Lettre de Claire Guyon
Croyant avoir enfin trouvé à l’alpage de la Boivine l’endroit idéal pour mener à bien mon projet d’installation agricole et touristique, je suis encore victime d’acharnement de la part de municipalités qui veulent récupérer ces terres, qui me sont pourtant données à bail rural et qui m’ont été attribuées par la SAFER après une procédure de rétrocession.
Je suis ainsi assignée devant le tribunal judiciaire par deux communes concurrentes à l’acquisition de l’alpage, lors de la procédure de rétrocession SAFER, et devant le tribunal paritaire par l’ancien exploitant, une agricultrice aujourd’hui retraitée, pour me pousser à renoncer à mon projet de vie et aux valeurs dans lesquelles je crois résolument.
Dans notre Massif, où la déprise agricole est presque inexistante, l’accès au foncier est pratiquement impossible aux jeunes souhaitant s’installer en diversification, bien que ce projet soit validé par toutes les instances agricoles.
Mon projet ? C’est une installation en agriculture biologique avec la transhumance de 10 vaches laitières, de la transformation fromagère fermière, la production d’œufs et de viande, le tout en vente directe. C’est tout naturellement après une solide expérience de bergère salariée sur le haut du Massif, que j’ai eu l’envie de faire revivre cet alpage inhabité depuis plus de 10 ans.
L’alpage de la Boivine, situé sur la route du sommet du Mont d’Or, est une opportunité exceptionnelle de mettre en œuvre mon projet. Le chalet doit devenir la vitrine d’un pastoralisme écologique et responsable, lui rendant sa destination initiale, et un alpage témoin lors d’événements agricoles ou culturels s’inscrivant dans la nouvelle reconnaissance de la transhumance française comme « patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO ».
Je n’arrive toujours pas à comprendre l’acharnement dont je fais l’objet, et contre mon projet qui s’inscrit pourtant dans l’intérêt général des usagers de la montagne.
Soutien de la Confédération Paysanne 25/90 à Claire Guyon
Communiqué du 5 mai 2022
Ces quarante dernières années, le nombre d’agriculteurs en France a été divisé par 4. Un agriculteur sur 2 est âgé de plus de 50 ans et les trois quarts des agriculteurs sont des hommes.
Rappeler ces chiffres c’est dire d’abord que l’agriculture est avant tout une affaire humaine. Et que les paysans et paysannes de ce pays souffrent, disparaissent en silence, que des jeunes peinent à s’installer ou à survivre quand les plus anciens se désolent de ne pouvoir transmettre comme ils le souhaitent.
Dans le même temps, on assiste à une fuite en avant dans l’agrandissement et la concentration des terres, des terres qui sont toujours plus objets de convoitises et de spéculations, d’artificialisation et de dénaturation.
Alors quand arrive une jeune paysanne, avec son expérience de bergère et son envie chevillée au corps de faire vivre un patrimoine d’alpage avec un projet intégré dans son environnement, et permettant de produire de l’alimentation localement, nous ne pouvons que la soutenir. Notre soutien est plein et entier.
C’est avec amertume et dépit que nous constatons aujourd’hui, dans ce site du Haut Doubs, que Claire Guyon doit affronter une véritable avalanche d’embûches juridiques (3 convocations aux tribunaux ce même jour 5 mai 2022 !!) ainsi que des brimades et des pressions absolument injustifiables. Pourtant, Claire a franchi avec succès toutes les étapes d’un parcours d’installation et d’attribution de terrain, parcours d’une vraie combattante que connaissent bien ceux et celles qui sont passés par là. Les procédures ont été respectées. Son installation est légitime, elle est nécessaire pour que vive son projet économique !
Aujourd’hui, Claire Guyon doit pouvoir s’installer sur les terres qui lui ont été attribuées. Ces terrains étaient exploités jusque là par des Suisses, cela n’enlève donc rien aux agriculteurs en place. Cette jeune paysanne bergère doit pouvoir nourrir ces animaux et vivre de son travail. L’alpage de la Boivine doit vivre, avec un projet agricole et paysan diversifié, pédagogique et touristique. Ce projet a toute sa place dans le Haut Doubs : il fait sens. De quoi ont peur ses opposants et détracteurs ? Que d’autres jeunes suivent et rejoignent un mouvement d’agriculture cohérent avec les attentes de la société et l’environnement ? Que l’on partage l’espace afin de permettre à une activité agricole pérenne et locale de s’ancrer, de vivre et faire vivre ? Que des paysan-nes nombreux rendent nos campagnes et montagnes vivantes ?
Au-delà de Claire et autour d’elle, c’est bien une question de fond qui se pose, celle de la place pour des jeunes qui veulent s’installer aujourd’hui, celle de la place pour une jeune femme au parcours peut être non conventionnel mais pourtant solide et qui a le droit d’exister.
Nous disons haut et fort que le projet de Claire Guyon doit vivre et que l’acharnement doit cesser.
Son installation doit être possible pour que l’avenir d’autres installations soit également possible.
Nous serons présents, déterminés, à ses côtés lors du point presse du samedi 7 mai à 10h à Vaux et Chantegrue.
Ce n’est qu’un début ! Un comité de soutien large, regroupant organisations et individus est en train de voir le jour.
Nous appelons celles et ceux qui se reconnaissent dans les mots que nous avons employés à se joindre à nous aux côtés de Claire.
Pour que vive une agriculture diversifiée,
pour des paysan-nes nombreux et des campagnes vivantes !
Compléments d'info à l'article
Proposer un complément d'info