« Devons-nous envisager de créer des Zones À Défendre dans nos juridictions ? »



Lettre ouverte de Dominique Clemang, bâtonnière de l’Ordre des avocats de Dijon, à Nicole Belloubet, ministre de la Justice.

"Madame la Garde des Sceaux,

Je me permets de prendre votre attache afin de vous exposer la situation délicate, dans laquelle se trouve à l’heure actuelle le Tribunal de grande instance de Dijon et, plus particulièrement, sa deuxième chambre, chargée des affaires de construction et de réparation du préjudice corporel

En effet, à la rentrée des vacances de février dernier, nous avons appris que la 2e chambre du TGI serait purement et simplement fermée, jusqu’au mois de septembre 2018.

Cette fermeture a entraîné la défixation de toutes les affaires qui devaient être audiencées en février et mars.

Cette fermeture a également entraîné l’absence de fixation de tous les dossiers pourtant en état d’être fixés en mars, avril, mai, juin et jusqu’au 10 juillet 2018 environ, début des vacances judiciaires.

C’est en conséquence plus d’une centaine de dossiers qui sont impactés.

La décision de fermeture de la 2e chambre du TGI a été prise par l’Assemblée Générale des magistrats lorsqu’elle s’est trouvée confrontée à l’absence simultanée de deux magistrats -sur trois-, en charge de l’instruction, en raison de congés maladie.

Ces deux magistrats instructeurs, en raison au surplus de l’insuffisance d’effectifs de magistrats permettant de pallier l’absence temporaire de collègues dans de telles situations, précisément n’ont pu être remplacés par des juges placés, ce qui a entraîné un bouleversement complet du tribunal.

La décision de l’Assemblée Générale des magistrats peut évidemment se comprendre mais du point de vue des justiciables et des avocats, la situation est tout à fait différente.

Vous admettrez aisément qu’il est difficile d’expliquer à nos clients que des dossiers, qui patientent depuis plusieurs années avant d’être fixés, en raison de la durée habituelle de la procédure devant la 2e chambre, en lien avec la lourdeur des opérations d’expertises, ne soient finalement pas plaidés alors même que l’information leur aura été donnée qu’ils le seraient en février ou mars…

J’attire une nouvelle fois votre attention sur le type de contentieux traités spécifiquement par cette chambre, à savoir les litiges relatifs à la construction et à la réparation du préjudice corporel.

A l’heure où notre profession manifeste légitimement le rejet de votre Projet de Loi de Programmation pour la Justice, il apparait que la situation du TGI de Dijon, qui n’a malheureusement rien d’exceptionnel, révèle tout simplement la carence de l’Etat à assumer une de ses missions de service public, pourtant essentielle, celle de rendre la Justice.

Le manque criant de moyens matériels et humains, auxquels, les avocats, les justiciables mais également les magistrats et les greffiers sont confrontés tous les jours, trouve ici sa parfaite et regrettable illustration.

Que devons-nous mettre en place aujourd’hui pour obtenir le rétablissement d’un fonctionnement minimal de notre juridiction ?

Devons-nous rester immobiles face à l’asphyxie progressive de notre juridiction ou devons-nous envisager des mesures plus radicales, comme celle, pourquoi pas, de créer de nouvelles Zones A Défendre dans nos juridictions ?

Compte tenu des termes de ce courrier, et de la dénonciation faite d’une situation totalement inacceptable, vous comprendrez que je rende public ce courrier et que je le porte à la connaissance de Madame la Présidente du Conseil National des Barreaux, Monsieur le Président de la Conférence des Bâtonniers ainsi qu’à l’ensemble des Bâtonniers de France.

Je reste dans l’attente de vous lire et des solutions que vous pourrez proposer pour notre juridiction.

Je vous prie de croire, Madame la Garde des Sceaux, en l’assurance de mes salutations respectueuses et républicaines

Dominique CLÉMANG
Bâtonnier de l’Ordre"


P.-S.

Il y a quelques semaines, Maître Garon, avocate au barreau de Dijon, nous expliquait le contenu de la réforme de la justice contre laquelle l’ordre des avocat·es se mobilise :


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