Dates
Prochaines permanences
Mercredi 12 et 26 mars, de 16h à 20h, au 35 rue des Ateliers, Dijon.
Arpentage
Ce mois-ci on arpente Mayotte, de Rémi Carayol (voir plus bas dans « Nouveautés »). Vous pouvez venir mercredi 26 mars à 18h30 pour assister à la restitution et participer à la discussion qui suivra, mais aussi pour vous inscrire à l’arpentage du mois suivant, qui aura lieu le mercredi 23 avril à 18h30.
Dans l’actualité
Partout dans le monde les religieux intégristes, masculinistes et autres fascistes tentent de faire reculer les droits des femmes et des minorités de genre, et notamment les droits reproductifs (contraception, avortement, etc.). Avant même l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, la révocation de l’arrêt Roe v. Wade l’a montré : nos droits ne sont jamais définitivement acquis, même dans les dites « démocraties libérales ».
Ce mois-ci, à l’occasion de la journée internationale de lutte pour les droits des femmes et des minorités de genre, on met à l’honneur ces droits et les luttes d’hier et d’aujourd’hui pour les obtenir ou les défendre.
Mes trompes, mon choix
Stérilisation contraceptive : de l’oppression à la libération
Laurène Levy
Préface de Martin Winckler
Le passager clandestin
2023
Légale depuis 2001 en France, la stérilisation reste taboue. Culpabilisées, infantilisées, méprisées, considérées comme « anormales », les femmes qui prétendent à cette méthode contraceptive affrontent les critiques de leurs proches et les réticences du corps médical. Nombreux·ses sont encore les médecins qui refusent cet acte à des patientes jugées « trop » jeunes, surtout si elles n’ont jamais eu d’enfant. Commence alors pour elles un véritable parcours de la combattante.
Ce constat est le point de départ de l’analyse claire et scrupuleuse menée par Laurène Levy. Pourquoi la contraception définitive a-t-elle si mauvaise réputation ? Aux conséquences d’une histoire douloureuse – stérilisations forcées à visée eugéniste ou raciste, politiques natalistes, interdits religieux… – se greffe l’obstacle symbolique. Accepter qu’une femme adopte la stérilisation, c’est admettre enfin son droit de s’émanciper de l’injonction à la maternité.
Alors comment transformer les mentalités pour que la stérilisation passe du statut d’outil d’oppression à celui d’instrument de libération ? Comment gagner cette nouvelle bataille du droit à disposer de nos corps ?
Avorter
Histoires des luttes et des conditions d’avortement des années 1960 à aujourd’hui
Collectif IVP
Éditions Tahin Party
2008
Cet ouvrage nous plonge dans l’histoire des revendications pour le droit de maîtriser sa fécondité. Une histoire peu. voire mal transmise à celles et ceux qui sont nées après la loi Veil. Il est aussi et avant tout un bilan, utile pour faire face aujourd’hui aux attaques contre la possibilité d’avorter dans de bonnes conditions sanitaires et sans trafic financier. Parce que c’est bien sur les conditions d’avortement que porte le débat : que l’Interruption Volontaire de Grossesse soit légale ou non, les femmes avortent. Mais si l’avortement est criminalisé d’une façon ou d’une autre. les femmes sont condamnées à le vivre comme quelque chose de difficile et de dangereux. Nous avons ancré notre histoire à Grenoble. afin de montrer comment un mouvement social qui a lutté pour cette liberté fondamentale s’est développé localement et nationalement. En prenant connaissance des revendications de cette période. nous posons la question : laisserons-nous encore les pouvoirs législatifs. religieux et médicaux dire ce que nous devons faire de nos corps et de notre fécondité ?
Avortement : une loi en procès
L’affaire de Bobigny
Préface de Simonde de Beauvoir
Idées / Gallimard
1973
Une jeune fille de 16 ans, Maris-Claire C..., se fait avorter avec la complicité de sa mère.
Employée de métro à 1500 F par mois de salaire, mère célibataire de trois filles qu’elle élève d’une manière exemplaire, Mme Chevalier est jugée devant le tribunal de Bobigny.
« Procès d’un autre âge », disent les savants et les femmes cités par la défense comme témoins à la barre.
