Samedi 17 juillet avaient lieu partout en France des manifestations contre les mesures annoncées par Macron pendant sa dernière allocution. À Dijon, des appels circulants sur les réseaux sociaux invitaient à se retrouver place de la République, à 14h. Une manif un samedi à 14h place de la Rep ? C’est peut être un peu simplificateur, mais difficile de ne pas juger cette manifestation à l’aune des manif gilets jaunes de 2018-2019. Comme on va le voir, elle y ressemblait beaucoup, pour le pire et pas vraiment pour le meilleur...
Les forces en présence
D’après le BP, 700 à 1000 personnes ont manifesté ce samedi. On va pas chipoter, c’était dans cet ordre d’idée. En terme de composition le cortège est assez intergénérationnel, très majoritairement blanc. Les grandes gueules de la manif sont autant des femmes que des mecs. Peu de personnes affichent des couleurs politiques, à part quelques personnes portant des gilets jaunes customisés, et quelques énergumènes sur lesquels on reviendra plus bas. Bref, on est sur du typiquement GJ, modèle printemps-été 2019. D’ailleurs la plupart des gens ont l’air tout à fait habitués à ce genre de manifestation bordélique et pressurisée par des flics.
Déroulement
Niveau parcours on est aussi sur du typiquement GJ : rendez-vous à République, tentative de passage rue Jean Jacques Rousseau et gazage devant le Saint-Nicolas. Après un tour de la place de la Rép on constate que toutes les issues sont bloquées. La solution dans ce genre de situation est connue et appliquée : on se disperse et on se donne rendez-vous en ville. C’est ce qu’il y avait de mieux à faire. Les flics comprennent bien ce qui est entrain de se passer mais ils n’ont pas encore trouvé de moyen militaire ou juridique pour l’empêcher, on se retrouve donc quelques minutes plus tard place du Bareuzai. Là encore la suite est un classique : départ jusqu’à Darcy, puis demi-tour vers la place de la Lib’ où un fourgon de gendarmes mobiles échoue à bloquer le cortège, puis re-demi-tour vers Darcy... C’est le moment où on commence à ne plus trop voir où tout ça nous mène, on quitte le navire.
Qu’est-ce qu’on fait là ?
Jusqu’ici tout va bien, mais on a commencé ce récit en disant que cette manif ressemblait surtout au pire des GJ, alors abordons le point qui fache : le contenu politique de cette manif.
D’abord on va préciser : si vous êtes un·e antivax persuadé qu’on fait face à une « épidémie-bidon », ou si vous pensez au contraire que la relance de l’économie vaut bien un dispositif de flicage en plus, vous pouvez passer votre chemin, ce qui suit n’est pas pour vous.
Alors quel était le fond précis de cette manif ? Comment les personnes présentes ont-elles interprété et traduit l’appel à manifester contre les mesures macronistes ?
Globalement les slogans couvrent un spectre qui va de l’antivax totalement conspi, à la légitime opposition au pass sanitaire. Côté conspi on croise une banderole parlant d’« épidémie bidon », des autocollants « tu as besoin de tout ton oxygène pour respirer, le masque tue », ou encore, sur une pancarte, le combo négationniste [1] « non au pass nazitaire, non à l’apartheid ».
Beaucoup de pancartes précisent cependant qu’elles sont contre la vaccination obligatoire, certaines personnes expliquent aux passants contrariés qu’elles sont vaccinées mais contre le pass sanitaire. Si le complotisme antivax est très présent, on ne peux pas résumer ces manif à la vague uniformément conspi/négationniste décrite par les médias et politiciens bourgeois.
Cette complexité (pour ne pas dire ambiguïté) transparait aussi dans les slogans repris par la majeure partie du cortège. On y entend du bon (« pass sanitaire, régime autoriaire ») et du moins bon (« -vous êtes vaccinés -on est pas vaccinés »), mais celui qu’on aura le plus entendu reste encore le très creux (donc ambigu) « liberté-liberté ». Notons aussi l’absence totale de slogan, banderole ou pancarte en rapport avec les réformes antisociales remises sur la table par Macron, les réformes des retraites et de l’assurance chômage.
Si on a donc le pire de la dérive conspi qu’on a pu observer chez beaucoup de GJ à partir de 2019-2020, on a aussi, et c’est tout aussi désolant, le retour de slogans qu’on croyait enterrés depuis décembre 2018 : une longue et pénible Marseillaise, des slogans sexistes ou homophobes par-ci par-là, ou encore la litanie des « la police avec nous » - qui a quand même un peu fait débat parmi les manifestant·es.
Peu de signes d’appartenances politiques étaient affichés dans le cortège, mais ceux présents sont révélateurs. Un seul parti était ouvertement présent : le parti d’extrême-droite Debout la France. Son dirigeant, Nicolas Dupont-Aignan fait partie, avec François Asselineau (UPR) et Florian Philippot (les Patriotes), d’une triplette de bourgeois énarques et réactionnaires engagés depuis plusieurs mois dans une politique de récupération des errances complotistes qui traversent la société.
D’autres figures de la complosphères étaient aussi représentées, on a ainsi pu voir un t-shirt RGNR, du nom de l’association de Thierry Casanovas, gourou des « médecines alternatives » sur Youtube reconverti dans le complotisme covido-sceptique [2], ainsi qu’une pancarte faisant référence à un slogan de la mouvance complotiste d’extrême-droite QAnon [3].
Slogan Qanon à la manif de Dijon (where We Go one we go all) #antifa pic.twitter.com/lpIiSobUSt
— Redgazing (@redgazing) July 17, 2021
Que faire ?
La nature a horreur du vide : si on laisse la place il faut s’attendre à ce que d’autres la prennent, et on sait que quand ça concerne le Covid et sa gestion calamiteuse ca peut très vite partir dans le grand n’importe quoi. Ne laissons pas la critique des dérives autoritaire du capitalisme tardif aux gourous conspis : l’opposition au pass sanitaire mériterait l’implication de tou·tes celles et ceux qui se sont battu·es contre la loi sécurité globale.
Un nouvel appel à manifester samedi prochain circule d’ores et déjà sur les réseaux sociaux, à nous d’y porter une lutte contre l’autoritarisme débarassée du conspirationisme et des récupérations par l’extrême-droite.
À samedi !
Quelques manifestants de la tendance « Ni BFM, ni RéinfoCovid »
Compléments d'info à l'article
Proposer un complément d'info