ne répond plus trop au téléphone, et souhaite préserver son anonymat tout en prenant du recul quant à cette affaire. Elle nous rappelle une seule chose : que l’enjeu majeur, au-delà des considérations politiques autour du foulard, est de préserver l’amour et la confiance chez les enfants. Rencontre.

21 octobre 2019

Curieux, je demande si quelqu’une veut bien nous en dire un peu plus et tout de suite je suis redirigé vers un « monsieur qui fait partie des personnes qui ont lancé l’appel à mobilisation ». Je me mets en tête d’enregistrer pour relayer un peu la parole de ce groupe. Faut dire que la lecture de l’article sur les principaux leaders du RN m’a de nouveau fait croire à la possibilité qu’existe à Dijon un journalisme d’investigation et que ça me donne envie de contribuer à faire vivre le site.
Je me rapproche donc du type indiqué et met en route le magneto de mon téléphone portable. C’est un peu l’impro et je m’arracherai les oreilles pour retranscrire les quelques lignes suivantes mais c’est aussi ça le plaisir de se réaproprier les outils de communication !


Ça cause déjà sec dans le petit groupe de quatre que je rejoins et j’ose pas trop intervenir :
« Le débat d’hier que j’ai entendu c’était quoi ?! C’était autour du voile. Ils ont invité un expert en voile !! Il parlait du voile « noir » et de la couleur des voiles... Il y a fait huit ans d’études pour quoi ? Pour la couleur ?! Déjà un expert en voile je savais même pas que ça existait mais là, un expert en couleur de voile, j’ai jamais vu ça de ma vie. Genre le jaune, le bleu, le vert,.... Experts en voile j’hallucine ! Expert en djellabah bientôt !"

"Experts en babouche aussi tant que t’u y es !"

"Mais tu vois, entre toi et moi, ce qui m’interesse c’est pas le voile. Le voile c’est pas le sujet. C’est quoi le sujet ? Le sujet c’est que les femmes n’ont pas accès à l’emploi. Et si jamais elles ont un emploi, le salaire n’est pas le même. Aujourd’hui une personne qui est de confession musulmane : elle est discriminée. A peine à l’entretien d’embauche on suppose déjà tout un tas de choses, qu’elle va faire cinq prières par jour. Et voià c’est ça qui pose problème c’est la discrimination des femmes à l’embauche. Le vrai débat il est là, autour de la discrimination."

"Regarde, pas plus tard qu’il y a deux jours, une connaissance qu’on a en commun est allée à au poste de police pour faire une déclaration. Le mec parce qu’il est un peu barbu, il arrive, il se fait palper et fouiller. Après ils lui disent d’aller s’asseoir et il attend. Et là il me raconte, qu’il voit une autre personne arriver, puis deux, puis trois. Elles rentrent et personne n’est fouillé. Alors il se lève, il va voir le policier et il lui dit, « excusez moi, il y a que moi comme ça qui est fouillé, j’ai un traitement de faveur ? » On lui répond « non, non c’est pour tout le monde pareil ». Il insiste « alors pourquoi vous n’avez fouillé que moi ». Et il se fait envoyer chier : « allez vous assoir vous n’allez pas m’apprendre mon travail »..."

"Tu sais ce qu’il faut qu’on fasse maintenant, faut qu’on contacte plein de gens et qu’à la prochaine session plénière, on vienne nombreux pour dire stop aux discriminations faites aux femmes, stop aux discriminations faites aux femmes de confession musulmane."

"Oui c’est ça qu’on va faire. Nous si on réagit là c’est parce qu’on peut pas tolérer que des choses comme ça se passent dans la ville, dans notre ville. Ici t’es à Dijon, t’es pas à Béziers. Ici on tolère pas ça. Il est hors de question que notre ville elle passe pour le fief du rassemblement national ou de jsai-pas-quoi sans qu’on ne fasse rien. Ca c’est pas le délire des Dijonnais, ça a jamais été dans leur délire. »

Moi (en pensant à un futur article pour mon nouveau média préféré)  : Eh salut, je vous écoute depuis tout à l’heure et on a entendu parler de cette affaire via un site d’info qui relaie des paroles de gens en lutte localement. Ca s’appelle dijoncter.info. On voulait savoir si ça vous allait qu’on fasse une petite interview ? :
« - Y’a pas de souci mais c’est pas à moi que tu devrais demander là, en fait c’est aux femmes voilées qui sont là franchement, ou à celle pas voilées d’ailleurs on s’en fout. Tiens t’as qu’à aller voir un des groupes de femmes qui discutent, franchement c’est pas compliqué. »

Rebaloté dans l’autre sens, je me rapproche d’un troisième groupe et je continue la prise de son :

