Manifestation des Grésilles : « Après l’abandon du Préfet, on veut sa démission »



Samedi 20 juin, une cinquantaine de personne des Grésilles et de Chenove ont manifesté pour demander la démission du Préfet, après avoir tenu une conférence de presse improvisée. Retour entre analyse et émotion sur ce moment trouble.

Samedi 20 juin, des habitant·es de Chenove et des Grésilles appelaient une manifestation place de la République pour demander la démission du préfet, comme une réponse à la peur et au sentiment d’abandon dont beaucoup ont témoigné ces derniers jours.

La peur et l’insécurité dans les quartiers populaires, nous sommes nombreu·ses à ne pas savoir qu’en faire politiquement, étant donné la manière dont l’extrême droite s’en est emparé. Des mots que l’on ne pouvait pourtant plus ignorer, depuis la découverte des témoignages des habitant·es sur les réseaux sociaux, ou des dessins des enfants de l’école des Grésilles,...
 

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Racisme

Samedi 20 juin, sur la place de la République, ce n’était pourtant pas la peur qui manifestait, mais bien la colère et de la détermination.

Une colère dirigée contre la police et surtout contre celui qui la dirige : un préfet pour qui les vies des habitant·es des Grésilles ou de Chenove ne comptent pas autant que les vies du centre-ville, donnant des ordres à une police dont le racisme est mis en avant par les habitant·es.

« On nous dit que la police est pas raciste, mais ils votent à 60% pour le FN ! 60% ! Alors faut arrêter de nous prendre pour des cons. »

« Un baceux m’a dit : Vas-y dégage rentre chez toi, ou je dis aux Tchéchènes où t’habites. »

« Après tout ça, c’est quoi la réponse ? Mettre des CRS partout dans nos rues et faire des contrôles d’identité aux habitant·es. C’est la seule réponse qu’on nous donne. »

« Pour nous contrôler ils sont là, mais pour nous protéger par contre... »

« Contre les gilets jaunes, il y a eu des milliers d’arrestations ; et là il se passe quoi ? Ils arrêtent 4 personnes ? »

« On est français, on a le droit d’être protégé comme n’importe quels autres français ! Faut arrêter de nous demander si on est français ou maghrébins, c’est n’importe quoi, c’est comme nous demander de choisir entre notre père et notre mère. »

On est français

Drapeaux français dessinés sur les joues et les bras, maillots de l’équipe de France, Marseillaise, discours sur la République,... On a beau s’y être un peu habitué·es depuis les Gilets Jaunes, si on estime que la France est surtout le nom d’une idéologie qui sert à écraser ce qui résiste, on reste quand même mal à l’aise.

Nous sommes nombreu·ses à venir à la manif avec une certaine idée : celle que les quartiers populaires ne portent pas avec fierté l’identité française, n’arborent pas que du bleu blanc rouge les jours de match de foot.
Cette idée nous plait, alors on se prend un coup quand les habitant·es de Chenove et des Grésilles ont de grands drapeaux français en guise de banderole de tête.

On se souvient que les gilets jaunes ont voulu être le « peuple français » qui se soulève. Et ce n’était pas le même que le peuple français appelé par Macron dans ses discours pour désigner ce qui lui est soumis.
Le peuple français, dans la bouche des habitant·es des Grésilles ce jour-là, on a aussi pu l’entendre comme le levier rhétorique qui disait : « Nous n’acceptons plus d’être traité·es autrement que comme des égaux ». Et qui se décline précisément en « Nous exigeons d’être protégé·es comme n’importe quel·le autre français·es ».
 

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C’est politique tout ça, c’est politique

À de nombreuses reprises, face aux caméras et en dehors, on a entendu des personnes dire que ce qui s’était passé relevait de la manipulation politique. En premier lieu, plusieurs personnes parlent du fait que ce qui s’est passé fait le jeu du Rassemblement National, et permet de nourrir les discours contre « le communautarisme ». Et ce niveau politique résonnait beaucoup pour eux avec le fait que la majorité des flics votent pour le RN.

Comment cette articulation a-t-elle lieu ? Quelle est la place du RN dans cette histoire ?
De la convergence évidente de position et d’intérêt entre le RN et la police, à l’idée que la descente des Tchéchénes aux Grésilles avaient été savamment préparée et ordonnée ; il y a une pente compliquée qui nous mène tout droit à un complotisme impuissant.
Il y avait quelque chose de désespérant à constater l’entente spontanée créée par la simple idée qu’il y a « manipulation », une entente qui tient lieu de convergence de lutte aux yeux de quelques gilets jaunes présents.
Si nous ne comprenons pas comment ce qui s’est passé à pu arriver, il nous apparait tout aussi plausible que les positions instinctivement racistes de la police et du Préfet ait retardé leur action, là où l’urgence de l’intervention aurait paru évidente si la scène se déroulait en centre-ville.

Nous rêvons de convergence des luttes construites sur autre chose que sur le sentiment d’impuissance provoqué par le complotisme.
 

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Traitement médiatique

De ce moment place de la République, où différent·es habitant·es se sont exprimé·es longuement, mettant le doigt sur des mécanismes subis durement, détruisant les images qu’ils et elles avaient dû endossé, élaborant un discours et un rapport de force politique, on ne trouve quasiment aucune trace dans le traitement médiatique de l’évènement.

Presque tous les médias présents (et ils étaient nombreux) se seront contentés de diffuser quelques images de la manifestation, face à la ligne de flic devant la préfecture. Ils ne manquaient pourtant pas de témoignages et de paroles d’habitant·es, après les avoir encerclés pendant une heure avec leurs micros et leurs caméras.

Dédicace spéciale à BFM TV qui n’aura diffusé qu’une minute de la manifestation, à quelques minutes du moment où la foule chante « la police avec nous ». Le reportage est couvert par la voix d’un journaliste qui annonce qu’il pourrait bien y avoir des violences, puisque le Préfet l’a dit. Aucune images des interviews prises plus tôt ou plus tard ne seront diffusées. Ce n’est pourtant pas le choix qui manquait, avec près d’une heure d’enregistrement.
Les autres se contenteront de reprendre le mot d’ordre de la manifestation - la démission du Préfet - en se permettant de les réinterpréter pour parler du « laxisme de la Préfecture », une expression que de notre côté nous n’avons jamais entendu dans la manifestation.

La couverture de la manifestation aura de toute manière été clairement minable par rapport à celle de son interdiction ou de la conférence du procureur Mathais. Les paroles n’ont pas le même poids.
 

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Dignité

À différents moment, la fierté de prendre la rue prenait appui sur une virilité malaisante. « Nos enfants sont des hommes, ils nous ont protégés comme des bonhommes » disait une des deux banderoles, tenue par une habitante de Chenove. L’explosion d’un pétard a donné lieu à une démonstration virile assez gerbante. Ses situations nous laissent un goût amer, incapables de distinguer dans ces attitudes ce qui résiste et ce qui écrase.

Mais alors que c’était la première fois que nous allions à une manifestation appelé par des habitant·es des quartiers de Dijon, nous décidons d’en retenir avant tout le sentiment d’une auto-organisation en marche, de la reconquête d’une dignité face aux caméras de celles ceux qui les ont trainé dans la boue.

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Les journalistes de Cnews
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Bruno Di Bartolo, en grande pompe mais pas très à l’aise
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BFM TV

Pour un petit aperçu de l’ambiance, entre désolidarisation des politiciens et interdiction de la préfecture, la parole de quelques habitants arrive tout de même à poindre :



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