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Antoine Villedieu, une histoire de l’extrême-droite comtoise


Haute-Saône

Dans le département de la Haute-Saône, les deux circonscriptions législatives viennent de tomber aux mains du « Rassemblement National. » Après plusieurs années de poussée Lepéniste, cette terre de conquête pour l’extrême-droite est désormais représentée par de nouveaux visages.

Comme celui d’Antoine Villedieu, la petite trentaine, flic à Besançon, ayant jadis grenouillé auprès de la droite traditionnelle. Mais derrière la vitrine proprette, subsistent quelques zones d’ombre : adhésion à une organisation au passif terroriste, gestion d’une fédération cultivant des liens avec les ultras., entrevue avec un mouvement ostensiblement xénophobe… alors que la stratégie de dédiabolisation porte ses fruits, le choix de la continuité ou de la rupture ne semble pas si évident.

La FPIP, un sigle sulfureux.

Le 20 juin 2022, le secrétaire général de la « Fédération Professionnelle Indépendante de la Police » se fendait d’une publication sur Facebook. Il y félicitait « Antoine » pour sa « nomination en tant que député », considérant l’arrivée « [d’un] porte-parole de la FPIP dans l’hémicycle de l’Assemblée Nationale. » Antoine c’est pour Antoine Villedieu, élu la veille sous l’étiquette RN. Policier à Besançon, le représentant de la République est un pilier de ce syndicat à la chronologie singulière… scission d’Alliance en 1973 et proche de « l’Œuvre Française » ainsi que du PNFE [1], l’organisation multiplie alors les révocations, interdictions administratives, et démêlés judiciaires, des responsables de l’époque étant même poursuivis pour « association de malfaiteurs » [2].

Plusieurs cadres sont ainsi lourdement mis en cause dans des attaques terroristes survenues courant 1988, en particulier le plastiquage du journal mitterrandien « le Globe » le 31 juillet à Paris, ainsi que des foyers d’immigrés « Sonacotra » à Cannes en mai avec deux blessés, Nice en juin sans dégâts, et surtout Cagnes-sur-Mer le 19 décembre qui fit un mort et douze blessés dont un grave. Entre les bombes, les ratonnades, ou la profanation de cimetières Juifs tel que celui de Carpentras, la FPIP fut la pièce d’un milieu assumant les exactions aussi sanglantes qu’ignominieuses. Opérant toutefois un virage beaucoup plus « classique » à partir des années 1990, la structure se rapproche alors du « Front national » et de son service d’ordre le « Département Protection Sécurité » (DPS).

À voir : Attentat à Cagnes sur Mer, Soir 3, 1988.

Une formation au passif également local.

Dans le paysage comtois, c’est à partir de 2015 qu’une section de la FPIP apparaît à travers le gradé Thierry Silvand. Communiqués, interventions dans les médias, prise de parole lors de la marche-monstre pour Charlie, la formation devient une référence incontournable du commissariat de la Gare-d’Eau… bien aidée par quelques titres de presse [3]. Quant à la logorrhée, elle diffère peu de la maison-mère : récit d’une profession soi-disant stigmatisée, critique des budgets jugés insuffisants, haros sur les quartiers ; dans une même interview, l’intéressé déplorait par exemple le faible nombre d’habilitations pour le pistolet-mitrailleur, le renforcement des procédures et actes administratifs, ou le choix de rénover les cellules de garde-à-vue particulièrement vétustes.

Aux côtés du dirigeant régional se trouvait une poignée d’uniformes, dont certains renouant ostensiblement avec les fantômes du passé. À l’instar d’Émile, alors vu comme bras-droit du chef et numéro deux. Sur les réseaux sociaux, il se vantait d’avoir participé à une réunion avec Alexandre Gabriac, partageait le cliché d’un Coran recouvert de viande porcine, ou s’affichait en contact avec des ultranationalistes soupçonnés d’agressions racistes et politiques [4]. Il a, depuis, raccroché l’uniforme ; quant à Thierry Silvand, il est passé à Alternative Police – CFDT et a été décoré pour son concours à la répression des gilets jaunes, notamment remarqué pour des allégations de violences et la défense d’un collègue lors de « l’affaire Matthias » qui a été condamné depuis.

Entre Sarkozy et le Pen.

Arrivé dans la capitale comtoise après ce tumulte, Antoine Villedieu est propulsé porte-parole de la « Fédération Professionnelle Indépendante de la Police » en 2021. S’il n’était même pas né pendant les attentats des années 1980, la filiation à une telle organisation pose tout de même question… entre-temps celle-ci a bien cessé de tremper dans l’horreur, mais se spécialise toujours par ses diatribes contre l’immigration, l’islam et la gauche. Une idéologie syndicale, qui va vite se marier avec le politique. L’ancien boxeur se présente sur la liste « Agir » d’Alain Chrétien, élue au premier tour lors des municipales de Vesoul le 15 mars 2020. Mais une parenthèse éclair, puisque six jours après la fin du scrutin le néophyte est répudié pour sa proximité avec le « Rassemblement National. »

Il démissionne de son poste, ralliant le RN peu après une rencontre avec la tête de gondole Julien Odoul. Un mentor décisif, bien qu’alors déjà mis en examen pour détournement de fonds publics et critiqué suite à l’agression verbale d’une accompagnatrice scolaire coiffée d’un voile. Toujours est-il qu’Antoine Villedieu devient secrétaire départemental de Haute-Saône dès mai 2020, malgré les remous internes provoqués par cette désignation. Mais il s’installe durablement et se révèle à la hauteur des attentes suscitées, les scores élevés aux cantonales de juin 2021 et l’effervescence de la visite de Marine le Pen à Vesoul le 25 novembre suivant marquant des temps forts. Pour l’ancien sarkozyste déçu par Fillon, le passage du conservatisme à l’extrême-droite aura donc été payant.

