[Montbéliard] Manif anti pass #4, entre réussite, autoritarisme et confusions


Doubs

Environ 1500 personnes se sont rassemblées à la Roselière et ont effectué un très grand tour dans le centre-ville de Montbéliard en passant par le rond-point d’Helvétie, à proximité de l’usine Stellantis. Malgré une pluie constante qui en a refroidit plus d’un-e, les organisateur-rices de la manif peuvent se féliciter d’avoir rassemblé un public large et très hétéroclite, donnant au final un défilé festif, bruyant et déterminé.

« Tous mouillé-es, pour nos libertés » est un slogan entendu dans la journée et qui résume le rassemblement du samedi 7 août à Montbéliard.

Une foule massive et très variée a marché pendant plus de 3h, le parcours était bien pensé, et a permis de passer 2 fois dans la rue principale du centre-ville et 2 fois devant la gare et le carrefour des bus évolitY (réseau qui s’étend sur tout le Pays de Montbéliard), provoquant beaucoup de perturbations sur les trafics de la journée.

D’un point de vue pragmatique, cette manifestation est un succès. Le nombre de manifestant-es est impressionnant en voyant cette pluie forte et incessante qui l’accompagne.

« Ce n’est pas la pluie qui va arrêter un franc-comtois », lance un syndicaliste CGT de l’hôpital Nord Franche-Comté. C’est exact visiblement.

De plus, des mouvements sociaux en plein été, c’est rare. Les gouvernements successifs de la 5e république ont toujours fait passer leurs lois les plus crapuleuses en été, lorsque les gens étaient traditionnellement en vacances.

Sauf qu’aujourd’hui, nos classes populaires pour la plupart ne partent plus en vacances, certain-es ne sont jamais parti-es de leur vie, ou les plus « chanceu.x.ses » partent une petite semaine en moyenne.
Et nous sortons de plusieurs confinements insupportables qui en ont découlé des lois liberticides qui semblent irréversibles et un mal-être social étouffé et silencieux.

En bref, un mouvement social qui commence et se développe en plein été, présage une rentrée sociale volcanique.

Le mois d’août sera chaud et c’est pas la météo, pour reprendre partiellement le slogan d’un autre syndicaliste.

D’ailleurs, ce n’est pas la CGT de l’Hôpital Nord Franche-Comté qui annonce que la contestation va se calmer.
Dès lundi, toutes les sections, dans le public, comme dans le privé, partent dans une grève générale et illimitée.
Et ça fait vraiment plaisir à dire. La convergence des luttes s’organise très rapidement et massivement.
L’avenir à court terme pour les ultra-riches et les dirigeants politiques s’annonce assez sombre.

Grands écarts idéologiques

Comme à Besançon le slogan plat et qui veut pas dire grand-chose « Liberté » a été scandé trop de fois. Et franchement au bout de 2 manifs anti-pass assez longues, j’en ai déjà ras le bol de ce slogan.

Un moment se sont enchaînés : « Liberté Liberté », puis La Marseillaise, puis « Liberté Liberté », puis La Marseillaise.
Vous m’avez déprimé sérieux !

Quand on arrive sous la tour d’ivoire de PMA (Pays de Montbéliard Agglomération), le cortège s’arrête et c’est Keny Arkana avec son titre « La rage » qui rugit sous les fenêtres des élus. Après le titre de la rappeuse, l’organisateur de la manif appelle les élus locaux à venir descendre nous rejoindre.
Ah bon ? C’est un peu bizarre pour un mouvement qui se dit populaire et apolitique.

Surtout que les élus de PMA ne sont pas vraiment de notre niveau social. Ils cumulent les allocs communales avec les allocs de l’agglomération, financées majoritairement par Stellantis et les autres grosses entreprises industrielles locales. Ce sont des parasites pour nos classes populaires !

Et ça a été comme ça tout le long de la manif, des hauts et des bas (très bas) et des grands écarts idéologiques impressionnants.

« Macron en prison », « Macron démission », « Macron guillotine ».

« La police avec nous » puis la chanson « Mort aux vaches » des Amis de ta Femme.

« Société tu m’auras pas » de Renaud puis La Marseillaise.

