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Lutter contre la division et la discrimination des saisonnier.ère.s, nous approprier collectivement nos saisons viticoles



Contre l’hypocrisie, l’opacité et l’omerta totales dans lesquelles sont maintenues par la bourgeoisie viticole les conditions de plus en plus discriminantes et racistes du travail saisonnier en Côte d’or, cette texte est un appel à rompre la division et l’isolement des saisonnier.ère.s. dans la perspective d’une reflexion commune sur les possibilités collectives de luttes. [Traduction anglophone en attente]

TOUTE TRADUCTION BIENVENUE ET SOUHAITÉE, si des personnes le peuvent, EN TOUTE LANGUE ESTIMÉE NECESSAIRE POUR L’ACCES DE CET ARTICLE AUX PERSONNES NON-FRANCOPHONES CONCERNÉES

Nous sommes des saisonnier.ère.s viticoles privilégié.e.s, nourri.e.s, logé.e.s, payé.e.s au SMIC ou plus, blanc.he.s. Nous avons suivi de près la campagne de Solidaires 21 faisant suite au double scandale, début septembre, des expulsions des campements de Puligny-Montrachet, Meursault et Tailly, simultanément à l’ouverture du "camping vendangeur" payant et surveillé à la ferme de la Buère (Morey-Saint-Denis). Les dénonciations portées par le syndicat omettent une donnée : les personnes concernées sont en grande partie, sinon en quasi-totalité, non-fRancophones et/ou non-fRançaises. La déterrioriation des conditions de travail saisionnier et la question de l’accès au logement sont à recouper avec la discrimination croissante et organisée qui sépare les vendangeur.euse.s. De ce point de vue, et dans la perspective d’une reflexion sur les moyens de rompre cette division et sur les possibilités collectives de luttes, nous nous questionnons sur la pertinence de l’appel au blocage des vendanges aperçu sur une affiche aux alentours de la commune de Morey-Saint-Denis ("cette saison est nulle à chier, bloquons-tous !"). L’appel, rédigé en fRançais, semble être fait au nom d’un certain nombre de personnes dont la diversité des situations ne permet pas de présupposer à leurs places qu’elles cautionnent, comme des saisonnier.ère.s blanc.he.s peuvent le faire, la nette et simple perspective d’un blocage.

Au "camping vendangeurs", les saisonnier.ère.s viennent principalement de Roumanie, Italie, Hongrie. Les personnes expulsées par l’Inspection du travail / les flics sur la côte de Beaune, "notamment en provenance d’Europe de l’Est" (francebleu), ont probablement été contraintes de s’installer à Morey, à plusieurs dizaines de kilomètres de leur campements d’origines (et de leur lieu de travail ?), au profit du nouveau business de la Ferme de la Buère. A aucun moment bien sûr les personnes directement concerné.e.s ont été sollicitées sur leurs besoins par celleux qui ont jugé « inadaptés » leurs campements, ni par les mairies (Morey, Chambolle, Gevrey) qui ont signé la convention avec la ferme, la prefecture et la Confédédartion des Appelations et des Vins de Bourgogne. Sur place, la barrière de la langue fait obstacle à la communication pour en savoir plus sur les conditions d’expulsion, de relogement, de travail, et pour réfléchir collectivement aux perspectives de luttes envisageables.

La rengaine médiatique annuelle autour de la difficulté des domaines à recruter entretient la silenciation non seulement de l’aggravation, mais de la ségrégation croissante des conditions de travail elles-mêmes. Entre les saisonnier.ère.s qui habitent la région, font plus ou moins partie du cercle familial et amical des propriétaires viticoles, et les saisonnier.ère.s qui arrivent de loin et en particulier hors-fRance / hors-fRancophonie, les situations de travail sont extrêmement inégales et les contacts quasi-inexistants. Des vendangeur.euse.s logé.e.s et nourri.e.s trois fois par jour, arrêtant le travail à la mi-journée au-delà de 30°C, côtoient dans les champs des équipes qui visiblement continuent de trimer sous une chaleur invivable sans être rentré manger. Des domaines délèguent à des prestataires de service l’embauche d’équipes véhiculées par trentaines dans des Flixbus immatriculés Pologne et Bulgarie et dans la soute desquels sont improvisées des couchettes de fortune. On a pu voir dans le torchon local des articles mettant à l’honneur ces « bienfaiteurs domaines » qui emploient, « pour leur intégration », nos sœurs et frères réfugié.e.s avec retenue sur salaire de 3€ pour le sandwich au bout du rang.

À la Maison Familiale et Rurale de Grandchamp (Ruffey-Les-Beaune), où des réfugié.e.s originaires de Somalie, Érythrée, République démocratique du Congo, Afghanistan, Syrie sont formé.e.s à la viticulture, la directrice l’affirme sans demi-mots : « Face à la pénurie de main d’œuvre dans ces secteurs, particulièrement en période de vendanges, des alternatives doivent être trouvées, alors pourquoi pas faire appel à cette main d’œuvre étrangère ». De même à propos du domaine Camus, à Gevrey-Chambertin, à propos duquel un article, qui le présente comme un bienfaiteur de l’intégration (« 35 réfugiés participent au vendanges avec bonheur », « ils retrouvent une vie normale par le travail » ) affirme encore : « Si le domaine fait autant appel à des réfugiés politiques, c’est aussi parce que le secteur peine à recruter. » Ces citations illustrent comment les pleurnicheries médiatiques qui reviennent chaque années sur la « difficulté des domaines à embaucher » entretiennent la silenciation des conditions de travail elles-mêmes, tout en légitimant l’embauche précaire des personnes plus susceptibles d’accepter ces conditions auxquelles d’autres ne consentent pas ou plus.

