Dissuasion nucléaire : les incohérences



Retour sur la 19e vigie en vue du désarmement nucléaire, le 16 juillet 2021 près de Valduc, sur les incohérences de la doctrine française de dissuasion nucléaire et sur la 50e signature d’une ville française (Villeurbanne) pour le désarmement atomique.

Ce 16 juillet 2021 à Moloy, près du site CEA de Valduc, 5 lanceurs d’alerte du ‘Collectif Bourgogne Franche-Comté pour l’abolition des armes nucléaires’ ont effectué leur 19 ème vigie citoyenne pour le désarmement nucléaire : ils ont déployé des banderoles appelant au respect par la France de l’art.6 du Traité de non-prolifération (TNP), à l’adhésion de la France au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) et à la reconversion à ces activités pacifiques des sites du ‘Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives’ (CEA) chargés de la maintenance et du perfectionnement des bombes atomiques.

Les incohérences de la doctrine de la dissuasion nucléaire

La dissuasion nucléaire, « clé de voûte de notre sécurité », consiste à menacer d’infliger des représailles à un adversaire potentiel qui s’en prendrait à « nos intérêts vitaux ».
En réalité, cette arme est inutilisable

  • stratégiquement : son usage entrainerait des destructions mutuelles inouïes ;
  • politiquement : l’utilisateur serait mis au ban de la communauté internationale et de son propre pays - ou de ce qu’il en resterait après riposte ;
  • juridiquement : le règlement militaire français interdit aux militaires, et donc aux officiers de tir des sous- marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE), d’obéir à des ordres contraires à la loi internationale et à la morale ;
  • écologiquement : la radioactivité n’a pas de frontières.
    Or une arme inutilisable ne peut avoir aucun effet dissuasif puisque l’agresseur potentiel sait qu’elle ne sera pas utilisée... De fait, la dissuasion nucléaire n’a pas empêché l’attaque d’Israël par l’Égypte en 1967, la guerre russo-chinoise au sujet de l’île Zenbao en 1969, l’attaque des Malouines par l’Argentine en 1982, la guerre indo-pakistanaise "des glaciers" en 1999, le phagocytage d’une partie du Donbass ukrainien par la Russie en 2014...
    Un ancien ambassadeur de France à la conférence du désarmement, Éric Danon, a pu dire que l’arme nucléaire garantit la sécurité de la France comme une porte blindée garantit la sécurité d’un logement. En réalité, la dissuasion nucléaire n’est pas une porte blindée, c’est une porte grande ouverte avec, au-dessus de la porte, un panneau indiquant « Défense d’entrer, danger de mort ! ». Mais si un voleur ne croit pas à la menace de mort, il entre dans la maison...
    Lors d’un colloque en 2017, un participant a posé à Jean-Claude Mallet, conseiller spécial de Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense, la question suivante : « Quel est le plan B en cas d’échec de la dissuasion ? ». La réponse de Jean-Claude Mallet est courte et a le mérite de la clarté : « Il n’y a pas de plan B ! ».
    Cette affirmation est toutefois contredite par Bruno Tertrais, ex-chargé de mission auprès du directeur des Affaires stratégiques du ministère de la Défense, membre de la commission du ‘Livre blanc sur la Défense et la Sécurité nationale’, directeur adjoint de la ‘Fondation pour la recherche stratégique’ (FRS), lors d’un colloque en nov. 2016 : « Mon propos était de dire que les armes nucléaires ne devraient jamais être considérées sur le plan technique. N’envisagez jamais d’utiliser une arme nucléaire car " il n’y a pas d’autre solution technique" pour détruire ou neutraliser une cible. Il y a toujours un moyen. » [1] Alors que la dissuasion nucléaire est soi-disant « la clé de voûte » de notre défense, on reste confondu d’entendre un de ses grands théoriciens affirmer qu’il ne faut jamais envisager de l’utiliser...
50 villes françaises en faveur du TIAN

Le 25 juin 2021, Cédric Van Styvendael, maire de Villeurbanne (2 ème ville du Rhône), signe ‘l’Appel des villes’ promu par l’International Campaign to Abolish Nuclear Weapons (ICAN). Désormais, ce sont 50 villes en France - dont Paris, Lyon, Grenoble et Besançon - qui soutiennent le Traité des Nations Unies sur l’interdiction des armes nucléaires.
Cet engagement des villes, qui va se poursuivre en France, se déroule aussi à l’international puisque 452 municipalités, dans des États nucléarisés ou non, ont déjà signé cet Appel. Parmi elles, de nombreuses capitales comme Amsterdam, Barcelone, Berlin, Canberra, Luxembourg, Manchester, Oslo, Toronto, ou encore Washington D.C.
Au total, ce sont 502 villes à travers le monde qui se sont engagées à protéger leurs habitants des armes nucléaires et à mobiliser leurs États pour faire ratifier le TIAN.

Comment les citoyens peuvent soutenir le TIAN ?
  • Écrivez à votre Maire, afin que votre commune signe l’Appel des villes d’ICAN pour le désarmement nucléaire, à votre député et sénateur pour que la France ratifie le TIAN.
  • Participez aux vigies citoyennes à Dijon ou Valduc, à Paris et ailleurs.
  • Questionnez votre banque sur son financement de la bombe atomique, et n’hésitez pas à changer pour une banque éthique, grâce au guide éco-citoyen “Choisis ta banque !” sur le site des Amis de la Terre.
  • Intéressez-vous aux armes nucléaires, aux questions de sécurité internationale et de défense de la démocratie.
    Les vigies et actions non-violentes menées par le ‘Collectif Bourgogne Franche Comté pour l’abolition
    des armes nucléaires’ s’inscrivent dans le cadre d’ICAN, ’Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires’ (International Campaign to Abolish Nuclear Weapons), prix Nobel de la paix 2017, et dans la suite des précédentes victoires de l’ONU : interdiction des armes biologiques (1972), des armes chimiques (1993), des mines antipersonnel (1997), et des bombes à sous-munitions (2008).
    Découvrez l’historique avec photos des actions à Dijon et Valduc depuis 2014.

Le collectif Bourgogne Franche-Comté pour l’abolition des armes nucléaires
http://abolitiondesarmesnucleaires.org



Notes

[1Disarmament and Deterrence - Bridging the Divide : Q&A - EU Non-Proliferation and Disarmament Conference 2016 - Publication Fondation pour la recherche stratégique (FRS),, 3 novembre 2016

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