Le punk des Sales Majestés suivi de « Liberté Liberté » sans saveur.

Je veux bien adhérer à ce slogan tout aussi plat que « Liberté » qui a été scandé « Unité Unité ».

Cependant, l’extrême droite est un mouvement qui a justement été créé pour diviser nos classes populaires et casser les mouvements sociaux dès sa création en 1919.
Le fascisme a toujours été un chien de combat pour les bourgeois [1].

Accepter les idées meurtrières de l’extrême droite dans le cortège ce n’est pas faire de l’unité, c’est tout le contraire.

Le pire c’est que j’ai l’impression d’être un extra-terrestre quand je dis ce genre de vérités historiques dans ces manifs aux abducteurs déchirés.

Apolitique et populaire ! Vraiment ?

D’un point vue pragmatique, cette manif est une réussite, je l’ai déjà dit. Mais d’un point de vue politique, les organisateur-rices ont été très mauvais-es.
En même temps, on ne peut pas être originaire de la droite et de l’extrême droite et devenir un révolutionnaire digne de ce nom en quelques années de Gilets Jaunes.

Dès le départ, une organisatrice déclare : « On soutient particulièrement tous ces petits restaurateurs, hôteliers, bars qui souffrent énormément de cette crise. »

Les « petits » commerçants qui seraient les porte-paroles du « peuple », c’est pas vraiment le cas chez les commerçants de Montbéliard, qui pour certains se vantent d’avoir gagné de l’argent pendant cette crise, entre le travail au black, l’absence de contrôle, les allocs de l’État, celles de PMA et leurs richesses immobilières déjà cumulées bien avant le Covid-19.

Ces mêmes fils de Pétain, qui posent fièrement en photo avec la bourgeoise islamophobe Nadine Morano [2].

Ce que les médias capitalistes et les politiciens de tout bord appellent « petits commerçants » ne sont que les perdants du capitalisme.
Ils ont voulu jouer le jeu des riches, mais ils sont faibles et médiocres, et lorsqu’une crise financière ou sanitaire s’invite, ces petits capitalistes pleurent devant les caméras et demandent la solidarité de la part de nos classes populaires.

Je suis obligé de parler de la prise de parole sournoise effectuée en fin de manifestation.

L’organisateur principal annonce qu’une élue locale va parler en tant que « citoyenne ». Moi je ne sais pas qui c’est, et sans savoir de quel parti elle vient, cette femme m’énerve.

Elle nous dit qu’il faut tout couper : les télévisions, radios et ne plus lire les médias. Elle le répète une deuxième fois « Ne lisez plus ! ».

Quelqu’un-e qui me dit de ne pas lire, engendre une grande méfiance de ma part.
Son discours est bizarre, je suis certain qu’elle n’est pas anticapitaliste, ni contre le système politique centralisé, injuste et ultra-hiérarchisé.

En bref, elle n’a rien de révolutionnaire et elle n’assume pas son étiquette politique, ce qui est typique de l’extrême-droite ou de la droite.

Encore une fois de la confusion : plusieurs personnes disent qu’elle est du RN/FN, d’autres rétorquent « non elle est divers droite ». Je suis mort de rire !

Des manifestant·es, qui ont eu le courage d’assumer leurs idées de droite devant moi (c’est assez rare pour être souligné), me demandent : « Et si cette femme était de gauche, ça ne vous aurait pas dérangé ? »

Je répond : « Si, ça m’aurait dérangé tout autant pour un mouvement qui se dit apolitique et populaire, mais au moins un politicien de gauche aurait dit direct qu’il est de gauche et de quel parti il vient. »

Enfin ça c’est en théorie, j’ai déjà remarqué que le parti Europe Ecologie Les Verts utilise ces méthodes d’extrême droite. Dans les manifs pour le climat par exemple, où les politiciens viennent aussi se présenter comme de « simples citoyens » mais en profitent pour faire passer leur idées de capitalisme vert et leur écologie bourgeoise et élitiste.

