« Si l’État proposait des logements, qui irait ouvrir des squats ? »


Quartier Libre des Lentillères

Récit de l’expulsion de personnes exilées de leur logement situé rue des Marmuzots. Entretien avec un demandeur d’asile tchadien, réalisé au Quartier Libre des Lentillères, qui héberge temporairement une partie des personnes expulsées.

Mardi 20 juin, la police est intervenue en force pour expulser des personnes exilées de leur logement situé rue des Marmusots à Dijon. Alors que les services de la préfecture prétendaient proposer une solution d’hébergement pour une partie d’entre eux, ces personnes se sont vues « offrir » trois nuits d’hôtel... les autres finissant par dormir dans la rue. Finalement, une partie des personnes expulsées a trouvé refuge au Quartier des Lentillères, dans des conditions précaires et sans perspective d’hébergement durable.

Comment ça s’est passé le jour de l’expulsion ?

L’expulsion ça a été très difficile, et après l’expulsion aussi. C’est à dire que pendant deux jours les gens ont dormi dans la rue parce qu’ils ne savaient pas où aller. Et après, un grand merci à tous les collectifs de nous laisser venir ici.

Les policiers sont venus vers 11h pour l’expulsion, mais vraiment ils n’ont pas du tout donné l’occasion aux gens de prendre leurs affaires, ils les ont tous sorti dehors et voilà. D’habitude, ils te laissent prendre tout ce que tu veux, eux ils s’en foutent. Là c’était tout de suite, ils nous ont tous sorti dehors. 16 personnes se sont retrouvées dehors, mais beaucoup de personnes n’étaient pas là. Certains étaient au boulot ou en voyage. Il y en a même un qui n’était pas là et qui n’est peut-être même pas au courant de l’expulsion, et il y avait toutes ses affaires dans le squat. Jusque-là, on n’a pas récupéré nos affaires.

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Vous avez été contrôlé par les policiers ?

Dans un premier temps, dès qu’ils ont sorti tout le monde, ils les ont fouillés un à un. Il fallait sortir tout ce que tu as dans les poches, et après le policier il te fouille partout, juste devant la maison.
Puis ils ont fait 3 postes : le 1er poste, ils demandaient toutes tes informations, ils écrivaient ; le 2e poste, ils vérifiaient les papiers ; et le 3e poste, c’était pour envoyer les gens en garde à vue.
Si tout était bon, ils t’envoyaient à la mairie à côté et c’est là que 6 personnes ont été envoyées très loin, plus loin que Toison d’Or. Là-bas ils te donnaient un hôtel, mais c’était juste pour 3 jours ! Il n’y avait rien pour se faire à manger, et c’était très cher, même pour boire un café. Après, ils les ont tous foutu dehors. Si réellement l’État il voulait donner des logements, il le ferait bien avant. Mais il ne le fait pas.

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6 personnes ont été emmenés au poste de police. Pour les autres, c’était la rue, et pour ceux qui ont eu la chance de prendre leur sac à dos c’était pas non plus facile d’être à la rue.

Comment tu te sens après tout ça ?

J’en ai marre, mais je n’ai pas le choix. Par exemple, quand il y a une expulsion certains ont 10 euros ou quelques pièces, et là avec l’expulsion ils sont obligés de tout laisser. Qu’est ce qui les pousse à faire ça (les flics) ? Quand tu es réfugié, tu as un droit envers l’Etat, mais l’État il ne fait rien. Par exemple, si l’État proposait des logements, qui irait ouvrir des squats ? Mais je n’ai pas le choix, parce que l’État ne rempli pas ses obligations envers nous. Il n’y a pas le choix.

Là, après avoir galéré deux jours, tout le monde est sauf, mais on est dans une situation critique. On fait avec. On en est là. Pendant les deux jours dans la rue personne n’a ramené de nourriture. Deux dames qui avaient entendu parler de l’expulsion sont venues le soir même et ont ramené des choses, même si c’était pas grand-chose, du pain et du fromage, et ces deux personnes là ce sont les seules qui sont venues.

Cette situation de personnes expulsées ce n’est pas nouveau, depuis des années les autorités expulsent presque chaque année des maisons habitées par des gens dans le besoin, est ce que tu as connu certains lieux ?

Oui, le premier c’était en 2017, le XXL, puis la CPAM à Chenôve en 2018. Enfin cette année là il y en a eu deux, c’était Stalingrad aux Grésilles mais il n’a tenu que deux semaines. Après en 2019 on s’est retrouvés sous des tentes au Chemin des Cailloux. Fin 2019, c’était le squat de Becquerel. Après c’était John Kennedy en 2021. Et le dernier, c’est Marmuzots. Ce sont les six auxquelles j’ai assisté, mais même avant il y avait d’autres squats.

Tu veux ajouter quelque chose ?

Ce que je peux dire, c’est des remerciements, par rapport aux gens qui ont proposé leur logement, de prendre des gens chez eux. Par exemple, il y a deux filles vers Marsannay qui ont pris deux personnes avec elles. Et il y a un autre appartement qui accueille trois personnes. Ici, au Quartier (des Lentillères) il y a deux caravanes, des gens hébergés dans des collectifs et la grange pour d’autres pour dormir ou se réunir. Se réunir, c’est important. C’est notre habitude, on a la mentalité du pays. On aime tous rester ensemble, tous manger ensemble, on peut dire d’une sorte que c’est la coutume. Merci à toutes les personnes qui ont contribué à ça, surtout aux personnes du Quartier des Lentillères.



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