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Tentative de péage gratuit : le fiasco de l’intersyndicale



Les déboires de provocateurs gauchistes au pays du syndicalisme responsable, et ce que cela dit des union syndicales départementales.

Fiasco

Un appel a action déclaré à la Préfecture. Dés le départ il y avait de quoi être perplexe. Pourtant, quand on nous en a parlé la première fois on y a cru, et plus encore quand on a vu les appels ouvertement diffusés sur les réseaux sociaux : « Opération péage gratuit, le 24 décembre de 7 à 9h péage de Dijon Sud », avec un plan d’accès aux lieux, emplacement du parking, etc. Du sérieux, de l’organisation carrée. La CGT et FO diffusaient cet appel, le syndicalisme très responsable de l’intersyndicale en était à l’origine, et leur assurance avait fini par nous convaincre. L’action était annoncée, négociée, et elle se déroulerait donc sans embûches. D’ailleurs la précédente tentative, trois jours plus tôt par des GJ et des syndicalistes de diverses obédiences, avait été un relatif succès. Pendant une bonne heure les voitures avaient pu sortir de l’autoroute sans payer, et un paquet de tracts avaient été écoulés. La grève s’était aussi rendue visible, ce qui est un vrai enjeu dans une ville comme Dijon où les transports en commun sont très peu impactés.
Lundi soir on a donc écourté notre apéro pour pouvoir être au rendez-vous « à 6h45 sur l’aire de covoiturage avec drapeaux, lampes et distribution de tracts ». On aurait mieux fait de boire une pinte de plus et de profiter de notre grasse mat’...

Dés notre arrivée sur place on a vite déchanté : les gendarmes sont là - rien d’étonnant, mais ils sont là en nombre. Ils font la circulation pour nous permettre de traverser la route en toute sécurité (le genre de prévenance à laquelle les indisciplinés que nous sommes ne sont pas habitués venant des pandores), mais rapidement l’opération commence à sentir la mauvaise andouillette. Aller à tel endroit, mettre telle banderole... tous nos faits et gestes doivent être négociés par les délégués syndicaux, jusqu’à ce que la logique se heurte à un mur :

« Ah non, lever les barrières ca va pas être possible.
— Mais on avait dit qu’on faisait un péage gratuit...
— Oui mais non.
— Mais on est syndicalistes...
— Non quand même.
— Mais...
— Non. »

Pluie battante dans la nuit encore noire. Discours de la secrétaire générale CGT couvert par le bruit du vent et des voitures qui défilent sur l’autoroute. Retour dans la boue. Pétard mouillé.

« C’est dans la rue que ca se passe »

Quel niveau de déconnection avec les luttes dans la rue fallait-il avoir pour s’imaginer qu’en 2019 à Dijon ce genre d’action pourrait passer parce qu’on demande la permission ? Quelle naïveté pour croire que la Préfecture de Bourgogne tolèrerait cette action parce que ce sont d’honorables citoyens encadrés des syndicats responsables qui la mènent ?
On nous évoquera surement l’ouverture de péagé réalisée le jour même au péage de Fontaine [1], près de Belfort. On nous rappellera certainement l’action organisée à Dijon Sud, et avec succès, en 2016 pendant le mouvement contre la Loi Travail. Mais comment des gens qui se vantent d’avoir le numéro de la Préfecture dans leur répertoire ont-ils pu croire une seconde que l’actuelle équipe préfectorale tolèrerait un tel « trouble à l’ordre public » ?
Depuis qu’il a pris ses fonctions en 2018, en expliquant d’emblée que « la loi n’est pas élément de négociation » [2], Bernard Schmeltz n’a eu de cesse qu’une fois étouffée toute contestation un tant soit peu conséquente... quitte parfois à lui-même s’asseoir sur le respect de la loi.
Celles et ceux qui prennent la rue depuis le début de l’année 2018 le savent : on ne compte plus le nombre de fois où la Préfecture a laissé se déchaîner et a couvert la violence de ses flics. En terme d’autoritarisme la gestion par la Préfecture de la « question des migrants » est édifiante. Les procédures se durcissent avec toujours plus de cynisme et les négociations pour faciliter les procédures de régularisation ne sont même plus envisageables. Dernièrement un journaliste a même été blacklisté par la Préfecture à cause d’un tweet se réjouissant de la régularisation d’une lycéenne. Comment peut-on attendre la moindre tolérance de la part de ça ?

