Le 25 juillet 2016, un arrété publié le samedi suivant au Journal Officiel, délimitait officiellement la zone touristique internationale (ZTI) de Dijon. Cette zone voyait le jour dans le cadre de la loi Macron du 6 août 2015, en même temps que vingt autres ZTI : douze à Paris et neuf en province. Ces ZTI sont définies comme des zones "de rayonnement international", avec une "affluence exceptionnelle de touristes étrangers", ces derniers étant à l’origine d’un "flux important d’achats". Concrètement elles permettent aux commerces qui s’y trouvent de baffouer le droit au repos dominical des salarié·es, en ouvrant le dernier jour de la semaine et le soir jusqu’à minuit.
Le maire, François Rebsamen se félicitait alors de l’obtention de ce titre : « ce classement offre de nouvelles perspectives à l’aube d’un nouveau départ pour Dijon ; une capitale régionale tournée vers le tourisme international, permettant aux commerçants qui le souhaitent de profiter de ce nouvel élan ». Son adjointe aux commerces, Danielle Juban évoquait quant-à-elle une « bonne nouvelle pour les enseignes », et garantisait que cette ZTI « n’est que le début d’une démarche plus large qui permettra de “réveiller Dijon les dimanches” ».
Pourtant des voix discordante s’étaient aussi fait entendre. Dénonçant dans un communiqué (voir plus bas) l’hypocrisie de la notion de volontariat ("peut on sérieusement parler de volontariat en situation de chômage de masse ?"), les "conséquences en matière d’organisation de la vie sociale et personnelle désastreuses", et voyant dans cette loi "un cheval de Troie pour imposer partout le principe du travail 7 jours sur 7 jusqu’à minuit", le syndicat Solidaires 21, associé à FO Côte d’Or et appuyé par la CGT déposait dans la foulée un recours auprès du tribunal administratif de Paris.
Le 26 avril 2018, victoire pour les syndicats, le tribunal administratif décidait d’annuler l’arrêté ministériel créant la ZTI, contestant notamment la dénomination très mégalo de zone "internationale". Malheureusement la ZTI a la peau dure puisque ce 19 juillet, Édouard Philippe a annoncé lors du 3e Comité interministériel du tourisme avoir trouvé des « solutions » pour « préserver » les ouvertures dominicales dans la ZTI de Dijon ...en modifiant sa dénomination. En lieu et place d’une "Zone Touristique Internationale" Dijon n’aura donc droit qu’à une simple "Zone Touristique", qui autorise elle aussi le travail dominical. Tant pis pour les élus locaux à grosse tête [1] et tant pis surtout pour les salarié·es, qui devront sacrifier leur vie sociale pour contenter leurs patrons, les barons socialistes, et les touristes.
À qui profite la ZTI ?
"Permettre aux commerçants qui le souhaitent de profiter de ce nouvel élan", "une bonne nouvelle pour les enseignes" : si l’on s’en réfère à la communication des pouvoirs publiques, l’ouverture dominicale serait une bénédiction pour les commerçants". Pourtant c’est un tout autre son de cloche dans le journal Libération, qui titrait en juin 2016 "L’ouverture du dimanche pas assez rentable pour les commerçants" [2]. Selon le quotidien, citant Pascal Madry, urbaniste et directeur de l’institut pour la ville et le commerce : « Ce ne sont pas les commerçants qui ont été à l’origine de cette demande. Ce sont les pouvoirs publics et en en particulier le ministère en charge du tourisme, avec Fabius. Et les grandes foncières qui y voyaient une croissance possible des loyers de leurs centres commerciaux. »
On apprend par ailleurs dans cet article que « le dimanche, il faudrait que le chiffre d’affaires progresse de 20% à 25% pour que cela vaille le coup. A 10% ou 15%, ce n’est même pas la peine. » À Dijon qu’en est-il ? D’après le rapport 2017 de la Direction Générale des Entreprises (la DGE, qui relève du ministère du travail, de l’emploi, la formation professionnelle et du dialogue social), Dijon est la ville où l’ouverture des commerces le dimanche est la moins profitable aux enseignes. En effet, parmi ceux qui imposent le travail dominical à leur salarié·es, moins d’un commerçant sur 5 réalise 10% ou plus de son chiffre d’affaire hebdomadaire le dimanche.
Compléments d'info à l'article