L’association « Choisir » transforme le procès de ces femmes en acte d’accusation contre la loi de 1920 qui réprime l’avortement et, dans les faits, ne touche que les pauvres.
En quelques semaines, l’affaire de Bobigny crée un mouvement d’opinion irréversible.
Les femmes doivent avoir le droit de choisir de donner la vie, la plus fondamentale de leurs libertés.
Notre corps, nous-mêmes
Écrit par des femmes pour les femmes par le collectif de Boston pour la santé des femmes
Albin Michel
1977
« Écrit par des femmes, pour les femmes, afin de répondre au besoin impératif que nous avons toutes de connaître notre corps pour mieux nous en servir, mieux en jouir et mieux vivre ».
Un livre-clé des femmes américaines contemporaines. Plus d’un million d’exemplaires de l’édition originale vendus aux États-Unis et des traducitons en cours à travers le monde.
L’anatomie, la sexualité, la nutrition et le sport, le viol et l’auto-défense, l’homosexualité féminine, les maladies vénériennes, la contraception, l’avortement, la grossesse et l’accouchement, la ménopause sont parmi les sujets traités d’une manière franche, dans un langage pratique, et illustrés par plus de 100 photographies et dessins.
Cette édition a été entièrement revue et adaptée pour les femmes françaises, par un collectif de traductrices qui, se modelant sur les femmes de Boston (auteurs de l’édition originale), ont travaillé ensemble pendant deux ans.
« L’originalité de ce livre c’est qu’il cherche à diffuser une information médicale accessible, mais aussi profondément liée à la façon dont nous vivons notre corps. De nombreuses femmes y témoignent, elles parlent de leur corps, de leurs sentiments, de leur vie. C’est parce qu’il correspond à une volonté de prise en charge de notre corps partagée par les mouvements de libération des femmes, et parce que nous avons voulu adapter ce livres pour assurer sa diffusion en France. »
T’aurais pas une adresse ?
Archives d’une lutte pour la liberté de l’avortement
Synaps Collectif Audiovisuel
2025
Nouveauté
En 1973, un groupe de femmes s’engage dans le Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et de la Contraception et crée un groupe MLAC à Gennevilliers (en banlieue nord de Paris). C’est une entrée dans le féminisme par le partage, le soin, l’action illégale et la critique acide du monde médical et des traitements sexistes des corps. Après le vote de la loi Veil qui légalise l’IVG en 1975, plus rien ne les arrête : elles créent un des premier centre IVG de France et prennent la caméra pour filmer leurs luttes.
En 2024, notre collectif découvre avec joie leurs archives militantes foisonnantes. Partisan·e·s d’une transmission directe, nous avons voulu un objet le plus brut possible, qui donne accès
à la matière première de cette histoire : tracts, comptes rendus, chants, photos, livre pour enfants, films, enregistrements sonores.
Se plonger dans les archives du groupe MLAC de Gennevilliers, c’est redécouvrir une façon de faire communauté et de s’organiser qui nous inspire. C’est faire la lumière sur une expérience d’autonomie concrète dans le soin d’habitude réservé au corps médical.
Pour rendre hommage à leurs combats et à leurs amitiés qui les ont fait tenir ensemble, nous voulons que ces récits atterrissent là où ils ont besoin d’être entendus. Contre l’oubli et la disparition, et pour nous rendre plus fort.e.s.
Nouveautés à la bibliothèque
Les éditions Lux
Une nouvelle fois, nous remercions les éditions Lux pour leur don à la bibliothèque !
Lux Éditeur est une maison d’édition indépendante spécialisée dans les domaines de l’histoire des Amériques (Frederick Douglass, Louis-Joseph Papineau, Howard Zinn) et de la réflexion politique, d’inspiration libertaire (Normand Baillargeon, Noam Chomsky, Francis Dupuis-Déri), ce qui ne l’empêche pas de posséder une modeste mais excellente collection d’ouvrages de littérature (Eduardo Galeano, John Berger, Louis Hémon, Edward Bellamy, Lewis Caroll), de théâtre (Serge Denoncourt) et de poésie (Richard Desjardins, Saint-Denys Garneau).