« Les chiens aboient mais ne mordent pas »

Pourtant, on le redit, nous-même on y a cru. Naïvement, on a cru que la CGT et les autres membres de l’intersyndicale, ces vénérables institutions, ces syndicats « responsables », pouvaient encore bénéficier d’un traitement de faveur, ne serait-ce que pour ménager une soupape à la colère qui s’exprime depuis le début de la grève.
Avec un tel fiasco, l’intersyndicale montre qu’elle a perdu tout crédit auprès de la Préfecture, ce que le confinement des dernières manifs dans le même parcours éloigné de l’hyper-centre laissait déjà entrevoir. La conséquence de cette tartufferie est aussi une nouvelle perte de crédit auprès de celles et ceux qui luttent et qui tiennent le terrain depuis plusieurs mois : gilets jaunes et bases syndicales de toutes les chapelles, qui a plusieurs reprises ces dernières semaines ont réussi là où les UD ont échoué, en menant effectivement des actions sur des ronds-points, des péages, ou devant des dépôts pétroliers. Pour celà ces groupes auto-organisés n’ont pas attendu d’autorisations préfectorales : ils se sont agrégés, coordonnés, et ils se sont lancés, la plupart du temps avec succès.

Peut-on espérer que cette humiliation sera l’électrochoc susceptible de réveiller les membres de l’intersyndicale ? À la lecture des réactions de la direction de l’UD CGT 21 il parait clair que non.
Alors que depuis plus d’un an les gilets jaunes ont complètement réinventé l’action dans la rue, alors que dans certains départements les UD CGT elles-même ne déclarent plus leurs manifs [3], alors que la veille, les cheminots parisiens partaient en manif sauvage dans la gare de Lyon, la secrétaire générale de l’UD CGT 21, à peine rentrée de la non-action du péage, réaffirmait qu’elle « ne veut pas d’action "sauvage" » [4]. Perspicace, un autre membre du syndicat déplorait que le comportement du Préfet donne « une prime aux casseurs » et « de l’argument à ceux qui disent : "la seule manière d’être entendus, c’est la force" », là où l’UD CGT « veut faire les choses du mieux possible pour éviter les conflits ». Cocasse pour un syndicat qui se revendique de la lutte des classes.
Par son comportement et ses déclarations, l’intersyndiclae, et en particulier la direction de l’UD CGT 21 décrédibilisent l’action syndicale, au détriment des militants syndicaux qui se battent toute l’année, dans leurs boites ou dans la rue, pour améliorer le sort de leurs collègues et pour obtenir des conquêtes sociales (ou en limiter la perte ces dernières années).

Alors certes ces constats ne vont pas bouleverser nos pratiques : il y a bien longtemps qu’on ne leur accorde plus trop de crédit aux professionnels de la reddition. Mais on espère deux choses : d’abord que leur fierté ravalée va les remettre un peu à leur place, celles de dirigeants d’organisations qui combattent le capitalisme et donc aussi les institutions qui le défendent et le renforcent, en l’occurence les pouvoirs publics. Dans la lutte contre ce projet de loi la Préfecture n’est pas l’arbitre neutre d’une lutte contre un ennemi désincarné. En tant que représentante et exécutante locale du gouvernement c’est elle l’ennemi en question, elle est bien réelle, et il faut la faire plier, pas gérer avec elle l’ordre public. Mais comme l’a déjà dit, vu les réactions à chaud de certains de ces dirigeants cela a peu de chance de se produire. Ensuite on espère que ca fera bouger quelques lignes au sein de ces organisations, au niveau des bases dans lesquelles des voix s’élèvent déjà contre le défaitisme et la cogestion, y compris là où on s’y attendrait le moins.

À bientôt sur les blocages !


Quelques provocateurs gauchistes


Notes

[1« Les grévistes vous offrent le péage de Fontaine » sur le site de l’Est Républicain

[3« Si les défilés du centre-ville étaient utiles au mouvement, nous aurions continué à les mener, avec ou sans l’autorisation préfectorale qui, je le rappelle n’est jamais sollicitée par les organisations syndicales. Cette manifestation d’aujourd’hui, ici, n’a pas plus été déclarée ou négociée que toutes les précédentes, quel que soit le lieu. » in Discours 26 mai et photos sur le site de l’UD CGT 44

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