Je décide d’en avoir le cœur net en allant voir tout d’abord l’organisateur principal :

« C’est vrai que cette femme qui a pris la parole est membre du RN/FN ? »

L’organisateur : « Elle se présente ici comme simple citoyenne, c’est une élue locale, mère de 6 enfants. »

Moi : « Vous êtes hypocrite Monsieur, il y a une politicienne d’extrême-droite qui vient de prendre la parole, ça ne peut pas être apolitique. »

L’organisateur : « Elle n’a pas parlé de politique, elle est restée dans le cadre pharmaceutique. Elle est là car c’est une maman qui s’inquiète pour ses enfants. »

Je suis stupéfait par ce Gilet Jaune, cet aplomb et cet hypocrisie, digne des meilleurs politiciens bourgeois.

Je vais ensuite voir cette « maman » en question. Elle me dit son nom avec gentillesse et me rétorque qu’elle ne représente aucun parti.
Christine Besançon, donc, a marqué cette fin de manif. Beaucoup de gens se sont demandé·es qui elle était car « elle a bien parlé » selon une manifestante.

Et elle ne fait pas seulement que « bien parler », elle est aussi souriante et très douce, une super « maman » que j’aurais bien imaginé sur des affiches de propagande Vichyste.

Une politicienne assez charismatique donc, qui donne envie de lui faire confiance dû aux biais cognitifs de notre cerveau.

Christine Besançon est élue d’opposition à Audincourt, et ce depuis longtemps. Encore une planquée comme les autres, qui touchent beaucoup d’allocs comme les autres et qui s’est toujours cachée sous l’étiquette divers droite d’après les témoignages d’habitant·es d’Audincourt. Elle travaillait pour le FN/RN en sous-marin et s’est fait·e virer du parti, puis pareil pour le parti Debout la France de Nicolas Dupont-Aignan. Aujourd’hui elle serait très proche du parti de Florian Philippot.

Et vu que Florian Philippot est la crapule politicienne qui a le plus récupéré ce mouvement depuis le début et depuis Paris, il n’est pas étonnant de voir l’un de ses petits soldats prendre la parole à Montbéliard.

Revenons à l’organisateur principal de la manif, devant la sous-préfecture, il prend la parole : « Je tiens à remercier le sous-préfet qui a autorisé la manif, il n’était pas obligé. »

Mais oui, et pourquoi n’irions nous pas toutes et tous nous prosterner devant le sous-préfet, vu que nous sommes à côté ? Peut-être devrions nous aller saluer le Préfet du Doubs carrément, il laissera tranquille les Gilets Jaunes de Besançon et les habitant·es de la ZUP de Montbéliard et des autres quartiers post-colonialistes de l’aire urbaine.

Quel manque de solidarité et de vision globale chez les Gilets Jaunes du Nord Franche-Comté, pas un seul mot pour leurs homologues dijonnais·es et bisontin·es qui subissent un acharnement judiciaire.

D’ailleurs en suivant cette logique, nous devrions toutes et tous aller serrer la main à Macron et Darmanin car ils autorisent les français·es à manifester. C’est vrai quoi, ils sont pas obligés !

Et il n’y a pas que le sous-préfet qui s’est fait flatter. La police, quant à elle, a reçu aussi de nombreuses acclamations de la part des organisat-eur-rices.

« Ils sont là car nous l’avons demandé en préfecture », « ils sont là pour nous protéger », « Unité Unité », et bien sur « La police avec nous ».

Bande de naïfs, on en reparlera le jour où vous ferez vraiment quelque chose d’anticapitaliste ou d’anti-système politique et que vous vous ferez gazer.

La police est donc rentrée rassurée, elle se dit : « Encore une génération de naïfs qui va rien comprendre quand on va leur taper dessus. »

Ces policiers que vous acclamez ne sont que des mercenaires, et si vous voulez que la police soit avec vous comme vous dites, ben il faudra les payer plus cher que l’État.

Mais comme nous sommes en guerre des classes, ce sont les bourgeois qui payent les mercenaires, et ils les augmenteront si il le faut, donc vous ne pourrez jamais les acheter car vous êtes pauvres.

La police sera toujours du côté de ceux qui la payent, elle sera donc toujours du côté de la bourgeoisie, qu’elle soit politicienne ou capitaliste (ou les deux comme Macron).

