Ende Gelände : une journée à la mine



Récit des déboires de militant·es français en Allemagne, pendant une action de blocage de mines de lignite à ciel ouvert dans le cadre d’Ende Gelände (EG) 2019.

C’était le 21 juin, en Rénhanie en Allemagne.

Après une première journée d’action complètement absurde et noyée de frustrations, nous quittons Cologne où nous avions passé la nuit au Centre Autonome [1](big Up à Vous). Nous rejoignons la manif du Golden Finger ( les 6000 personnes qui ont participé à EG ont été dispatchés en 5 « doigts » en gros 5 manifs différentes ) qui étaient à 25 minutes de train de Cologne. On part en cortège avec les jeunes de Friday for Future et le Finger . On marche dans un village où les habitant.es nous accueillent plutôt bien ( certains nous mettent des pack d’eau à disposition ou nous permettent d’utiliser leurs toilettes ), ça change de la veille où une trentaine de fafs attendaient que les flics partent pour nous choper.

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On marche encore un peu et on capte vite que notre objectif c’est la mine de charbon. On profite du fait que la manif de Friday for Future soit déclarée pour s’y greffer super pas discrètement. On voit au loin le canon à eau et une belle rangée de flics. On me dit à l’oreille de pas continuer tout droit : c’est une falaise et la chute est sans doute mortelle. Du coup on marche le long de la mine, le décor est affreux. Faut dire que c’est un trou de 700 m de profondeur, sur 3 km de large et 10 km de long.

Pour réussir à faire ça, RWE et l’État Allemand ont rasé à 90 % la forêt de Hambach : une des plus vieilles et la dernière foret primaire d’Europe centrale. Elle existe depuis 12 000 ans, elle faisait 5 500 hectares et n’en fait plus que 1 100 ha après le passage de RWE.

On continue de marcher, bien encadré par les keufs. On chante la Varsovienne et d’un coup notre bout de cortège se split et tout le monde court en direction du cœur de la mine. C’est le moment un peu physique de l’action, on doit échapper aux keufs qui tentent de nous choper ou de nous empêcher de passer. C’est hyper drôle de voir les flics sous 35 degrés avec leur grosses armures tenter de courir dans des herbes de 60 cm de haut tout en hurlant à la mort.
Après une glissade de 150 mètres on arrive au premier palier de la mine, donc là c’est un peu le moment de joie intense où tu retrouves tout ton crew. Bon, ça dure pas trop longtemps non plus, ça s’estompe quand tu te retournes et que tu vois le désastre de la mine. On aperçoit les flics qui arrivent dans la mine avec les agents en orange de RWE.

On arrive à s’installer tout en bas de la mine, on peut pas aller bien loin, la police et les agents de RWE qui ont fait copain copain nous bloquent le passage. Les flics arrivent dans les voitures de la compagnie privée ; l’état et le capital main dans la main.

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On s’installe, on chill au soleil, on discute. Les flics nous surveillent, nous proposent des compromis. Des gros camions de l’entreprise arrivent.
Soudain, sans prévenir la police charge. Juste le temps de récupérer les affaires et faire des chaînes. Là c’est mon tour, deux keufs allemands arrivent devant moi, me parlent en Allemand, j’ai rien compris mais j’imagine que c’était quelque chose comme : « soit vous vous levez ou soit on utilise la force ». j’ai pas donné de réponse, quelques secondes après je me retrouve sous deux clefs de poignet. On se fait évacuer avec des méthodes de résistance passive pour retarder un maximum l’évacuation.
Je me retrouve dans un énorme fourgon de RWE avec des roues de tracteur. Je vois un camarade de mon groupe afffinitaire et là ma binome me rejoint. On cache les 2-3 trucs un peu craignos qu’on a avec nous. On n’a pas de menottes et aucune information, on m’a juste dit que mes actes ont des conséquences. Les flics continuent d’interpeller. Il n’y a que 2 flics dans notre « fourgon ». On met 4 minutes à partir parce que le véhicule est embourbé. Les flics sont morts de rires et se sentent un peu bête. Une personne à côté de nous commence à snapper, d’autres chantent, nous on mange.

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Là on arrive dans un espace privé clôturé et assez grand, on voit des rubalises et des gens à l’intérieur, le tout surveillé par des keufs. On voit un marchand de glace passer et on se dit : « wah trop fort les baceux qui vendent des glaces. » 2 minutes après on voit des flics arriver avec des cornets de glace dans la main. Ceux de notre fourgon vont se chercher des coca. Des personnes en profitent pour vider le sable de leur chaussures et lancer de la paille dans le fourgon.

Après une bonne heure d’attente un flic vient nous chercher un par un. Le consensus c’est que personne ne donne sa carte d’identité. En plus de saouler les keufs, ça protège les camarades qui n’en ont pas, ou qui ont des casiers.
Le flic me dit avec un air qui était censé faire peur : « I reconise you, you’ve got a flag ! » . J’ai pas de quoi prouver mon identité mais ça a pas l’air de bien les importer, on me demande même pas de nom. On regarde mes doigts, il y avait de la colle et des paillettes dessus ( en Allemagne les flics peuvent prendre tes empreintes de force). Donc on ne me prend pas mes empreintes, on regarde mon sac, on me fouille, et on me prend en photo - c’est le concours de la plus belle grimace- avec une pancarte où il y a marqué un numéro dessus. On m’amène enfin dans la zone rubalisé.

À aucun moment on nous a notifié qu’on était en garde à vue.
Je rejoins ma pote qui me fait un florilège de ce que lui a dit le flic : il m’ a dit que comme j’avais pas de passeport alors j’avais aucun droit. Ou alors « tiens vu que t’a pas de passeport, tu vas rester au soleil ».
A ce moment, on voit deux flics revenir avec un mec dans les bras, il a tenté de se barrer. Il parait (c’est ce qu’on nous a dit) qu’en Rhénanie on peut tenter de se barrer et ça ne peut pas prolonger ta peine.
Pour situer un peu ce qu’il se passe : des Fourgons n’arrêtent pas d’arriver, des gens écoutent de la musique sur des enceintes, d’autres jouent aux cartes, au frisbee. Les keufs nous accompagnent pour chier et restent derrière nous au cas où on voudrait partir à travers champs. Et le mieux, c’est la famille entière à côté de nous. Le gamin et les deux parents enlacé.es. Les flics regardent le frisbee, ils se font clairement chier.

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Entre temps un bus affrété par le structure ENDE ramène les gens qui se sont déjà faits contrôler au camp. On croise pleins de potes à nous, on discute à travers les rubalises, on rit de la situation, les flics sont désabusés.
Et voilà notre tour pour rentrer au camp. Nos autres potes nous font signe pour nous dire qu’ils préfèrent rester là et discuter avec des gens. On se fait escorter par deux flics chacun de notre « cellule » jusqu’au bus.
Comble de la situation : le bus démarre, on voit qu’on était juste à côté du belvédère à touristes qui surplombe la mine. C’est la nuit, le trou est éclairé par les excavatrices.

On arrive au camp sous des haies d’honneurs, on apprend que 1000 personnes sont encore dans la mine pour la nuit et que le ravitaillement est en route. Le lendemain on nous racontera qu’un sound system s’est posé au dessus de la mine et a joué de la techno une bonne partie de la nuit avec une projection de slogan du type « FCK RWE » sur le sol de la mine.

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Photos : Radio Parleur


Voir en ligne : https://az-koeln.org/en/


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