À la Fraternité Saint-Pierre de Dijon, des soutiens pas (toujours) très catholiques



Par un communiqué paru le 17 mai dernier, Monseigneur Roland Minnerath a déclaré ne pas reconduire le ministère de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre (FSSP). Au sein du Diocèse de Dijon, la nouvelle a fait l’effet d’une bombe. Officiellement, les parties communiquent sur un litige d’ordre purement organisationnel et pratique. Mais d’autres sources affirment que les connivences entre traditionalistes et extrême-droite radicale auraient également pesé. Il s’avère en effet que nationalistes, royalistes, et autres néonazis, apparaissent très présents de ce côté là du Tout-Puissant.

Entre romain et tridentin, faut-il choisir ?

Installée depuis 1998 à la basilique Saint-Bernard de Fontaine-lès-Dijon, la Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre de Dijon vit peut-être ses dernières semaines. Monseigneur Roland Minnerath a en effet annoncé qu’il mettrait fin à la collaboration du Diocèse avec cette branche, ce qui la conduirait à perdre ses deux abbés que sont Thibault Paris et Roch Perrel. Mais aussi son lieu de culte, et ses 150 à 300 fidèles réguliers ou occasionnels. Un affront et une condamnation pour la congrégation qui n’hésite pas à parler d’expulsion, en allant jusqu’à manifester son mécontentement par de véritables processions de rue.

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Blason de la FSSP

Devant l’évêché, ils étaient ainsi une petite centaine le 26 juin dernier. L’archevêque a expliqué à nos confrères du Bien Public que la congrégation constituait « petit à petit une communauté autonome » évoquant une « séparation » de fait inscrite par extension sur le plan liturgique et rituel. Négation de l’autre bord, qui via des articles et sites interposés formule désarroi et incompréhension sur ces troubles. Mais rapidement, d’autres sources ont abondées pour brandir des raisons plus ombrageuses et tout aussi déterminantes selon elles. Ainsi les liens entre la Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre et certains groupuscules de l’extrême-droite radicale en aurait froissé plus d’un au Diocèse.

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La maison Saint-Bernard, à Fontaine-lès-Dijon. Lieu de naissance de Bernard de Clairvaux, le château et sa chapelle ont été édifiés au XIe siècle. Elle constitue depuis 1998 le fief de la FSSP de Dijon
L’histoire d’une Cène peu recommandable.

Une vidéo parue le 23 juin sur Facebook donne ainsi la parole à des paroissiens, parmi lesquels un certain Christophe G. qui déclare : « la Fraternité Saint-Pierre c’est la messe ici le dimanche, mais c’est aussi tout le reste… » Ex-militaire et légitimiste, fondateur du « Cercle des Amis de Léon Degrelle », activiste majeur pour le Front National et son DPS de 1986 à 2011, initiateur d’une rencontre de l’Œuvre Française » et animateur d’un site marchand d’articles liés au IIIe Reich.

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Christophe G. (à droite), avec Pierre Sidos et Yvan Benedetti. Conférence de l’Œuvre Française à Dijon, le 8 janvier 2009.

Une passion qui s’exprime encore récemment sur les réseaux sociaux, l’intéressé figurant entre autres pourvu d’un képi SS, assorti d’une svastika en guise de poissons d’avril, en pèlerinage sur la tombe du collaborateur Marcel Bucard, exposant une Bible juchée auprès d’un artefact nazi, en famille pour la fête de la Saint-Jean, ou adressant un « heil » dans une « rue Hitler. » Les objets et commentaires, aux évocations tout aussi racistes et antisémites, se comptent par dizaines. Le clip, vu plus de 10 000 fois, ne fait bien sur en rien état de ce « palmarès. » Mais, on le sait bien, le diable se cache dans les détails.

Un compagnonnage qui continue de surprendre.

