[Besançon] Un cortège néonazi sème la consternation en ville


Doubs

Chants militaires allemands, saluts hitlériens, stickers SS… en plein centre-ville, un cortège néonazi sème la consternation à Besançon.

Dans la nuit du samedi 27 au dimanche 28 août, une vingtaine de militants d’extrême-droite a déambulé dans les rues du centre-ville de Besançon. À peine sorti du bar « le Shake Pint » vers 02h15 où il arrosait un anniversaire, le groupe a troqué le festif contre le politique. Avec, au menu de ce cortège sauvage, musiques militaires allemandes, slogans nationaux-socialistes, saluts hitlériens, entre autres banderoles, fumigènes et autocollants. Le tout sans jamais susciter la moindre réaction des pouvoirs publics, à qui nous avons visiblement appris l’existence de cet événement.

« Une véritable traversée brune. »

Mylène (nom d’emprunt) a été réveillée à son domicile de la rue des Granges, autour de 02h15. « Je dormais tranquillement avec mon compagnon, quand j’ai entendu une musique forte venant de la rue. Je me suis levée, assistant sidérée à une véritable traversée brune. Un groupe diffusait des chants militaires allemands et hooligans, ça braillait des slogans genre “Besançon est nationale-socialiste.” Certains ont apposé des autocollants sur leur chemin, je suis allé les arracher au matin… il s’agissait de visuels “VDL BSK” (pour “Vandal Besak”), “Action Française“, ou de productions incluant le symbole “SS. »

Alors qu’il fumait une cigarette à la fenêtre de son appartement de la rue d’Alsace, Simon (nom d’emprunt) voit lui aussi débouler le groupe dans la foisonnante rue Bersot. « Ils étaient une petite vingtaine bien alcoolisés, certains tendaient le bras en criant “Sieg Heil“. Il y’avait encore du personnel présent à cette heure là, les brasseries finalisant leur fermeture… des insultes et menaces ont fusé, ils étaient prêts à en découdre avec n’importe qui. » Une version confirmée par deux salariés, visiblement encore émus de cette rencontre. Le retraité a en partie filmé la scène, que nous avons pu authentifier.

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Exemple d’un autocollant retrouvé le lendemain matin des faits, ici Grande-Rue sur une affichette « chat perdu »

À la sortie du « Shake Pint », la fiesta dégénère.

Afin d’immortaliser ce moment et tenter de lui donner un retentissement, les protagonistes vont se livrer à une séance photo. sur la fontaine de l’État-Major… place Jean-Cornet, du nom de ce résistant FFI mort pour la France à la Libération. Une mise en scène minutieusement orchestrée, puis publiquement diffusée sur une page « Telegram » partisane. En n’oubliant pas de revendiquer leur blase, ainsi qu’une volonté pugnace de se confronter aux « antifas. » Entre les effets pyrotechniques et une bannière aux couleurs des « VDL BSK », on compte au total quelques dix-huit figurants dont certains cagoulés.

À la base de cet événement, un anniversaire au bar « le Shake Pint. » Alors que nos questions sont restées lettres mortes, seule une serveuse finira par confirmer la réalité de cette soirée. Réputé pour accueillir tout ce que compte la région de fachos, l’établissement avait été réservé pour l’occasion. Théo Giacone en avait d’ailleurs fait la publicité pour célébrer ses vingt-deux ans, promettant qu’ils allaient « terroriser Besançon ». Ancien cadre du Rassemblement National poussé à la porte, passé chez Génération Zemmour, le jeune homme dirige une section de la « Cocarde étudiante ».

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Le Shake Pint, place Jean Gigoux (août 2019) – capture d’écran Google Street View

Des Autorités jugées très passives…

Selon nos informations, que ce soit sur le terrain, au centre de supervision urbain, ou au sein du renseignement, pas un agent n’a ne serait-ce que relevé la formation du cortège et l’agitation qui en a découlé. L’ensemble des services de police serait donc totalement passé à côté d’une telle démonstration en plein cœur historique, tout simplement. Un manque d’efficience et de réactivité assez surprenant, quand le moindre petit mouvement social informel est quant à lui savamment répertorié, suivi et encadré, comme les rassemblements du samedi midi au rond-point de Chalezeule par exemple.

Chez les flics interrogés hier dimanche, le manque d’information et la gêne sont palpables : « non, nous n’étions pas au courant » lâchent la plupart. Quant au DDSP, Yves Cellier, au Préfet, Jean-François Colombet, à la Maire, Anne Vignot, ils et elle n’ont, pour l’instant, pas donné suite à nos interrogations. « La sauterie de samedi soir, c’était un secret de polichinelle. À Besançon, tout le monde savait ce qui allait se passer… pourvu qu’on s’y soit intéressé. Si les uniformes ne sont pas intervenu, à mon sens c’est aussi par je-m’en-foutisme et minimisation du phénomène » assène un familier de ce genre de dossiers.

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Photographie des « Vandal Besak », dans la fontaine de l’État-Major – capture d’écran « Telegram »

« Les exactions se suivent et se ressemblent. »

Plus inquiète, une partie de la population déplore la situation. « Que se serait-il passé si une opposition s’était exprimée, qu’un militant syndical était là, qu’un arabe passait dans le coin ? Ça fait un moment que ces nazillons pourrissent notre cité, ils sont identifiés mais personne ne fait rien. Les exactions se suivent et se ressemblent, dans une impunité inouïe. C’est sympa. de faire du chiffre avec les rodéos et le stup’, mais nous aussi on a le droit de vivre sans être emmerdés, menacés ou tabassés. Comme toujours, il va falloir attendre une catastrophe pour que ça bouge » s’emporte une habitante de Rivotte.

Ces derniers mois, force est de constater que les violences politiques ont explosé. L’attaque d’un meeting du NPA le 9 mars, l’infiltration du cortège intersyndical le 1er mai, l’agression d’un journaliste le 22 août, ne sont que les illustrations emblématiques d’une longue liste. Le tout ne soulevant, presque systématiquement, qu’un désintérêt profond des services de police et de justice. Un seul cas a jusqu’ici été traité : celui d’Alexandre Meuret, néonazi notoire, mis en cause pour violences aggravées ; lequel, en récidive légale, a écopé de huit mois de sursis avec période probatoire de deux ans.

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Le 14 mai dernier, les « Vandal Besak » avaient commémoré les « martyrs » du IIIe Reich – capture d’écran « Telegram »

Les poursuites pénales toujours possibles.

Loquaces sur « Instagram », il n’est pas difficile de récupérer les différentes photographies prises ce soir là au « Shake Pint. » Ni de les comparer au document paru peu après sur « Telegram », silhouettes et vêtements achevant de trahir ce que le floutage a tenté de dissimuler. Sans surprise, plusieurs habitués du microcosme nationaliste s’esquissent. « Ce sont essentiellement des jeunes universitaires urbains, venant tant du nord Franche-Comté, de la périphérie, que de l’hypercentre. Si leurs noms sont avérés, beaucoup sont bel et bien connus » s’exaspère une source, spécialiste de cette « faune. »

Sur le plan pénal, des dispositions caractérisent et sanctionnent les potentielles infractions développées. À l’instar de l’article 431-9 du code pénal qui réprime toute manifestation publique n’ayant pas été préalablement déclarée ; de l’article 222-14-2 du code pénal visant la participation à un groupement, en vue de préparer des violences ou des dégradations de biens ; ou encore de l’article 24 de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 relatif à l’apologie des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, et/ou des crimes et délits de collaboration avec l’ennemi. Mais comme nous l’évoquions dans un article du 19 mai dernier, ces violations sont rarement instruites.



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