Université de Bourgogne : 2e semaine de grève au département de sociologie



Une grève est en cours au département de sociologie depuis le 23 novembre. Les grévistes demandent de meilleurs conditions de paiements, des contrats de travail et de vrais statuts.

Nous, docteure et doctorants, vacataires et contractuel·le·s au département de sociologie, prenons aujourd’hui la parole pour exprimer vivement notre colère face aux dysfonctionnements structurels au sein de l’université de Bourgogne, qui nous mettent, nous et nos collègues titulaires, dans des situations ubuesques. Face à une situation qui se détériore depuis des années déjà , à travers des budgets revus à la baisse, des postes laissés vacants, le traitement des jeunes chercheurs, nous tirons la sonnette d’alarme !
L’université de Bourgogne, comme tant d’autres universités en France, recourt aux vacataires et aux contractuels pour réaliser des missions pourtant pérennes. Ainsi, en termes d’enseignement, nous vacataires, assurons en moyenne 20 % des enseignements des formations de l’université de Bourgogne. Et au département de sociologie cette proportion grimpe à près de 30 %.

Le statut de vacataire est, à l’origine, pensé pour que des spécialistes, qui ne seraient pas enseignants-chercheurs à l’université, puissent venir effectuer quelques heures de cours dans leur domaine de spécialité. Cependant aujourd’hui ce statut est utilisé pour pallier le manque de postes, puisque sans nous, la continuité des formations ne peut être assurée : en comptant les vacations ainsi que les heures complémentaires imposées aux enseignants titularisés, ce sont en effet 46% des cours qui dépassent le cadre normal des enseignant-chercheurs. Nous sommes donc des rouages essentiel du fonctionnement de l’université.
Doctorant·e·s (bien souvent non financé·e·s, notamment en Sciences Humaines et Sociales) et docteur·e·s sans postes, nous sommes payé·e·s deux fois dans l’année, nous commençons nos cours bien souvent plusieurs semaines (à plusieurs mois !) avant que nos contrats de travail soient effectivement signés. Nous sommes par ailleurs rémunérés à l’heure de cours effectuée, ce qui, lorsqu’on prend en compte le temps de préparation des enseignements et le temps de corrections des copies, donne une rémunération en dessous du SMIC horaire. Nous sommes ignorés, laissés à la marge de l’institution. Nous ne sommes pas payés de manière régulière, nos revenus tirés de notre activité au sein de l’université ne nous permettent pas de dépasser le seuil de pauvreté et nos perspectives ont inquiétantes.

Plus que des situations personnelles, un problème structurel

Au-delà de nos situations personnelles, bien souvent complexes, nous constatons tous les jours les difficultés de nos collègues titulaires, qui tentent de « faire tourner » l’université avec des ressources toujours plus limitées, et en faisant face aux injonctions contradictoires de l’administration, la surcharge de travail qu’induit le nombre croissant d’étudiant·e·s et les tâches ingrates à laquelle oblige l’indigne sélection mise en place par Parcoursup ! Sans compter, aujourd’hui, les charges administratives qui s’alourdissent tout particulièrement avec la situation sanitaire actuelle. Nous sommes contraint·e·s d’adapter les modalités d’enseignement, sans matériel et sans moyens supplémentaires, et dans des situations d’incertitudes absolues sur l’évolution de la situation. Nous sommes toutes et tous au maximum de nos services et heures complémentaires et supplémentaires, à tel point que, quand l’un, l’une, ou l’autre doit s’absenter pour quelques raisons que ce soit, nos équipes sont au bord de l’effondrement ! Et nous ne disons rien ici du sens perdu de notre travail : ce sentiment de participer à un vrai service public de l’enseignement supérieur gratuit et ouvert à toutes et tous, systématiquement saboté par les réformes en cours du lycée et de l’ESR !

C’est pour ces raisons, et face au manque de réponse de la part de l’administration, que nous avons pris la difficile décision d’entamer un mouvement de grève illimité à partir du lundi 23 novembre 2020 à 8h. Ce mouvement prendra fin lorsqu’un dialogue nous sera proposé.

Nos revendications sont les suivantes :

  • Mensualisation des rémunérations des vacataires
  • Souplesse vis-à-vis des "revenus extérieurs" insuffisants des vacataires, particulièrement en cette période de crise sanitaire
  • Titularisation des contractuelles et contractuels exerçant des fonctions pérennes à l’université
  • Plus de moyens humains dans les composantes de l’université de Bourgogne

Nous avons bien conscience des conséquences difficiles que cette décision va provoquer, autant pour nos étudiants, que pour le fonctionnement du département de sociologie. Nous ne l’avons pas pris à la légère : elle ne s’est imposée qu’à la suite d’abondantes discussions et de mûres réflexions. Nous en sommes arrivé·e·s à la conclusion suivante : la défense de nos conditions de travail, c’est aussi la défense de la qualité des formations de l’université de Bourgogne.

L’université, à l’image d’autres services publics, subit les logiques marchandes

Ce mouvement prend place dans un contexte de tensions particulièrement exacerbées dans le monde de l’enseignement supérieur et de la recherche. La Loi de Programmation de la Recherche (LPR) a été adoptée au Sénat le 20 novembre, alors même qu’elle fait l’objet de contestations par une grande partie de la communauté universitaire. Cette loi, supposée apporter les moyens suffisants aux activités d’enseignement et de recherche, est en réalité basée une logique de compétition entre l’ensemble des établissements d’enseignements supérieurs, mais aussi au sein de ces établissements entre filières de formation, et entre chercheuses et chercheurs. Censée "motiver" les chercheurs et les enseignants, cette compétition pour l’obtention de moyens aura pour effet d’accentuer les disparités entre les établissements, renforçant encore les inégalités d’accès pour les étudiant·e·s, et d’aggraver les situations des plus précaires, parmi les personnels comme parmi les étudiant·e·s. La LPR consacre donc le désengagement financier de l’Etat dans l’enseignement supérieur et la recherche, en réduisant la part d’argent versé régulièrement, au profit de financement par "projets", ou bien de partenariats avec des entreprises ou des collectivités. Au delà des conditions de travail, c’est donc le sens même de nos missions qui est ici remis en cause : quid de la liberté de la recherche ? quid de la transmission d’un savoir émancipateur et critique ?
Ces mesures s’inscrivent dans la lignée des attaques contre les services publics, débuté il y a maintenant bien longtemps avec le passage au privé de la poste et de la SNCF, puis plus récemment avec le système de santé (hospitalier mais pas seulement), sommés d’entrer de plain-pied dans les logiques gestionnaires et managériales. Leurs personnels sont exsangues, et bien souvent quittent la mort dans l’âme, les métiers qu’ils avaient pourtant embrassés avec le sentiment d’accomplir une mission d’utilité publique.

Ce sont les conditions de travail et d’emploi qui sont attaquées par ces logiques marchandes qui mettent la rentabilité au cœur des priorités. Et au final ce sont nos services publics, notre bien commun, qui se détériore petit à petit sous le poids des coupes budgétaires. Mais nous ne nous laisserons pas faire !

Nous sommes en grève depuis le lundi 23 novembre. Si vous souhaitez nous aider, nous avons mis en place une caisse de solidarité.


P.-S.

En pièce jointe de cette article vous trouverez un ancien tract qui dénonçait déjà les statuts et conditions de travail au sein de l’Enseignement supérieur & de la recherche.


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