Lux Éditeur existe depuis 1995 et compte maintenant plus de 200 titres à son catalogue. Son programme de publication obéit à un maître-mot : la liberté. La liberté de penser, d’abord, qui est l’arme par excellence pour combattre la marchandisation de la culture et du savoir. La liberté des individus, ensuite, qui est tout autant la libre disposition de soi que l’exigence d’avoir des raisons d’agir. La liberté des peuples, finalement, car l’autonomie des uns s’accroît avec celle des autres, et parce que l’être humain n’est jamais sans feu ni lieu : son existence prend toujours racine dans une histoire et un territoire particuliers.
Avec ces ouvrages, Lux Éditeur poursuit une mission plus que jamais nécessaire : cultiver l’indépendance d’esprit et inspirer les révoltes qui, comme on le disait autrefois de l’air des villes, rendent libre…
De l’huile sur le feu
La France et la guerre contre le terrorisme en Afrique
Raphaël Grandvaud
À la fin des années 2000, la France a lancé une « guerre contre le terrorisme » au Sahel. Avec les opérations Sabre, Serval, Barkhane, ce fut l’engagement militaire le plus long, le plus important et le plus coûteux depuis la guerre d’Algérie. Le pouvoir hexagonal nous assure que cette intervention aurait été un « succès » et la France « exemplaire » : ni erreur, ni faute, ni crime, ni ingérence. Pourtant, la situation sécuritaire dans la région n’a cessé de se dégrader et l’État français porte sa part de responsabilité.
De l’huile sur le feu rappelle l’histoire de cette ingérence militaire en soulignant ses modalités et ses effets, pour la plupart méconnus : le recours aux drones armés, la réhabilitation de la contre-insurrection, les bavures systématiquement niées, l’instrumentalisation de l’aide au développement et le soutien aux pires régimes. Par une étude minutieuse des actions menées au Sahel dix ans durant, cet ouvrage entend contribuer à nourrir des prises de conscience et les mobilisations qui restent nécessaires pour en finir avec la présence militaire et l’ingérence françaises en Afrique.
Veganwashing
L’instrumentalisation politique du véganisme
Jérôme Segal
Le véganisme a le vent en poupe, mais lorsque Tesla propose des habitacles en cuir végétal ou quand des antispécistes s’allient à l’extrême droite, cette cause est utilisée pour cacher les aspects moins reluisants de certains groupes. Calqué sur le greenwashing qui dénonce les stratégies de communication permettant aux entreprises polluantes de redorer leur image, le terme « veganwashing » dénonce une récupération similaire. Il apparaît pour la première fois en Israël en 2013, en réaction à une campagne de soutien au gouvernement Nétanyahou pour ses relatives avancées dans la cause animale – une contestation qui résonne d’autant plus fort lorsque, dix ans plus tard, l’état-major israélien traite les Palestiniens d’animaux pour justifier leur génocide.
Quelles sont les caractéristiques qui font du véganisme, qui répond pourtant à une réelle urgence, un mouvement si vulnérable aux récupérations politiques ? Pour que la cause animale ne soit plus pervertie, il convient de démasquer le veganwashing, et c’est ce à quoi cet ouvrage tente de contribuer.
Odyssée lumpen
Alberto Prunetti
« Parce qu’ils s’en vont tous, à Londres, à Berlin, à Barcelone ou à Paris, et je leur dis, oui, c’est bien, prenez le train et fuyez à l’étranger, quittez cette Italie au bout du rouleau. Mais je vais vous dire autre chose : n’oubliez pas que pendant que vous partez, tata-toum, tata-toum, tata-toum, sous chaque 108 mètres de votre fuite il y a deux rails construits par les ouvriers des aciéries de Piombino. »
Un rejeton de la fière classe ouvrière toscane, premier de sa famille à avoir fait des études supérieures, se retrouve à composer, dans une cuisine puante de Bristol, la pizza Margherita en hommage à l’autre Marguerite, la maléfique Thatcher. Il est flanqué d’un flibustier tout droit sorti de L’île au trésor, d’un acteur shakespearien dans la débine, d’un Pavarotti déboucheur de chiottes et de toute une troupe de semi-délinquants, lumpenprolétaires rebelles, amateurs de bière, de foot et de diverses substances.
