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[Marseille] La possibilité d’une ville



Entre la colère causée par l’effondrement des immeubles à Noailles, et la rébellion contre les travaux de la Plaine, la mairie de Marseille est assise sur un volcan.

Entre destruction créatrice et ferveur populaire, brève carte postale depuis le cœur de Marseille

Pour ceux et celles qui n’auraient pas encore eu la chance de s’y rendre, les quartiers de la Plaine et de Noailles sont comme deux enclaves populaires dans un centre ville en pleine épuration sociale. Sur la place de la Plaine, on pouvait encore récemment s’approvisionner en diverses marchandises à l’un des plus grands marchés à ciel ouvert de la ville, pour ensuite se laisser glisser jusqu’au cours Julien. Depuis là, surtout en période de carnaval, on dévalait le rue d’Aubagne en s’enfonçant dans Noailles et son brouhaha de petites échoppes avant de s’extirper du labyrinthe pour aboutir sur la Canebière et finir au Vieux port.

On pouvait faire cela avant que les immeubles vétustes du 63 et du 65 de la rue d’Aubagne ne s’effondrent subitement lundi dernier vers 9h du matin, faisant 8 victimes, et avant que ne soient lancés les travaux de destruction de la Plaine, quelques semaines plus tôt.
Deux événements qui résonnent désormais l’un avec l’autre, nourrissant des colères multiples qui menacent fortement de fusionner dans un commun rejet de l’ignominieuse gestion de la ville par des élites manifestement aussi méprisantes que corrompues.

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Marche blanche, samedi 10 novembre

Une atmosphère de grand événement plane sur ces deux quartiers. Sur la Plaine, un immense mur a été dressé par les autorités pour tenter de mettre fin à la bataille que livrait les habitants contre les premiers travaux. La place est devenue un immense enclos de béton sur les parois duquel le moindre centimètre carré est occupé par un graffiti, un slogan ou encore une image gigantesque représentant le premier pan du mur de Berlin en train de tomber en 1989. On voit régulièrement des silhouettes se dresser sur les plots qui consolident le mur de l’extérieur, afin de passer une tête au-dessus de la palissade et constater l’ampleur des dégâts, ou peut-être, à l’occasion, narguer les vigiles qui font les 100 pas en surveillant les machines.
Vendredi 9 novembre, à l’aube, quelques dizaines de membres de l’assemblée de la Plaine se sont retrouvés pour tenter d’empêcher la reprise des travaux. Cédant à un étrange excès de zèle, les premiers ouvriers décidèrent de se frayer eux-mêmes un chemin, n’hésitant pas à porter des coups. Un peu plus tard, une seconde équipe plus pacifique renonça pour sa part à en venir aux mains, tout en ayant la malchance de voir un de ses pneus être crevé. C’est dans une relative confusion que les renforts de police vinrent tardivement dégager l’accès afin que les ouvriers bloqués rentrent, puis ressortent une demi-heure plus tard avec tous les autres. Visiblement ramenés à la raison par la pression des opposants, les travailleurs auraient décidé d’exercer leur droit de retrait, et n’eurent le temps ce matin là que de scier quelques planches aussi vite abandonnées.
A quelques pas de là, au même moment, une énorme machine extrayait toujours des gravats rue d’Aubagne. Des personnes, probablement mortes sous les décombres, étaient encore recherchées.
Situation hallucinante où un projet coûteux de rénovation tente de s’imposer par la brutalité alors qu’on meurt sous des taudis à proximité.

Bien qu’accessible seulement aux équipes de secours et aux policiers, la zone sinistrée de la rue d’Aubagne constitue le centre de gravité du quartier, autant émotionnellement que visuellement. Une inquiétude diffuse s’est emparée des murs alentours. Ici ou là d’autres immeubles ont été évacués par précaution depuis le drame, plots de béton et rubalise en barrent les accès. Il arrive parfois que l’on voit des pompiers venir se livrer à d’étranges vérifications sur des façades particulièrement vétustes et qui présentent des fissures impressionnantes. Depuis la catastrophe de la semaine dernière, on dirait que des fragments de la ville sont prêts de se dissoudre un peu partout, à n’importe quel moment. Samedi 10 novembre, la scène du balcon s’effondrant sous le poids d’une grand-mère et de son petit-fils alors qu’ils regardaient passer la marche blanche en hommage aux victimes de la rue d’Aubagne, n’aura sans doute pas contribuer à dissiper cette atmosphère de fébrilité générale.
Avec ces drames humains, c’est toute l’horreur d’un système d’aménagement urbain corrompu fonctionnant au détriment des plus pauvres qui éclate au grand jour. Non, « ce n’est pas la pluie » qui est en cause, clament les habitants révoltés pour contrecarrer les déclarations honteuses de la municipalité.
Après être passé près de la rue d’Aubagne, la marche blanche du samedi s’est dirigée vers la mairie, sise sur les quais du Vieux port. L’hommage aux victimes s’est alors transformé en cri de colère. Encore pleine de retenue, la foule se contenta d’exiger la « démission » de Gaudin, en même temps qu’elle le rappelait à sa qualité d’ « assassin ». Le collectif des associations de Noailles prononça un discours revendicatif et appela à une manifestation de la colère pour mercredi.

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Vue sur le mur de la honte, la Plaine

Alors que la sidération le dispute à la colère, on se demande pour l’instant ce qui couve dans les rues de la ville. Le deuil cédera-t-il la place à la révolte ?

Ce qu’il y a d’effrayant dans ce moment, c’est que l’on perçoit sans trop d’effort toute l’aubaine que le drame pourrait représenter pour le capitalisme urbain. L’aspect terrible de l’effondrement des immeubles correspond à un des rouages les plus fondamentaux et les plus inquiétants de cette économie, rouage qui a parfois reçu le nom de « destruction créatrice ». Toute destruction devient l’opportunité d’un bond en avant, une occasion de se délester de l’ancien pour faire du neuf. Ici, c’est l’opportunité de ventiler enfin les pauvres loin du centre ville, en commençant par toutes les familles évacuées des bâtiments en péril, et de bâtir des immeubles d’un standing supérieur.

La violence du moment est inouïe. A la plaine, on a privé les gens d’un lieu central dans la sociabilité du quartier, on a fermé le principal marché d’approvisionnement. A Noailles et dans ces entours, depuis les effondrements, ce sont les maisons elles-mêmes qui apparaissent comme une menace. La vie est rendue impossible dans sa matérialité même. La requalification sociale de l’ensemble devient ainsi à portée de pelleteuse.

Les habitants et habitantes auront-ils l’opportunité de dévier le cours des choses ?

À la Plaine, en tout cas, ils sont nombreux et nombreuses à roder autour de la place dont on les a privés, attendant une occasion de faire tomber ce mur qui les sépare à la fois d’un lieu nécessaire à la vie du quartier et plus généralement qui tente de les séparer d’une puissance d’auto-détermination en germe à cet endroit. A propos de Noailles, on se demande si les habitants, familles et associations, auront le désir et la force de se battre pour renverser les évidences et transformer le drame en un élan vers la réappropriation des conditions de vie.

Les prochaines semaines seront déterminantes.

Rendez-vous, mercredi 14 novembre à 18h, rue d’Aubagne pour une manifestation de la colère et le week-end du 24 et 25 novembre pour envahir la Plaine !



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