Est-ce que vous avez envie de raconter un peu comment ça s’est lancé cette mobilisation ?
Salia : « Ca s’est mis en place de la façon la plus simple possible. Il y a un certain nombre de personnes qui ont été révoltées par ce qui s’est passé. Qui plus est parce que ça s’est passé devant des enfants. C’était une sortie avec le thème « la république et moi » ? Qu’est ce qu’ils en ont gardé ces enfants là ? Je suis curieuse de savoir. Quelle a été leur réaction le soir ? Est-ce qu’ils ont été pris en charge ? Parce que déjà ça a été violent pour la maman alors vous imaginez pour les enfants... »

Malika : « D’une part on a été révoltés par la manière dont ça c’est passé. Mais aussi ce qui nous fait réagir c’est que ça s’est passé ici, dans notre ville. Vous imaginez à Dijon !! Bon on sait qu’il y a un peu de discrimintaion, un peu de racisme mais de là à ce que ce soit exhibé comme ça en pleine séance du conseil régional, ça nous a vraiment choqué, choqué. Et personne n’a bougé en gros ! Si, allez, à part madame Marie Guite Dufay qui a réagit quand même à l’incident et qui a essayé de calmer le type. Lui il continuait de gesticuler comme un malade. »

Là aujourd’hui il y a peut être une centaine de personnes ? C’est pas rien pour une mobilisation spontannée qui se tient en milieu d’aprem en semaine.. Comment ça s’est organisé ?
Salia : « Oui c’est vrai c’est déjà bien. C’est un rassemblement citoyen. Et pour redire, ça a tout de suite circulé sur les réseaux sociaux, sur Facebook surtout. Au début, il y a quelques personnes qui étaient méfiantes parce qu’on ne savait pas trop d’où ça venait. Mais après on a vite été rassuré et on s’est dit qu’il fallait venir. Au final c’est un mouvement citoyen et je pense qu’il y aura d’autres mobilisations par la suite. »

Et si on veut vous suivre, il y a une page facebook ?
Malika : « Non non, pas pour l’instant, il n’y a pas encore ça, cest vraiment une première mobilisation très spontanée. Il n’y a pas encore de page de soutien ou de groupe facebook a proprement parler, mais c’est vrai qu’on devrait sûrement en faire un. Faut que ça se mette en place. »

Et aujourd’hui quelles sont les revendications ?
Salia : « C’est avant tout c’est un rassemblement de soutien à la personne qui s’est fait agresser et pour que soient condamnés les comportements de l’agresseur. »

Malika : « Et aussi il a été demandé que Odoul ne revienne plus au conseil. »

Nora : « On veut que la plainte déposée par la victime aboutisse. »

Malika : « Et aussi on a des revendications, parce qu’on en a ras le bol. Y a un ras le bol général des discriminations. Que ce soit dans les medias, les chaines d’information, ils parlent que de ça. Ouais, c’est ça, y a plein de débats sur le voile et les femmes voilées comme si c’était un problème. »

Nora : « Mais franchement c’est quoi le problème. Tu vas en Angleterre, et il y a plein de gens avec des voiles ou des turbans et ça pose de problème à personne. Le maire de Londres, t’entends le maire de Londres lui même il porte un turban. T’imagines toi la maire de Paris qui porte un voile, c’est juste impossible ici en France. On en est loin, on en est à des années lumières. Ici c’est l’islam et les femmes qui sont pointées du doigt, c’est vraiment dégueulasse. C’est vraiment des charlots, en quoi ça dérange, sans déconner. »

Salia : « Eh puis aussi on pense à nos enfants. Et tu vois les enfants on leur parle d’intégration. Mais de quelle intégration on nous parle, alors qu’ils sont discriminés parce qu’ils n’ont pas la même couleur de peau que les autres. Comment après tu vas leur demander de s’intégrer, moi ça me dépasse ! Vraiment ça me dépasse ! On nous bafoue nos droits. Mais on va se défendre. Faut qu’on se prenne en main, tous, les uns et les autres. Et pas forcément que les musulmans mais tous les gens à qui on bafoue leurs droits il faut se défendre. Ça va plus là. On marche sur la tête. »

Malika : « Et d’ailleurs on pense déjà à lancer d’autres mobilisations avec des associations. Il y a déjà quelques représentants d’associations qui sont venus aujourd’hui même si on a pas encore eu le temps de s’organiser avec elles. On est soutenu par des gens du CCIF par exemple, aussi il y des personnes des Jeunessses Musulmanes de France (JMFB) ou de la FCPE (Fédérations des conseils de parents d’élèves). Les assos elles n’ont pas appelé à ce rassemblement pour l’instant mais on va voir avec elles pour la suite. »



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