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Logo du « Rassemblement National » de Haute-Saône

Au RN de Haute-Saône, d’autres passerelles…

Sous l’égide du nouveau baron local, la fédération va donc se redynamiser ; mais pour le fond de commerce, rien de neuf : insécurité croissante, frontières en péril, islamisation galopante… entre les comptes-rendus de boîtages et la photographie d’une pâtisserie en forme de cochon marquée du « RN 70 » [16], on retrouve même des fakes news nationalistes comme le 24 août 2020 avec « l’affaire Augustin ». Mais aussi les mentions « j’aime » de Paul-Arnaut Croissant, fondateur historique du « Front Comtois » ; ou de Pierre Pheulpin, membre du « Parti de la France » (PDF). Initiatives personnelles sans lendemain, ou manifestations d’une convergence plus profonde ? En matière d’ouverture, l’œcuménisme patriote confine parfois à l’auberge espagnole.

C’est du moins la réflexion que peut inspirer le parcours de Brice Malagoli, recrue omniprésente durant les années 2020-2021. À l’été 2020 celui-ci à multiplié les allers-retours à feu « Génération identitaire », groupuscule depuis dissout par voie ministérielle. Sessions collages et tractages, action contre le « racisme antiblanc » le 13 juin à Paris, camp d’été les 13 et 14 août… le tout a été mis sur la place publique avec les révélations de la « Presse de Vesoul », du « Collectif Antifasciste de Besançon », ou encore de « Fafwatch » [5]. Une double casquette en principe interdite par les statuts du « Rassemblement National », mais qui n’empêchera pas l’investiture du jeune homme lors des départementales de 2021. Avant un faux bond définitif début 2022, au profit d’Éric Zemmour.

Un ancrage à l’extrême-droite.

Le président a-t-il fait preuve d’une quelconque complaisance ou porosité avec des franges plus radicales ? Malgré nos sollicitations, ni le « Rassemblement National » de Haute-Saône ni son responsable n’ont daigné répondre à nos multiples questions. Mais comme une énième confirmation généalogique, Antoine Villedieu admet parfaitement s’être entretenu courant 2022 avec des ténors de la « Ligue du Nord » lors d’un voyage en Italie. Régulièrement présenté en modèle et partenaire par le parti Lepéniste, ce mouvement « frère » est surtout caractérisé par un euroscepticisme et une xénophobie affirmés. Tout en rejetant plus que jamais l’étiquette « d’extrême-droite », les instances et parlementaires RN ne manquent décidément jamais une occasion de confirmer ce positionnement.

En Franche-Comté, l’ex « Front National » a également laissé des traces dans les mémoires : commission d’un attentat le 3 octobre 1988 à Besançon, intendance du collaborateur vichyste Roland Gaucher jusqu’en 1993, propos de Sophie Montel sur « l’inégalité des races » en 1996, mais aussi des affaires récentes autour de Jonathan Coursault, Florent Pierrick-Baumer, Jacques Riciardetti, Théo Giacone, Jean-Baptiste Batifoulier, Quentin le Derout, ou encore Raphaël Goiset. Entre un discours de perchoir louant l’Algérie Française et la gêne provoquée par le débat sur l’IVG, les premiers jours des 89 parlementaires RN sont déjà frappés par la controverse… dans cette effervescence, nul ne sait encore si Antoine Villedieu sera dans la continuité ou la rupture.



Notes

[1Jacques Leclercq, Dictionnaire de la mouvance droitiste et nationale de 1945 à nos jours, Éditions l’Harmattan,‎ 2008

[2Xavier Crettiez et Isabelle Sommier, La France rebelle, Éditions Michalon, 2022

[3Les médias « l’Est républicain », « France 3 », « Plein Air », « MaCommune.info », « France Bleu », ont ainsi consacrés des articles et interviews, surtout en 2015, à Thierry Silvand, sans jamais s’être interrogés sur son passif.

[4Toufik-de-Planoise, édition du 25 mai 2013 : « Besançon, un flic chez les fachos ».

[5Philippe Combrousse pour La Presse de Vesoul, édition du 18 juin 2020 : « Banderole controversée : un militant de Génération Identitaire menacé de mort » ; Collectif Antifasciste de Besançon, édition du 20 juin 2020 : « Génération Identitaire : un comtois à Paris » ; Fafwatch, édition du 9 mars 2021 : « Vesoul : Génération Identitaire déjà soluble dans le RN »

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