Expulsion violente et illégale d’un squat à Villeurbanne : la police défonce le portail d’une maison vide promise à la démolition et emmène 11 personnes en garde à vue pour... « dégradations ». Trois semaines après, nous revenons sur le déroulement de ces 21 heures, que nous ne pouvons pas laisser passer.
Une maison située rue Frédéric Fays à Villeurbanne a été occupée le mercredi 6 janvier au soir. Celle-ci, vide depuis plusieurs mois comme 5 autres maisons, est destinée à être démolie. Ces bâtiments appartiennent au promoteur immobilier Kaufman & Broad, qui les a rachetées pour réaliser à la place un vaste projet immobilier de 73 logements. Un pas de plus dans la gentrification du quartier de Cusset et l’exclusion de ses habitant.es, repoussé.es toujours plus loin en dehors de la ville.
Au regard de la loi, toute personne pouvant prouver sa présence depuis plus de 48 heures dans un bâtiment vide ne peut être expulsée sans procédure judiciaire [1]. De plus, avoir un logement digne est un droit pour tous et toutes. Les occupant·es de la maison avaient bien réuni les preuves de leur installation depuis le mercredi : des photos certifiées par huissier, des attestations de voisin.e.s, des factures de livraison. La police nationale avait été contactée à plusieurs reprises par des voisin.es, mais n’a pas daigné se déplacer de tout le week-end. Ce n’est que suite à l’appel du puissant acquéreur du bâtiment, le lundi 11 janvier vers 19h, qu’elle a fini par arriver. La société Kaufman & Broad affirmant contre l’évidence que l’entrée dans la maison venait de s’effectuer, la police refuse catégoriquement de prendre en compte le dossier de preuves, ce qui est pourtant la procédure légale en vigueur. L’attitude des forces de l’ordre a immédiatement été hostile, menaçante et intimidante. L’ensemble des soutiens et des voisin.es présent.es devant la maison, parmi lesquels une élue de la majorité municipale venue en médiatrice, ont été verbalisé.es pour rupture du couvre-feu sans prise en compte de leurs attestations. Une fois ces témoins forcés à partir, les renforts policiers ont commencé à affluer : BAC, brigades de nuit de Villeurbanne, les effectifs montant à une trentaine d’agents.
Peu avant 23h, l’assaut a littéralement été lancé sans aucune sommation. Des torches ultra puissantes et des LBD pointés vers les fenêtres nous empêchaient d’entrer en communication avec l’extérieur. Le portail, fermé par un simple antivol de vélo, a été défoncé par un camion de police, puis la porte enfoncée par un bélier. Le dispositif, évoquant celui d’une opération contre le grand banditisme, était manifestement surdimensionné, d’autant que nous n’avions manifesté aucune intention de résister physiquement à l’expulsion. Les agent.es ont pénétré dans la pièce où onze personnes se tenaient pacifiquement et les ont braquées avec leurs armes, pistolets et taser, fouillé.e.s puis interpellé.e.s et en ont profité pour coller une amende à tout le monde pour non respect du couvre-feu.
Nous avons alors été mis.e.s en garde à vue et réparti.e.s dans différents commissariats de l’agglomération lyonnaise, emmené.es pour certain.es dans des fourgons cellulaires. Entre xénophobie, racisme, insinuations sexistes et homophobes, des personnes ont été victimes de violence physique et verbale, d’intimidations et de chantage. Au terme de 18 heures de garde à vue, nous avons été libéré.e.s avec un rappel à la loi allant de 1 à 6 ans selon les commissariats, ne mentionnant plus la dégradation en bande organisée qui constituait la raison initiale de l’expulsion et de notre arrestation.
Nous dénonçons sur le fond cette expulsion, au vu de la situation du sans-abrisme en France (300 000 personnes sans logement, 3 millions de logements vides selon l’INSEE), illégale au vu des preuves de l’occupation et de la trêve hivernale, ainsi que sur la forme, tant le dispositif exagéré et le traitement semblent être faits pour terroriser et décourager ces initiatives de solidarités.
Nous invitons les institutions élues à prendre position et à porter plainte contre la préfecture.
Nous appelons à la réquisition de logements vides et à la lutte contre la gentrification urbaine.
Un toit pour tous-tes !
Certain.es d’entre nous
Notes
[1] Selon l’article 432-8 du Code pénal, « Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, agissant dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, de s’introduire ou de tenter de s’introduire dans le domicile d’autrui contre le gré de celui-ci hors les cas prévus par la loi est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende. » D’après l’article 226-4-2 du Code pénal, « le fait de forcer un tiers à quitter le lieu qu’il habite sans avoir obtenu le concours de l’Etat dans les conditions prévues à l’article L153-1 du code des procédures civiles d’exécution, à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contraintes, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende. »
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