Bac 2019 : fous-le à la poubelle !



Au feu et Blanquer au milieu avec la maîtresse !

Aujourd’hui [1] commencent les oraux de rattrapage du baccalauréat session 2019.
Les professeurs grévistes qui ont retenu leurs notes les ont rendues vendredi au rectorat de Dijon. Plus de deux cents personnes les accompagnaient. Le moment était solennel, un peu étrange.
Pendant ce temps, la communication gouvernementale bat son plein. Une large partie de la presse, écrite et audiovisuelle, s’emballe et pour la première fois depuis des mois s’intéresse au conflit qui oppose les enseignants au ministère de l’éducation nationale. De beaux sujets en perspective, coco. D’un côté des enseignants défoncés par des mois de lutte et de l’autre un ministre en costume, raide comme un piquet de bouchot. Blanquer n’hésite pas à évoquer une « prise d’otages », expression qui sera reprise ad nauseam par des éditorialistes qui, le cul sur leur chaise, devant leur clavier décident des lettres qui stigmatiseront « la poignée d’irréductibles » (sic), sans « conscience professionnelle » (sic bis) et complètement « irresponsables » (sic ter). Pas seulement le « JDD » dont on n’attend strictement rien mais aussi « Le Monde », les chaînes d’information en continu, la presse régionale. Des articles comme autant de crises d’urticaire, des boutons purulents en guise d’analyses et une complaisance inouïe à l’égard du pouvoir en place.
Une première dans les annales de l’éducation. Un ministre prend la responsabilité d’un baccalauréat falsifié, fabriqué à partir des notes de contrôle continu. En un coup de vent, on invente des formules à destination des élèves et de leurs parents, on rassure, on désigne des coupables qui seront « sanctionnés ». Dès le 5 au soir, J.M Blanquer invité au 20 heures de TF1 n’hésite pas à évoquer un « sacrilège » (« Le baccalauréat est un des plus beaux rendez-vous républicains. C’est un sacrilège de l’abîmer » JT 5/07 20h). Nous voilà plongés dans un mélodrame religieux et les professeurs sont des profanateurs mais la réforme « magnifique » (« C’est une magnifique réforme même si on peut ne pas l’aimer ») s’en relèvera comme Jésus en son temps qui après bien des épreuves douloureuses a fini par triompher. La session du bac 2019 ressemble à un mauvais péplum sauf que Blanquer est moins joli garçon que Victor Mature !

Suivi de la mobilisation contre la réforme Blanquer

La lutte contre la loi Blanquer a pris une nouvelle ampleur avec le mouvement de rétention des notes du bac 2019. Suivi de la mobilisation à Dijon et dans ses alentours. Dernière mise à jour le 13 juillet : une caisse de soutien pour les grévistes.

13 juillet 2019

Avons-nous déjà entendu un ministre de l’éducation, même le plus imbécile d’entre eux, Claude Allègre, qualifier sa réforme de « magnifique » ? Depuis quand le corps enseignant est-il sommé d’aimer ladite réforme même si son auteur concède que l’on peut « ne pas l’aimer » ? Pourquoi utiliser le mot « sacrilège » pour qualifier l’action des enseignants grévistes ? On ne parle même pas de la « prise d’otages », expression le plus souvent utilisée dans le passé pour désigner les cheminots grévistes, recyclée désormais pour désigner toute personne qui s’oppose à la politique menée par le gouvernement. Le langage est miné de l’intérieur, déformé, tordu et on se souvient avoir lu avec un intérêt mêlé d’effroi l’essai de Victor Klemperer sur la langue du 3e Reich. Certes, et combien de journalistes le rappellent à longueur d’éditoriaux, il ne faut pas confondre les époques. Rien n’interdit toutefois d’utiliser certains outils d’analyse, comme ceux proposés par Klemperer en 1947 dans « LTI, la langue du 3e Reich » qui n’ont rien perdu de leur efficience. La « langue nazie » invente quelques néologismes, recompose des locutions, transforme le mot « volk » en préfixe qui, agrégé à d’autres mots laissent croire que le parti nazi accorde une importance particulière au peuple.
Aujourd’hui la « gouvernance » fait rage, le « peuple » est une entité qu’il faut « protéger » (y compris de lui-même à coup de gaz lacrymogènes et de LBD). Lors de la récente canicule, chaque français devait avoir intimement l’impression que c’était le président lui-même qui tendait le verre d’eau au vieillard assoiffé car le président prend soin de chaque français. Comme un père, secondé par des ministres réifiés, il peut punir à l’occasion et rappeler, entre autres, les « serviteurs » de l’état à leurs « missions ». Plus l’état se dit laïc et et plus il use d’un lexique religieux. Pratique quand on s’apprête à sanctionner l’enseignant qui a retenu ses notes. Pas de pluies diluviennes pendant 40 jours mais des retenues sur salaire, des blâmes, des avertissements et des mutations disciplinaires.
Ainsi, l’épisode ahurissant du 4 juillet dans l’éducation nationale (des jurys de délibération truqués, des notes inventées, des menaces des rectorats à l’encontre des grévistes, des résultats « provisoires », des proviseurs sommés d’obéir) constitue une pièce supplémentaire au grand puzzle de l’ère Macron, déjà largement entamé lors des deux quinquennats précédents. Seuls les noms changent (merci à François Hollande d’avoir lancé Emmanuel Macron, d’avoir initié la loi travail et d’avoir répété qu’il faut réformer-l’éducation-nationale sans être allé jusqu’au bout) Le paysage se précise. Les nuages noirs sont presque tous complétés et forment un ciel uniforme (encore quelques lacunes qui seront bientôt comblées par la réforme de la fonction publique, puis des retraites, puis etc.) et le lexique aux ordres et en marche peut faire avaler des couleuvres de plus en plus grosses.

Remise des copies du bac : Haie d’honneur pour les grévistes

Les professeur·es dijonnais·es qui retenaient les notes du bac ont rendu leur copie au Rectorat, avec beaucoup d’émotion, et sous les acclamations de la foule.

9 juillet 2019

Nous sommes bel et bien dans une société qui, sous nos yeux, se durcit et invente les outils théoriques nécessaires pour justifier sa dérive autoritaire (il est intéressant de noter à ce propos que Blanquer qualifie les professeurs qui ont usé de leur droit de grève de « radicalisés »). Nous pouvons nous autoriser certains termes, résistance en fait partie. Résistance non pas dans un maquis mais dans un open space. Open space pour désigner la société française dans son ensemble qui chaque jour davantage se ferme, abêtit et avilit le citoyen.

Nous avons certes le devoir de remercier les professeurs grévistes à Dijon et ailleurs pour leur clairvoyance, leur détermination mais surtout d’organiser la riposte. Vendredi 5 juillet, sur le parvis du rectorat, n’était pas un jour de fête mais une étape importante dans la lutte. Blanquer met déjà en place l’épisode suivant, le « châtiment » pour réparer le « sacrilège ». Comment inverser le rapport de force et faire en sorte que nos collègues, amiEs, camarades ne fassent pas les frais d’une machine infernale lancée à toute vapeur dans les plaines du far-west néo-libéral ?

L’été 2019 ne sera pas celui de l’oubli salvateur. Les eaux de la Méditerranée ne sont pas celles du Léthé car nos copines/copains grévistes en juin ont besoin de nous en juillet, août, septembre et...!! Soyons prêts et nombreux. Cellule de veille.



Notes

[1lundi 8 juillet 2019 NdlR

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