Ces souvenirs vrais sont passés au filtre de la poésie fantastique et de la critique sociale, dans un récit drolatique et émouvant, entre Ken Loach, George Orwell et H.P. Lovecraft. Un chant d’amour à une classe morcelée, malmenée par les managers doucereux et les superviseurs esclavagistes, mais qui résiste encore et toujours.
L’empire de l’illusion
La mort de la culture et le triomphe du spectacle
Chris Hedges
« La culture de l’illusion est une forme de pensée magique grâce à laquelle des prêts hypothécaires sans valeur se transforment en richesse, la destruction de notre assise manufacturière se transforme en possibilité de croissance, l’aliénation et l’anxiété se transforment en conformisme pétulant, et un État qui mène des guerres illégales et administre des colonies pénitentiaires où l’on pratique ouvertement la torture à l’étranger devient la plus grande démocratie du monde. »
Avec son bonheur de façade et ses émotions fabriquées, la culture de l’illusion étend son emprise sur les États-Unis. D’un salon de l’industrie de la pornographie à Las Vegas aux plateaux de la télé-réalité, en passant par les campus universitaires et les séminaires de développement personnel, Chris Hedges enquête sur les mécanismes qui empêchent de distinguer le réel des faux-semblants et détournent la population des enjeux politiques réels.
Le portrait qui s’en dégage est terrifiant : régie par les intérêts de la grande entreprise, la culture américaine se meurt aux mains d’un empire qui cherche à tirer un maximum de profit de l’appauvrissement moral, intellectuel et économique de ses sujets.
Le précipice
Entretiens avec C.J. Polychroniou
Noam Chomsky
« Il est impossible de prédire l’avenir. Les principaux responsables des multiples crises qui menacent aujourd’hui l’humanité ne ménagent aucun effort pour protéger les systèmes qu’ils ont créés et dont ils tirent d’énormes avantages, quitte à ce que ceux-ci prennent des formes encore plus sévères, avec des moyens de surveillance, de contrôle et de coercition encore plus efficaces. Des mouvements populaires se mobilisent pour contrer cette funeste issue. Ils luttent contre des politiques dévastatrices et cherchent à créer un système international qui accorderait la priorité aux droits et aux besoins des êtres humains, et non à ceux des seuls détenteurs de capitaux. »
Les entretiens avec Noam Chomsky rassemblés dans ce recueil ont été menés par C.J. Polychroniou entre 2018 et avril 2022. Le grand intellectuel et militant y parle de la fin et des séquelles du trumpisme, du dangereux centrisme de Biden et de l’espoir que représentent Sanders et Alexandria Ocasio-Cortez aux États-Unis. Il commente aussi la gestion de la pandémie de coronavirus, la crise climatique et les risques toujours plus élevés d’un conflit nucléaire, notamment depuis que la guerre en Ukraine a éclaté.
Où l’on constate que le monde va mal, certes, mais qu’il n’en est que plus urgent de se mettre au travail et de résister à la tentation du vide.
L’élite cannibale
Comment les puissants se sont approprié les luttes identitaires (et tout le reste)
Olúfẹ́mi O. Táíwò
Le paradigme identitaire et son corollaire, l’intersectionnalité, s’invitent désormais dans toutes les discussions, exacerbant les conflits et polarisant les opinions. Forgés dans les années 1970 pour créer des ponts entre toutes les luttes contre les différentes oppressions, ils sont aujourd’hui trop souvent utilisés pour resserrer les rangs autour de causes de plus en plus restreintes.
Mais, comme le démontre Olúfẹ́mi O. Táíwò, ce n’est pas le paradigme identitaire qui pose problème. Grâce à une connaissance intime de la tradition radicale noire et une compréhension critique des mécanismes de domination sociale, le philosophe décrit ici comment les élites instrumentalisent les luttes identitaires en les vidant de leur substance politique et de leur potentiel libérateur. Il incite à rejeter tout discours identitaire émanant de celles et ceux à qui profite l’injustice sociale, et plaide pour une approche constructive de solidarité émancipatrice. Une réflexion cruciale pour envisager la possibilité réelle de s’organiser au-delà de nos différences dans la lutte urgente pour un monde meilleur.