Scènes surréalistes et confusions troublantes

On croirait que les boulets font exprès de choisir le pire endroit pour nous foutre la honte.

En plein centre-ville, une femme originaire du FN/RN, cheffe des Gilets Jaunes de Belfort, a déclaré que nous n’avions pas besoin du vaccin car il y a des médicaments pour soigner le Covid 19 : « l’hydroxychloroquine ».

Quel honte de déambuler avec des complotistes pareils !

Ensuite un bouffon prend le micro et lance une chanson du genre « Macron dans ton cul la quenelle ». Personne ne reprend, un silence glacial s’installe, je m’approche rapidement du micro pour intervenir et là je vois un syndicaliste CGT qui lui reprend le micro avec un sourire gêné.

C’est tout sérieux ? Le mec fait une référence à la quenelle du bourgeois antisémite Alain Soral, sur le chant des Partisans en plus, et personne ne dit rien.

Et ce bouffon était content de lui malgré son bide. Une femme lui dit : « Tu as dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas. »
Ben non c’est pas mon cas du tout !

D’ailleurs je me suis toujours demandé à quoi pouvait ressembler dans la rue ces cyber-warriors formés à distance par Alain Soral le Youtubeur, depuis son canapé de bourgeois.

Et ben dans la réalité c’est pas terrible !

Mais tout ceci n’est rien contrairement à cette scène surréaliste à laquelle j’ai assisté dans une paralysie générale due à une confusion troublante.

Arrivée au rond-point, un manifestant rebelle lance aux organisateur.rices :

« Pourquoi on suit la police comme des moutons ? »

L’organisateur principal : « Parce que c’est moi qui ai posé le parcours en Préfecture ! »

La situation se tend un peu, c’est à ce moment qu’un autre homme, qui semble faire partie de l’organisation, prend le micro. Il pointe du doigt le manifestant qui critique le parcours et la police.
L’organisateur/accusateur dit au vieil homme : « Moi, je suis d’origine algérienne, vous ne me voyez pas comme un français, les gens racistes comme vous ne veulent pas me voir comme un français. Je sais ce que c’est de subir les amalgames, il ne faut pas faire des amalgames sur les policiers. »

Le vieil homme rebelle est offusqué, il essaye de faire comprendre qu’il n’est pas raciste mais ce n’est pas lui qui a le micro.
Il a critiqué le parcours de la manif ainsi que la police, et se retrouve par conséquent à se faire traiter de raciste sans raison.

L’organisateur/accusateur fait taire le vieil homme en lançant un slogan avec le micro : « La police avec nous ! »

Le groupe de ce manifestant rebelle s’en va dépité, personne ne dit rien, d’ailleurs la majorité des gens n’a rien compris à ce qu’il vient de se passer, c’est la confusion totale. C’est incompréhensible ce que je viens de voir.

On se demande pourquoi les autres organisateur-rices lui laissent le micro. Comment et pourquoi ont-ils laissé faire ça ?

Conclusion

Le succès populaire de la manifestaion anti-pass #4 à Montbéliard est indéniable. La ferveur et la rébellion font plaisir à voir dans les rues, le vent révolutionnaire souffle et donne des frissons.

Mais le confusionnisme et l’extrême droite sont des poisons. Voilà une manif où on peut se faire virer et traiter de raciste lorsque l’on critique la police, et où on peut prendre la parole en tant que « citoyen » tout en étant un politicien d’extrême-droite.

En comparaison du mouvement anti-pass à Besançon, celui du Nord franche-Comté manque cruellement de maturité, d’organisation horizontale, de clarté et de solidarité.

Les organisat-eur-rices de la manif de Montbéliard ont un « apolitisme » qui a de fortes odeurs de droite et d’extrême-droite.

Ce mouvement dans le Nord franche-Comté doit prendre rapidement de la maturité politique pour pouvoir suivre la grève générale à venir et ne pas se faire récupérer par des fascistes, des autoritaires ou d’autres chiens de bourgeois en tout genre.

Loral Aitken, spécialiste des ultra-riches et des violences bourgeoises.



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