Lundi 11 octobre 2021, au crépuscule, une centaine de personnes envahissent le stade Bourillot à Dijon. D’un côté, trois équipes féminines zapatistes revêtissent leur tenue, violette, toutes floquées du numéro 7 et du nom de Ramona [1]. De l’autre, une formation queer francophone se découvre, bariolée et improvisée. Autour du terrain, de nombreux supporters des deux équipes s’échauffent la voix.
Vous vous demandez peut-être pourquoi l’équipe zapatiste est venu à Dijon pour jouer avec une formation qui n’existait pas encore. C’est parce que 180 zapatistes ont envahi l’Europe le 14 septembre afin de rencontrer les luttes qui ont lieu sur tout le continent, et se sont retrouvé.es à Dijon pour se répartir dans les différents pays qui les accueillent. C’est une des rares occasions du voyage pendant laquelle l’équipe féminine zapatiste était au complet et pouvait réaliser son souhait de disputer un match.
Brève histoire du football zapatiste
On découvre l’équipe masculine zapatiste le 15 mars 1999 lors d’un match organisé au stade Jesus Palilo Martinez, dans la cité sportive Magdalena Mixhuca à Mexico. La formation cagoulée affronte alors une équipe composée pour l’occasion d’anciens internationaux mexicain. Les membres de l’EZLN perdent 5-3, mais s’en servent pour exprimer leur philosophie : la seule vraie défaite est de ne pas continuer à se battre. Le sous-commandant Marcos ajoutera : « En réalité nous n’avons pas perdu… nous avons seulement manqué de temps pour gagner. »L’équipe a refait parler d’elle en 2005, lorsque le sous-commandant Marcos adresse un courrier à Massimo Moratti, alors président de l’Inter Milan. Il lui propose un match arbitré par Diego Maradona et Eduardo Galeano à Gênes pour commémorer la mort de Carlo Giuliani [2]. Malheureusement le match n’a jamais été joué mais certains joueurs de l’Inter affirment leur solidarité en créant la fondation Inter Campus qui sert alors à soutenir des projets pour les enfants pauvres au Chiapas, et désormais dans le monde entier. Dans ce cadre, un premier stage de foot a été organisé au Chiapas.
C’est à cette occasion que les filles des communautés zapatistes ont commencé à jouer. Et elles ont montré qu’elles avaient bien progressé depuis en inaugurant la 1re Rencontre Internationale Politique, Artistique, Sportive et Culturelle des Femmes en Lutte en 2018 par un match opposant l’Arcoiris Rebelde (de la Realidad) aux Jovenas Rebeldes (d’Oventic). L’une des participantes profite de ce moment pour rappeler dans quel état d’esprit elles jouent : « Nous avons appris qu’il ne devait pas y avoir de compétition entre nous, car la compétition nous détruit et nous décourage. On dit que le football est le reflet de la vie, et aussi qu’il est le lieu où une foule de sentiments entrent en jeu : la camaraderie, l’amitié, les codes, le quartier où on vit. Mais toujours en lien avec le jeu. […] Des femmes qui jouent, qui courent ; des femmes qui arrêtent le ballon avec leur poitrine ; des femmes qui marquent des buts après une action collective ou sur un coup de pied arrêté ; et pendant ce temps, des femmes qui font la révolution. »
Alors que les zapatistes se font prendre en photo en formation puis commencent à échanger quelques ballons, l’autre équipe, fraîchement nommée la Mostaza, se constitue et entame des échauffements.
Le ciel s’assombrit et les projecteurs commencent à diffuser leur tiède lumière jaune. Les deux équipes prennent position sur le terrain. Les spectateur.ices se répartissent le long de la ligne de touche et le match commence. L’équipe zapatiste est impressionnante, disciplinée, carrée. Elle intimide la très jeune équipe Mostaza qui ne se laisse pas démonter pour autant.
Les chants des ultras font vibrer la pelouse et sous les « Quand les Tanneries se mettent à chanter, c’est tout le stade qui va s’embraser, allez allez... », ce sont les outsiders qui ouvrent le score. La foule est en liesse, elle manque d’envahir le terrain, les tifosi déplorent ne pas avoir de torches lumineuses pour parfaire le tableau. Les zapatistes, solides, réagissent dans la foulée et égalisent avec brio. Le match reprend son cours, plutôt équilibré, arbitré par un duo d’enfer. Mais petit à petit les dijonnais.es vont faire la différence et marquer un second but, puis un troisième. Les zapatistes ne parviennent pas à revenir au score et c’est la Mostaza qui l’emporte, humblement.
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