La pensée politique de Gramsci
Jean-Marc Piotte
Les réflexions politiques d’Antonio Gramsci, qui sont contenues dans une trentaine de cahiers rédigés dans les geôles de Mussolini de 1929 à 1935, révèlent une pensée complexe, originale et profonde. En centrant son analyse sur la notion d’intellectuel, Jean-Marc Piotte donne une interprétation cohérente de l’ensemble de cette œuvre et explique l’apport important de ce penseur, qui renouvelle la théorie marxiste en soulignant le rôle crucial des luttes culturelles dans les luttes politiques.
Ce livre, paru pour la première fois en 1970, est précurseur de l’intérêt croissant pour un penseur politique du début du XXe siècle dont la pensée est d’une actualité flagrante, notamment pour ce qu’il dit du rôle politique de l’intellectuel en temps de crise.
Autres nouveautés
Mayotte
Département colonie
Rémi Carayol
La Fabrique
Il y a cinquante ans, la population de l’archipel des Comores était invitée à se prononcer sur le statut de son territoire. Si trois des quatre îles votèrent massivement pour l’indépendance, Mayotte (Maore), où un courant sécessionniste animé par l’élite créole exerçait un puissant lobbying, vota contre, tandis qu’à Paris l’armée et le « parti colonial » encore très puissant ne voulaient pas perdre cette position stratégique dans l’océan Indien. La France accorda donc l’indépendance aux Comores mais conserva Mayotte, devenue en 2011 le 101e département français à l’issue d’un processus unique de « colonisation consentie ».
Tout renvoie à la colonie sur cette île : les ghettos de Blancs, la hiérarchisation raciale au travail comme dans la vie quotidienne, la dépendance économique envers la « métropole », les défaillances des infrastructures mises en lumière par les récentes pénuries d’eau… Entre des Mahorais reniant leur passé pour être « français à tout prix », dont la dérive vers l’extrême droite semble sans fin, des « métros » qui se comportent en terrain conquis et cultivent l’entre-soi, et des Comoriens devenus « étrangers » par l’effet d’une politique d’État délibérée, la violence à Mayotte est le résultat d’un double processus de dislocation et de colonisation. Ce livre raconte les principaux épisodes de cette histoire et dresse un portrait sans concession de « Mayotte française » et du présent colonial qui continue de l’animer.
Technopolice : défaire le rêve sécuritaire de la safe city
Texte de Claire Richard
Dessins de Louise Drulhe
Éditions 369
Quel avenir se dessine en ville sous l’œil des machines ? Plus de la moitié de la population mondiale est aujourd’hui urbaine, soit 4,2 milliards de personnes. L’organisation spatiale et la morphologie des villes représentent un enjeu crucial qui, au-delà des intérêts financiers et économiques, est étroitement lié à la qualité des modes de vie et à la manière d’habiter un territoire. Aujourd’hui émerge la ville dite « intelligente », qui se construit dans une logique de gestion et d’optimisation des systèmes d’information appliquée à la cité, son organisation et ses flux. L’espace urbain devient un nouveau site d’extraction de données en s’équipant de capteurs et de caméras en tout genre, destinés à compter, tracer, évaluer, fluidifier, prédire, punir.
Ce manuel nous emmène dans la ville de Marseille pour décrypter les dispositifs de surveillance numérique et automatisée qui s’y déploient. Il va à la rencontre du collectif Technopolice, dont les actions invitent à documenter la mise en place d’outils numériques à des fins de contrôle dans les villes françaises. En compagnie d’habitants du quartier de la Plaine, l’initiative œuvre à la réappropriation de l’espace urbain par celles et ceux qui l’habitent et affirme le droit à une ville vivante, humaine et conviviale.
Ni dieu ni patron ni mari
La Voz de la Mujer
Éditions Nada
« Nous avons décidé de faire entendre notre voix dans le concert social et d’exiger notre part de plaisirs au banquet de la vie. Et comme nous ne voulons dépendre de personne, brandissons nous-mêmes l’étendard rouge et partons au combat... sans dieu ni patron ni mari. » Publié à Buenos Aires en 1896, La Voz de la Mujer est le premier journal anarchiste féministe. Dans ses pages, ses rédactrices proposent de fournir aux femmes prolétaires les outils, théoriques et pratiques, nécessaires à leur émancipation. Partisanes de l’amour libre, elles y expriment leur volonté d’en finir avec toutes formes d’oppressions, qu’elles soient religieuse, capitaliste ou patriarcale. Préface d’Hélène Finet.
