Violences policières : soirée débat autour du film l’Époque



L’union départementale Solidaires organise une projection de L’époque, de Matthieu Bareyre, au Cinéma Eldorado. La projection sera suivie d’une disussion sur les violences policières avec Camille Polloni, journaliste spécialiste des sujets police/justice 
et Aurélien Boudon syndicaliste à SUD Éducation et membre de la coordination Ile de France du service d’ordre de Solidaires.

Lundi 20 mai, le syndicat Solidaires organise une projection de L’époque, de Matthieu Bareyre, au Cinéma Eldorado. La projection sera suivie d’une disussion avec Camille Polloni, journaliste spécialiste des sujets police/justice 
et Aurélien Boudon syndicaliste Solidaires (SUD Education), membre de la coordination Ile de France du service d’ordre de Solidaires.

Lundi 20 mai, 20h15
21 rue Alfred de Musset, Dijon
Tarifs habituels. Préventes à l’accueil du cinéma


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De Matthieu Bareyre. France. 2019. 1h34.

Synopsis

Du Paris de l’après-Charlie aux élections présidentielles ; une traversée nocturne aux côtés de jeunes qui ne dorment pas : leurs rêves, leurs cauchemars, l’ivresse, la douceur, l’ennui, les larmes, la teuf, le taf, les terrasses, les vitrines, les pavés, les parents, le désir, l’avenir, l’amnésie, 2015, 2016, 2017 : l’époque. Matthieu Bareyre a tourné pendant deux ans, régulièrement la nuit, en compagnie de son preneur de son, Thibaut Dufait, entre janvier 2015, au lendemain des attentats de Charlie Hebdo, jusqu’à l’élection présidentielle de 2017. Il n’est sorti que de nuit pour essayer d’attraper des interlocuteurs dans un état de disponibilité autre que dans la vigilance et le discours diurne. Il s’est retrouvé avec deux cent cinquante heures de rushs et est entré, semble-t-il, dans une douloureuse période de montage impossible d’un projet qu’il a imaginé en découvrant le Joli Mai de Chris Marker et Pierre Lhomme, tourné en 1962, c’est-à-dire une manière d’attraper le zeitgeist, l’air du temps, par la somme des rencontres et discussions libres cueillies au gré de déambulations instructives.


Images en lutte, lutte des images

Quelques réflexions sur le film L’époque de Matthieu Bareyre, via lundi.am

Le premier choix gagnant de Matthieu Bareye est le dispositif adopté lors du tournage : on ne filme que la nuit, on ne filme qu’en équipe très réduite (le duo indéfectible Matthieu–Thibaud, cameramen-ingénieur son), on n’arpente que les rues de Paris centre et banlieue. A partir de ces présupposés résultent plusieurs conséquences esthétiques : le rapport entre filmeurs et sujets filmés – chose rare pour le cinéma français contemporain - est posé d’emblée comme une relation paritaire, dépouillée de tout rapport de domination, la parole nocturne se trouvant ainsi libérée de toute forme d’ (auto)censure diurne.

Pour prendre mesure de ce qu’implique cette prémisse d’égalité, il suffit de comparer L’époque à cet autre documentaire sorti cette semaine en salle : le méprisable J’veux du soleil du député François Ruffin. Là où la caméra Black magique portative de Bareyre se place en complice ou en ami des personnes interviewées, restant respectueuse et en retrait, la caméra de Ruffin laisse une place franchement gênante à l’égo du réalisateur, qui encadre et orchestre la mise en scène des personnes -ou plutôt personnages filmés. Dans ces résolutions esthétiques se joue toute la différence entre faire politiquement de films et faire des films politiques, pour le dire avec Godard. Si Bareyre met en pratique une façon politique de faire un film, est parce qu’il choisit sa forme à partir d’un positionnement éthique, alors que Ruffin se limite au mieux à singer le format du documentaire télévisuel, au pire à réaliser un film de journaliste, voire de propagande en cette saison pré-électoral. Les gilets jaunes de J’veux du soleil, sont, en effet, bien apprivoisés afin que la seule image d’actualité censée percer le grand écran soit l’image du manifestant« sage », se tenant bien à sa place entre revendications pacifistes et lamentations indignées. Les personnes qui peuplent L’époque, en revanche, nous transmettent vraiment le Zeitgeist du temps présent car le réalisateur a su recueillir leur parole à des moments où ils sont sans masque, ou, justement, lorsque ce dernier tombe. Comme pour Chris Marker en 1962 dans Joli Mai ou pour Jean Rouch dans Chronique d’une été (1961), la question « C’est quoi l’époque ? » semble bien être le fil conducteur du film. « C’est le bruit que font les matraques sur nos têtes ou le bruit du choc des crânes de Valls et Macron bientôt » déclare une femme, le regard caméra, d’entrée de jeu dans le plan d’ouverture du film. Rose sort avec humour de tout stéréotype sociale que la langue normée voudrait lui attribuer, et, en bonne lectrice de Spinoza, épate le spectateur de par sa capacité à rire de la douleur, à transformer la haine en rage, à transmuter la peur en joie de vivre. Un peu plus tard Dj Soall, débordante de tendresse et de sincérité, nous laisse entrer dans son quotidien fait de musique, pour nous donner sans doute l’intuition de ce que pourrait être un jour une vie libérée de l’injonction du travail et mise au service des passions joyeuses. Notion qui ne pourrait pas être plus limpide pour cette jeunesse des nuits parisiennes, comme le dit sur le ton le plus banal un groupe de jeunes femmes interviewées à la table d’un bar. « Je ne me sens libre que de 18h à 9h » dit l’une, tandis qu’une autre s’accapare rapidement l’écran. Des fissures commencent alors à s’ouvrir dans cette deuxième partie de l’interview, où l’optimisme digne d’une start-up de marketing laisse la place au récit de nuits blanches passées entre peur de la solitude et angoisse. « Nos nuits sont plus belles que vos jours » disait un graffiti à Lyon lors de la mobilisation contre la loi ORE. « Il fait sombre au pays des Lumières » riposte Bareyre depuis Paris. La nuit, à la fois espace-temps exutoire, à la fois lieu du retour du refoulé, est donc choisi comme le dispositif capable de déconstruire un certain discours facile sur la jeunesse. L’époque s’applique en effet à détruire avec entêtement cette injonction publicitaire qui rôde autour du bel âge, la période initiatique par excellence, entre insouciance et liberté, mais, de fait, moment où débute une compétition sans merci pour le prix diplôme/carrière/maison/famille/maison/gosses. C’est ce que nous dit d’ailleurs Arthur, jeune homme qui confie à la caméra avoir mis de côté sa passion pour la philosophie pour s’inscrire dans une grande école de commerce, de peur de décevoir les attentes parentales. Ou encore, c’est ce que nous explique bien la voix off de l’agrégée en philosophie qui a décidé d’intégrer le cortège de tête : « Après le mouvement contre la loi travail et ce qu’il y a eu après, jouer un bon rôle dans la société, avoir un bon travail est quelque chose qui a perdu beaucoup d’importance à mes yeux.. ». Comme pour dire : il est fini le temps du fardeau du chameau-esclave, terminé aussi le devoir être du lion-militant, commence alors sans doute le présent pur de l’enfant-artiste ? Le filmeur protège la confidentialité et l’identité de ce témoignage et réussit à évoquer le cortège de tête avec la juste dose de poésie, car on sait qu’aux banderoles renforcés sied mieux le « Je est un autre » de Rimbaud plutôt que n’importe quel slogan antifasciste.

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