On espère qu’après l’avoir dit, cela va mieux. Libérer sa parole, se lâcher, dire enfin ce que l’on a sur le cœur. Luc Ferry a franchi le pas. Lui le philosophe (si, si), lui l’ancien ministre de l’éducation nationale du gouvernement Raffarin, vient en aide à la police nationale martyrisée. Il clame, s’écrie, s’égosille sur Radio Classique, comme un poulet sans tête « Franchement, quand on voit des types qui tabassent à coup de pieds un malheureux policier qui est à terre, mais enfin...Qu’ils se servent de leurs armes une bonne fois ». Dans la surenchère sécuritaire actuelle, Ferry décroche incontestablement le grand prix. Sa prise de parole use d’une sorte de fausse connivence, un « franchement » à la bonne franquette, suivi d’un « Une bonne fois » auquel on a envie d’ajouter « pour toutes ». Ben voyons Luc, on aurait tort de se gêner : dégommons toutes ces canailles qui souillent la république. Pas de quartiers pour les quartiers et « ces espèces de nervis, ces espèces de salopards d’extrême droite ou d’extrême gauche etc. » Évidemment, et c’est peut-être là le pire, le principal intéressé, suite à la polémique déclenchée par ses propos, se rétracte sur le mode « Vous ne m’avez pas compris ». Il parlait évidemment d’armes « non létales » et rappelle qu’il soutient « depuis le début » le mouvement des gilets jaunes. Il clôt même sa justification sur son compte Twitter par un « Clair ? » un brin mauvais garçon.
Ainsi nous vivons un temps où un ancien ministre peut tout à son aise tenir des propos d’appel au meurtre (je fais partie de ceux qui « ont mal compris »), en appelle à la quatrième armée du monde pour rétablir l’ordre et chasser le manant des centre-villes historiques. Un temps où personne ne s’étonne d’entendre l’actuel ministre de l’éducation nationale penser tout haut à la suspension des allocations familiales pour les familles d’enfants « au comportement violent » (on fait quoi pour les enfants de familles riches qui touchent peu d’allocations familiales ? On leur demande de faire des dons ?) un temps vraiment déraisonnable, un temps où l’on réinvente le 19e siècle , celui des « classes laborieuses, classes dangereuses », celui où la garde républicaine tuait les manifestants qui montaient des barricades. Je suis tombé par terre c’est la faute à Voltaire, le nez dans le ruisseau, c’est la faute à Rousseau.
A l’heure où la fonction publique se gargarise jusqu’à étouffement des fonctionnaires du « devoir de réserve », on s’interroge. Qui ordonnera à un retraité atrabilaire de l’éducation nationale et à son successeur en poste, de se taire ? Qui leur expliquera que l’obscénité de leurs propos mène droit à ce qu’ils redoutent le plus, la révolte et l’insurrection ? La faute à Voltaire, la faute à Rousseau...
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