K comme Kolonie
Kafka et la décolonisation de l’imaginaire
Marie José Mondzain
La Fabrique
« À partir de La Colonie pénitentiaire, ma lecture de Kafka est plus d’une fois interrompue par des sentiers de traverse puis reprise, mais chemin faisant, après un détour, je reviens toujours à lui. Tous ces trajets me reconduisent inéluctablement à la situation présente des asservissements imposés par l’impérialisme capitaliste dont la fiction de Kafka a décrit l’effrayante machinerie.
Mais c’est aussi en le lisant et relisant sans cesse que j’ai éprouvé la joie que transmet son écriture. Sans doute donne-t-il aussi l’indication de ce que peut être un geste de décolonisation quand il offre à ceux à qui il s’adresse la possibilité de résister et la puissance d’agir. »
L’humanité en révolte
Notre lutte pour le travail et le droit au bonheur
Aboubakar Soumahoro
Les Étaques
Dans cet essai mêlant réflexion politique et récit biographique, Aboubakar Soumahoro analyse son époque depuis son expérience de travailleur agricole immigré. Alors que l’emploi est de plus en plus précaire, les travailleurs migrants apparaissent comme les plus vulnérables. Souvent invisibilisées, leurs luttes se déroulent dans l’indifférence générale. L’auteur nous invite à les voir avec leurs spécificités, mais surtout à les envisager comme faisant partie d’un combat global contre toutes les formes d’oppression, à la croisée des questions de classe, de race et de genre. Soumahoro est désormais une voix qui compte dans le paysage politique italien. Né en 1980 en Côte d’Ivoire, Aboubakar Soumahoro arrive en Italie en 1999. Il y devient travailleur agricole, syndicaliste et diplômé en sociologie. Après le meurtre de son camarade Soumaila Sacko, Soumahoro obtient la création d’un groupe de travail pour lutter contre l’exploitation des ouvriers du secteur agricole.
Et si... on libérait notre imagination pour créer le futur que nous voulons ?
Rob Hopkins
Actes Sud
Et si… le pouvoir de changer le cours des choses en profondeur était entre nos mains ?
Et si… en réalité, nous avions à disposition, sans en avoir vraiment conscience, un des outils les plus puissants qui existent ? Et si… en plus, on se mettait ensemble pour y arriver ?
Rob Hopkins nous invite à rêver en remettant l’imagination au cœur de nos vies quotidiennes. John Dewey définit l’imagination comme la possibilité de regarder les choses comme si elles pouvaient être autres. C’est cette capacité de pouvoir dire “Et si…” et d’envisager un autre monde plus en cohérence avec nos aspirations et les besoins de notre société.
En ces temps de catastrophes climatiques, de perte de biodiversité, d’insécurité alimentaire, d’appauvrissement des écosystèmes et de crises communautaires, notre futur – sans parler de notre présent – semble plutôt sombre. Pourtant, comme nous le rappelle Rob Hopkins, des changements drastiques, rapides et inattendus sont possibles, et ce pour le meilleur. Il a pu observer les améliorations en cours partout dans le monde. Des individus et des communautés ont d’ores et déjà emprunté le chemin de l’imagination.
Dans cette exploration passionnée, Rob Hopkins interroge le déclin de notre imagination et la manière dont nous pourrions lui redonner de la vigueur. Car, une fois qu’on l’aura fait, plus rien ne nous résistera. Et si… ? est un appel à l’action pour libérer notre imagination collective et initier des changements rapides et profonds pour un meilleur futur.
« On n’est pas DUP »
Témoignages et récit de la lutte contre la centrale nucléraire du Pellerin 1976 - 1983
Collectif SNAS Muinaru
Éditions Le Taslu
L’ouvrage On n’est pas DUP – Témoignages et récit de la lutte contre la centrale nucléaire du Pellerin relate le combat victorieux contre un projet de centrale à une vingtaine de kilomètres de Nantes, de 1976 à 1983, avant que celui-ci soit déplacé sur le site du Carnet.