D’autres figures ont été identifiées lors de la manifestation du 26 juin, comme le président dijonnais de « l’Action française » (AF) Iannis M. Lui non plus n’a pas brillé par ses éditions, affublé d’un couvre-chef de la Waffen-SS ou prenant la pause avec le terroriste Maxime Brunerie. Il maraudait ainsi entre les prières, avec un compère, tout deux seuls habillés d’une chasuble, suggérant un rôle de service d’ordre. Saint-Bernard a d’ailleurs la réputation d’être devenu un repaire pour les ultras du mouvement ; ceux-ci y affichent, sans complexe et de longue date, leurs événements politico-religieux.

Une messe a par exemple été célébrée sous l’égide du « Comité Louis XVI » le 21 janvier 2017, avec son dirigeant et « prince » Alexandre K. Cadre national de l’AF, membre d’une association pro-Philippe Pétain, catholique pratiquant, défavorable à l’islam en France… le lyonnais, issu de la noblesse russe, en disait déjà beaucoup en 1989, lors d’une rencontre avec les historiens François-Marin Fleutot et Patrick Louis. Les bravades, elles, persistent toujours : étalage de portraits du Maréchal, parades avec des gilets jaunes à la fleur de lys, ou dédicaces à Monseigneur Marcel Lefebvre.

Dieu, la Terre, le Roi.

Iannis M. et Pierre-Antoine B. furent aussi de la partie, ce dernier étant d’ailleurs un contact du très select’ compte Facebook de l’abbé Thibault Paris. D’abord membre de l’AF, le jeune homme a fondé « Hélix Dijon », mentionnée, avec Iannis M., comme composante du commando du 31 janvier 2021… lequel visait à « sécuriser » une mobilisation contre la loi bioéthique, appelée entre autres par le Diocèse. Sur le web, d’autres figures ont exprimé leur solidarité à la FSSP : Guillaume A. du « Parti de la France », Gauthier M. du syndicat étudiant « UNI », ou Vincent L. ancien leader des identitaires comtois.

Et entre proximité et collusion, la nuance s’obscurcit encore. Ainsi le 25 mai 2020 photo à l’appui, Christophe G. déclarait être le propriétaire d’une partie du domaine Saint-Bernard. Une réalité que valide tout annuaire, et plutôt éloignée d’une simple figuration de « visiteur occasionnel » s’agissant d’un voisin spirituel et physique. Idem concernant le fameux culte du 21 janvier 2017, où presque toute la « bande » qui constituait alors l’Action Française était là. Certains officiaient même directement à l’image de Iannis M., ce qui implique à minima des liens de confiance anciens avec cet ordre.

Couvrez ces saints que je ne saurais voir.

Les voies du Seigneur sont certes impénétrables, mais il ne nous a fallu que quelques clics et appels pour obtenir sans grandes difficultés des indices éloquents. Est-ce que la Fraternité Saint-Pierre pouvait vraiment tout ignorer des déboires de la plupart de ses brebis ? Si les aspérités les plus sulfureuses révélées par nos soins ne sont certes pas les plus manifestes, il semble toutefois peu probable que les têtes sacrées puissent être totalement passées à côté de l’engagement des concernés. À l’instar du Diocèse de Dijon, qui pourrait donc avoir aussi « sanctionné » sur cette base.

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Maison Saint-Bernard, aperçu de la chapelle Notre-Dame-de-Toutes-Grâces

Sollicité, le Diocèse n’a pas donné suite. Mais nous avons pu échanger avec une cadre de Saint-Pierre, qui a souhaité exposer les positions communes quant aux diverses préoccupations soulevées. Elle affirme ainsi que le Diocèse a pris une décision unilatérale et soudaine sans la moindre concertation, le couperet étant tombé par un courrier. « Nous espérons encore un revirement de Monseigneur Roland Minnerath, malgré une communication compliquée. Une telle sentence pour la FSSP, ça serait inévitablement synonyme d’une disparition après vingt-quatre années passées à Dijon. »



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