Lundi 3 décembre
Le samedi 1er décembre, lors de la manifestation appelée par les Gilets Jaunes place de la République à Dijon, neuf personnes ont été interpellées. Le lundi 3 décembre à partir de 17h, après que la juge ait pris deux heures pour consulter les dossiers, sept sont passés en comparution immédiate. Il y avait environ cinq personnes dans la salle hormis les accusés, les avocat·es et magistrat·es.
Ces sept personnes étaient toutes accusées de groupement formé en vue de la préparation de violence et/ou de dégradation volontaires [1]. A ça s’ajoute pour cinq d’entre elles des violences volontaires sur des flics n’entraînant aucune Interruption Temporaire de Travail [2] (ITT) . Pour l’une d’entre elles il était également question d’accusation pour des faits de dégradation.
Les trois flics victimes de ces dites « violences volontaires » n’étaient pas présents car le parquet avait oublié de les aviser de la tenue de cette audience. Les personnes à qui il est reproché ces violences ne pouvaient donc pas être jugées ce jour car les victimes auraient pu vouloir assister ou participer à l’audience. On notera que le commissaire de Dijon fait partie de ces « victimes », une avocate taclera sur ce fait en disant « c’est étrange que le nom de Mr Di Bartolo revienne dans plusieurs affaires ».
Les six avocat.e.s présent.e.s étaient en accord pour dénoncer des procédures carencées de la part du parquet, « trop rapidement livrées et entachées d’erreurs », « traitées à la sauce BFM et bâclées ». Ils et elles ont aussi tenu à signaler que ce dernier « bat en brèche les fondamentaux du Code de Procédure Pénale (CPP ) ».
Le procureur, comme à son habitude, répétera sans cesse à quel point cette manifestation avait « tout de scènes insurrectionnelles ». À plusieurs reprises il s’est permis de signifier son mépris en riant, en soufflant d’exaspération, en snobant les prévenus et leurs avocat·es, ainsi qu’en leur coupant la parole. Cependant la juge l’a repris certaines fois, ce qui est assez rare.
Il a indiqué avoir été présent « aux côtés des forces de l’ordre sur le terrain de cette manifestation », il aurait même parlé « avec des journalistes de Paris qui ont dit que même sur la capitale ca n’avait pas pris une telle ampleur ». Ce dernier s’adressera à la presse pour « souligner l’exemplarité et le sang froid des forces de l’ordre ». Un avocat rétorquera que « ça fait toujours bien de livrer un bouc-émissaire à la presse ».
Lors de la première affaire, l’avocat dénonce que « ce qui est grave c’est que nous avons pas accès à l’intégralité du dossier, les forces de l’ordre ont mentionné des vidéos et des photos montrant mon client étant violent, mais aucunes traces de ces preuves dans le dossier ». Cet avocat soulèvera également les mauvaises conditions de garde à vue au sein du commissariat ces dernières semaines. Le chauffage étant en panne, il fait en moyenne entre 5 et 10 degrés dans les geôles.
Certains de ces avocat.e.s ont donc été assez offensifs par moment, par exemple en rappelant que « les policiers ont choisis de faire ce métier en connaissances de causes » lorsque que le procureur lança que « les policiers ne sont pas payés pour se faire massacrer ». Cela-dit, massacrer est un bien grand mot si on se penche sur le nombre et la gravité des blessé.e.s lors des récentes manifestations. Surtout si les flics victimes n’ont reçus aucun jours d’ITT.
Il ressort de cette audience que le parquet construit des dossiers complètements vides, car l’accusation de groupement formé en vue de… tombera pour les sept prévenus !
Les réquisitions du parquet étaient pourtant sévères, d’abord une mise sous mandat de dépôt (en prison) pour les cinq en attendant leurs futurs procès, un contrôle judiciaire très stricte, ainsi que quatre a six mois de sursis pour deux d’entre eux, et même une interdiction de manifester pendant deux ans.
Finalement, ils ressortiront tous librement de cette audience avec pour cinq d’entre eux un contrôle judiciaire avec obligation de pointer au commissariat tous les quinze jours, et un renvoi de leurs audiences, les 27 décembre, 3 janvier et 9 janvier.
Deux d’entre eux ont été relaxés pour l’accusation de groupement, mais le parquet, par le biais du procureur a fait appel de cette décision dès le lendemain.
Mercredi 5 décembre
Comparutions immédiates, suite aux manifestations lycéennes du lundi 3 décembre.
3 personnes comparaissent dans le box vitré des accusés, entre deux flics. 2 d’entre elles ont passé la nuit en prison. C’est un fait remarquable en soi : le procureur a ordonné qu’elles soient emmenées à la Maison d’Arrêt pour y passer la nuit, alors qu’elles auraient très bien pu rester à Suquet.
Ce "détail" va donner le ton aux comparutions immédiates : le tribunal a une composition particulièrement sévère, les questions rhétoriques fusent pour faire la morale aux inculpés.
La première personne, de 18 ans, va se retrouver avec 3 mois de sursis avec mise à l’épreuve pour avoir jeter un cailloux sur les flics.
La seconde, de 19 ans, avec 2 mois de sursis avec mise à l’épreuve pour le même fait.
La troisième, trentenaire, va se prendre 8 mois dont 3 fermes pour avoir brûler une poubelle et une affiche...
Dans les trois situations, comme dans tous les procès qui ont lieu pendant ce mouvement, le motif de "groupement en vue de commettre des violences" est utilisé. Un chef d’inculpation fourbe, qui essaie d’incriminer les gens qui auraient eu l’intention de se lier à d’autres pour commettre des délits. Un coup de fil pour se rencarder pour une manif par exemple... On avance dans l’absurdité juridique.
Heureusement, dans ces trois histoires les groupements vont tomber : rien ne les justifie dans le dossier. On voit que le parquet envoie des chefs à l’aveugle...
Malgré la relax pour les groupements, on remarque que les juges vont quand même suivre les réquisitions du parquet. Allant même jusqu’à surenchérir sur la prison ferme pour la troisième personne.
On hallucine, bien sur.
L’avocat va plaider en vain la démesure invraisemblable : de la prison ferme pour un feu de poubelle...
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