Après plusieurs semaines d’organisation, elle est enfin là, la manif « contre les violences sexistes et sexuelles ». On a hâte, c’est pas tous les jours qu’une manif est ouvertement féministe. C’est pas tout les jours que le cortège de tête est appelé en mixité choisie (sans mec cis*).
On se retrouve tou·te·s devant l’hôtel de ville. À 14h pétante, la place est déjà bondée. Une belle mixité de génération, des tas de gars venus en soutien, un peu d’émotion de se rassembler autour d’un sujet qui n’aurait rassemblé qu’une poignée de militantes il y a quelques années.
Le contexte social est tendu. La pref n’a pas envie de débordement, ni même vraiment de manif planplan. Le parcours initialement prévu devait s’arrêter devant des lieux symboliques des oppressions : le conseil régional, la préfecture, le commissariat, Sephora… mais le parcours a été intégralement refusé, les cabanes de noël à protéger, la rue de la Lib et ses consommateurs à ne pas troubler...Le trajet sera confiné à une miette de goudron, place de la lib/république, on a intérêt à y aller tranquille pour pas avaler la portion en 20mn…
Peu d’espace, mais du monde ! C’est plus de 1000 personnes qui forment le cortège, la tête est en non-mixité choisie, une sono passe une playlist concoctée pour l’occas, des carnets de chants circulent. En début de manif, une poignée de gens entonne « l’hymne des femmes », chant historique des luttes féministes des années 70. Signe des temps, peu ou pas reprennent le refrain. Une nouvelle génération de féminisme est là, sans l’ancrage historique dans les mouvements de libération passés mais avec une folle envie d’en découdre avec le patriarcat, mais plus seulement. Le capitalisme, le racisme, la grossophobie, le validisme, l’hétéronorme : le féminisme sera inclusif ou ne sera pas.
La manif est rythmée par des prises de paroles. La première sur l’origine de la date du 25 Novembre, les sœurs appelées Las Mariposas ont été assasinées par le dictateur Dominicain Trujillo, pour avoir osé être femmes ET militantes. Seront aussi évoquées les injonctions faites aux corps, l’islamophobie, les femmes migrantes, et la pathétique incompétence de la Police dans la prise des plaintes et leur complaisance avec les agresseurs.
Une foret de pancartes est brandie par la foule. Chacun.e choisi parmi des tas de panneaux, le nom des 124 femmes tuées en 2019 en France et des punchlines pour tous les goûts : « Les femmes ont autant besoin d’un homme que les poissons d’une bicyclette », « Les putes ne sont pas coupables, la Police oui », « All Clitoris Are Beautiful », « Sous les paillettes la rage », « Rage against the machisme », « le rage des meufs, la haine des keufs » une hache brandi sur un panneau sépare l’homme (Polanski), de l’artiste. Aussi, des tas de pancartes en soutien aux femmes voilées, aux travailleuse/eurs du sexe, le cortège s’avance en chantant sa « solidarité aux femmes du monde entier ». En ce jour de mouvement mondial, on est là, tou·te·s ensemble, partout, dans les rue.
Le parcours se décore, les rues se parent d’affiches, les rues changent de nom, les obscurs gars scientifiques du 17e siècle qui ont inventé un nouveau bouchon pour les pneus et qui ont eu l’honneur d’avoir un nom de rue se retrouvent recouverts par Emma Goldamn, Monique Wittig et Angela Davis.
On fini, place de la République. Un cercle se forme. Un spectacle de danse, les dernières prises de paroles, des applaudissements. Et on repart avec l’envie, l’espoir, de remarcher ensemble. Dans la ville, dans la nuit, dans des rassemblements féministes larges, dans des actions radicales... Discuter, se trouver et se revoir pour avoir la joie de piétiner le patriarcat.
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