D’abord un aveu. Mon image du professeur de philo, maître de sa pensée et de son savoir, a subi un sérieux revers ce matin. Entre celui qui cite Bernanos et conclut sa tirade d’un "C’est dérisoire" (il parlait du mouvement de lutte dans l’éducation nationale) du plus bel effet, celle qui, en roue libre, glapit qu’elle ne veut prendre personne en otage, même pas elle (là on la comprend !) et se réjouit de la réforme (enfin de la philosophie en première !) et le dernier, en chemise à carreaux, qui vire au cramoisi rien qu’à la pensée qu’un des collègues frondeurs à la tribune pourrait être un gilet jaune, le spectacle valait le détour.
Bon l’essentiel n’est pas là. L’essentiel est que l’assemblée des présents a voté à 45 sur 79 la rétention des notes. Moi, dans mon coin, je râle. Pourquoi prendre les copies, pourquoi ne pas les laisser à la petite dame chafouine qui fait office d’inspectrice ? Quelques participants ont fait part de leur tourment intérieur. Nous avons préparé les élèves pendant un an. Quelques larmes furtives, quelques mains crispées. Aucun pour dire « C’est formidable et joyeux ! On fout le bordel dans le plan de com de Blanquer, lui qui hier n’a pas hésité à déclarer que la grève du 17 juin n’est pas "très acceptable" et qu’heureusement les non grévistes majoritaires ont une "conscience professionnelle" ! »
Calme-toi il ne s’agit pas de toi mais d’eux les professeurs de philosophie qui ouvrent le bal du bac 2019. À Versailles, les mêmes professeurs de philosophie - enfin, pas tout à fait les mêmes - ont choisi de ne pas repartir avec leurs copies sous le bras. À Toulouse, ils ont un moment envisagé de bloquer les salles de commissions. Bref, contrairement aux allégations du ministère, de la presse écrite et audiovisuelle, la mythique grève du bac, l’équivalent de la chasse au Dahu pour les enfants, est peut-être en train de prendre. À voir avec quelle fébrilité l’inspectrice qui, après avoir vainement tenté de mettre un terme à l’AG, tapotait sur son clavier de smartphone pour prévenir sa hiérarchie de cette révolution copernicienne, on peut imaginer que Blanquer aura bientôt les oreilles qui chauffent.
Et après ?
La session du bac 2019 sera chahutée (tant mieux !) mais pas annulée. Le ministère a trouvé l’arme de destruction massive, l’exemplarité. Quand un ministre déclare que la grève le premier jour du bac "n’est pas acceptable" et que seuls les non-grévistes ont une conscience professionnelle, on connaît déjà le dénouement de la saison 1. Bientôt, le droit de grève du professeur sera rogné car être gréviste un jour d’examen n’est pas exemplaire. Bientôt, dans le second degré, à l’instar de nos camarades du 1er degré, nous devrons nous déclarer grévistes trois jours avant et si nous envisageons d’aller dans la rue cela sera pour dire notre amour du ministre en place. Je caricature. À peine hélas. Il suffit d’écouter les interventions de Blanquer à la radio (palme d’or du cirage de pompes donnée sans hésiter à France Inter), de le voir sur les plateaux de télévision pour comprendre que ce monsieur se prend pour le conducator de l’éducation nationale et qu’à ce titre, il s’arroge le droit d’arroser de round-up tous ses contradicteurs potentiels.
La fonction publique est attaquée de toutes parts et elle sera bientôt (si cela n’est pas déjà le cas) moribonde. Emmanuel Macron se méfie des fonctionnaires (en ce moment, il épure la haute fonction publique en toute impunité) qu’il aimerait finalement convertir en militants de la république en marche, en membres de son parti unique. Nous vivons dans l’état LREM, nous respirons LREM (glyphosate dans le pif), nous bouffons de la république en marche du matin jusqu’au soir et nous aurons tous des ulcères à l’estomac avant 2022 tant les discours officiels donnent la nausée. Et on n’a pas encore entamé la discussion sur le service national universel, cerise sur le gâteau LREM promise et obligatoire en 2021.
Alors toi monsieur le professeur de philo cesse de citer Bernanos sauf pour dire que, ça y est, on est sous le soleil de Satan, toi la dame qui confond la rétention de copies avec une prise d’otages et toi qui hait le jaune, enfin vous tous les enseignants qui attendez d’être "majoritaires" pour agir, dites-vous que si vous ne le faites pas, si vous persistez à penser que ne pas corriger des copies est un acte criminel (cf les otages !), vous aurez du mal à répondre à vos enfants ou petits-enfants quand ils vous poseront la question "Mais tu faisais quoi en juin 2019 ?".
Je regardais le football à la télévision. Elles ont de bien belles gambettes, toutes ces galopines !
Préavis de grève au lycée le Castel
Vie scolaire perturbée, AESH mal payé·es, suppression de postes... Mardi 17 septembre, les sections syndicales FO, FSU et CGT Educ’action du lycée le Castel appelle à une journée de grève pour protester contre une série de dysfonctionnements.
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