Le livre retrace chronologiquement les étapes de cette lutte, met en avant les paroles de celles et ceux qui y ont participé et donne à voir certains documents d’archive de l’époque. Il restitue une résistance méconnue et permet de mieux comprendre le terreau de lutte sur lequel ont fleuri notamment l’opposition au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes et celle très actuelle face aux divers projets industriels dans l’estuaire, que ce soit au Carnet ou à Donges.
Marx et l’Amérique Latine
José María Aricó
Éditions Delga
Publié initialement en espagnol en 1980 et devenu depuis un classique, Marx et l’Amérique latine est une œuvre fondatrice de la pensée progressiste latino-américaine. Il ouvre un espace de réflexion complètement nouveau sur les formes spécifiques de la réception du socialisme en Amérique latine. À travers une lecture contextuelle virtuose, José Aricó étudie les raisons d’une méprise, d‘une mésentente entre Marx et cette réa- lité du monde, phénomène d’autant plus étrange qu’il s’agit du continent qui verra naître le Che Guevarra.Il est en effet incontestable que le peu d’attention que Marx et Engels ont porté à l’Amérique latine a d’abord pesé lourdement sur le destin théorique du continent au sein de la tradition socialiste. De même, le pamphlet hâtif de Marx contre Simón Bolívar ou l’éloge étonnant de l’invasion du Mexique par les États-Unis sous la plume d’Engels n’ont guère pu aider les disciples à appréhender la réalité nationale de l’Amérique latine.Mais peut-on se satisfaire d’une telle reconnaissance des faits, sans se demander ce qu’ils signifient, non pas quant à la réalité latino-américaine mais quant au corpus théorique marxiste ? Plus qu’à un simple exercice de philologie érudite, c‘est à une confrontation avec la validité des positions de Marx dans son examen des sociétés non typiquement bourgeoises que l’auteur nous convie.
Préface de Martín Cortés. Traduit de l’espagnol par Luis Dapelo.
De gré et de force
Comment l’État expulse les pauvres
Camille François
La Découverte
Les expulsions locatives jettent chaque année en France des milliers de familles pauvres à la rue, dans une indifférence quasi générale. Pourtant, ces procédures sont au cœur de l’accroissement de la pauvreté et des inégalités sociales. Et leur nombre a augmenté au cours des vingt dernières années.
À partir d’une longue enquête de terrain, ce livre s’intéresse aux institutions et aux « petites mains » chargées de réaliser les expulsions. Il décrit la manière dont la violence légitime de l’État s’exerce sur les familles menacées de délogement, en retraçant les différentes étapes auxquelles elles sont confrontées : les services de recouvrement où les employés des bailleurs essaient de leur faire rembourser leur dette, les tribunaux où les juges prennent les décisions d’expulsion, les services de préfecture et de police chargés d’utiliser la force publique pour les déloger de leur domicile. En expliquant pourquoi certaines familles sont plus souvent expulsées que d’autres et comment les agents de l’État les contraignent, à la fois de gré et de force, à quitter leur logement, il met ainsi en lumière une violence légitime moins visible que la répression des manifestations ou que des interpellations policières, mais tout aussi efficace dans le maintien de l’ordre social.
Loin d’être une fatalité, ces expulsions locatives constituent une réalité éminemment politique, qui interroge la place du capital immobilier et de l’État dans la précarisation des classes populaires aujourd’hui. Une réalité contre laquelle il est possible d’agir.
Nouveautés pas nouvelles
La fabuleuse histoire des journaux lycéens, Ludivine Bantigny, Les Arènes
Mémoires vives, Edward Snowden, Seuil
La conscience politique, Geoffroy de Lagasnerie, Fayard
Temps, discipline du travail et capitalisme industriel, Edward P. Thompson, La Fabrique
Comment tout peut s’effondrer, Pablo Servigne, Raphaël Stevens, Seuil Anthropocène
Les lois du capital, Gérard Mordillat, Bertrand Rothé, Seuil, Arte
La guerre sociale en France, Aux sources économiques de la démocratie autoritaire, Romaric Godin, La Découverte
De la responsabilité des intellectuels, Noam Chomsky, Agone
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