Nous souhaitons que tous.tes puissions vendanger dans des conditions à la fois meilleures et égales. Or ces conditions sont d’année en année plus déterriorées et discriminantes, en particulier par le recourt de certains domaines à des prestataires de services régionaux et internationaux pour le recrutement et la gestion des équipes. Quels bénéfices ces prestataires tirent-ils de l’indifférence et du mépris des domaines viticoles vis-à-vis de leurs saisonnier.ère.s ? Comment expliquer la complaisance dont semblent bénéficier de la part de l’Inspection du tRavail et de la Mutuelle Sociale Agricole ces prestataires et les domaines qui les payent ?

L’opacité totale des conditions de travail et d’hébergement des équipes de vendangeur.euse.s non-fRancophones et/ou réfugié.e.s et/ou embauché.e.s par des prestataires de services viticoles (tels que la Clef des Vignes à Brochon) est un marqueur de la division organisée de la classe ouvrière saisonnière, entre cette main d’œuvre ouvertement qualifiée de « bouche trou » et celle des vendangeur.euse.s privilégié.e.s, habitant.e.s de la région, fidèles de longue date des domaines, entre-soi des cercles familiaux et amicaux « du coin ». L’indifférence collective qui règne, dans nos domaines de frugalité et d’enivrement, vis-à-vis de la situation de celleux qui triment dans des conditions indubitablement autres, nous fait honte et nous écoeure. Nos patron.ne.s prétendent ignorer les conditions de travail et les termes contractuels de ces équipes voisines qui chaque année provoquent leur stupéfaction et leur indignation hypocrites. Iels prononcent les mots « scandale » et « esclavage », mais complaisent à l’omerta généralisée qui règne sur toute la bourgeoisie viticole régionale.

L’hospitalité, la bienveillance, la générosité dont savent encore nous combler quelques rares patron.ne.s ne doivent pas nous faire oublier que nous sommes leurs ouvrier.ère.s. Et qu’avec tous.tes les autres saisonnier.ère.s, fRancophones ou non, nous avons en commun que ne nous a jamais appartenu ce patrimoine viticole que les politiques culturelles de valorisation territoriale veulent nous faire croire nôtre. Saint-Vincent-Tournante, Cité internationale de la Gastronomie et du Vin, Vendanges citoyennes, Vélo-route des Grands-crus, Fête du vin et autres festival Show les papilles ne sont que les outils d’une propagande qui veut nous faire sentir concerné.e.s par leur business, leurs supposés terroir et folklore. De même les conversions de plus en plus nombreuses en bio donneraient l’image d’une industrie qui se responsabilise, mais les conditions de travail sont de plus en plus discriminatoires, et la production n’est toujours destinée qu’à la bourgeoisie internationale et touristique qui est, comme la bourgeoisie locale, notre ennemie.

Face à l’opacité des conditions de travail auxquelles certain.e.s d’entre nous sont visiblement contraintes,
face à la discrimination aberrante qui nous sépare les un.e.s des autres,
face à la répression et aux expulsions des campements spontannés,
face à la lâcheté de nos patron.ne.s qui feignent ne pas savoir et ferment les yeux,
face à la propagande qui cherche à nourrir en nous ce sentiment d’appartenance à un patrimoine viticole qui nous répugne,
face au racisme ordinaire et actif de toute la société viticole régionale,

inventons des manières de nous rencontrer et d’échanger, durant et en marge des travaux saisonniers, qui nous appartiennent collectivement,
exigeons l’égalité des conditions de travail, la hausse des salaires pour tous.tes, le toit et le repas offerts pour tous.tes et la liberté de camper
communiquons sur nos conditions de travail respectives, cherchons et partageons l’information pour dénoncer la responsabilité des prestataires et des domaines
nuisons à la réputation des propriétaires viticoles que nous haïssons et pour qui nous ne voulons plus travailler,
nuisons à la propagande médiatique, événementielle et touristique de la bourgeoisie viticole

Solidarité avec tous.tes les vendangeur.euse.s

Soutien aux proches des vendangeur.euse.s mort.e.s en Beaujolais et en Champagne


Mises à jour concernant le camping vendangeurs de Morey-Saint-Denis (il y a cinq jours) : à l’emplacement facturé 8€ + 4€ pour le matériel de camping, ajouter 5€ pour la merguez frite du soir et 5€50 pour le petit déjeuner. Le poste de vigile est occupé régulièrement par une nouvelle personne à qui l’employeur.euse ne prend même pas la peine de préciser la mission exacte, puisque c’est une « manifestation ou une fête à surveiller » qu’elle cherchait en arrivant... Avant la prise de poste du vigile (19h / 20h), l’accès au barnum d’accueil bar et petite restauration est libre, sans obligation de prendre un emplacement. Deux véhicules de flics sont postés à proximité du camping, l’un caché dans un coin le long de la route pour y monter, l’autre dans le centre équestre.



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