Rencontres intergalactiques sur la zad - Quatrième journée : des peuples en lutte pour leur indépendance



Quelques personnes des Lentillères ont répondu à l’invitation de la Zad de Notre-Dame-des-Landes pour participer aux discussions qui y ont lieu cette semaine. C’est l’occasion de relayer ces rencontres sur Dijoncter. Au programme de cette 4e journée : Mouvement indépendantiste breton, Rojava et Pays Basques.

Pour lire les récits des 3 premières journées :

Mercredi soir, nous avons assisté à la superbe conférence de Malcom Ferdinand, auteur du livre « Une écologie décoloniale ». Nous avons tourné une vidéo en soutien aux militant.es anti chlordécone de Guadeloupe et de Martinique.

https://www.youtube.com/embed/VTQFNo0ceuU

Un renouveau indépendantiste en Bretagne ?

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Dans l’Ambazada, c’est dans une salle comble que des ami.e.s du nouveau groupe politique Douar Ha Frankiz, commencent leur présentation par un historique sur la genèse et les différentes phases de construction du mouvement indépendantiste en Bretagne. Pèle mèle sont évoqués les prémices d’un mouvement indépendantiste avec les premiers groupes régionalistes avant 1911. Puis la constitution des premières structures indépendantistes, notamment via Breizh Atao dans les années 1920 qui renouvellent les horizons politiques sans encore verser dans le fascisme comme le feront une partie du groupe durant la seconde guerre mondiale.
Après la traversée du désert post-guerre, et la survivance de l’idée d’une indépendance via des structures plus culturelles, notamment autour de la défense de la langue bretonne, c’est l’époque phare des années 1960-70-80 qui est exposée avec un renouveau de forces indépendantistes marquées à gauche comme l’UDB (parti autonomiste de gauche), Emgann (gauche indépendantiste bretonne anticapitaliste) ou de structures armées comme le FLB/ARB.
Ces structures perdurent dans les années 2000, se réactualisent comme (Emgann qui se fond largement dans Breizhistance), voir meurent (tel l’ARB qui cesse de fait ses activités clandestines après l’attentat mortel de Quévert en 2000 que les autorités françaises leur ont attribué).

Dans ce contexte de recomposition, une deuxième intervention présente la nouvelle forme organisationnelle choisie par une partie de la jeunesse indépendantiste cette année : Douar Ha Frankiz, groupe ambitionnant de se structurer en parti politique féministe, écologiste, anticapitaliste, indépendantiste, et ayant la tâche de regrouper les forces présentes et de s’ouvrir plus largement.

Diverses questions s’en suivent et permettent de revenir sur des points historiques ou sur les choix tactiques de ce parti politique. La question du gallo, langue d’oïl de Haute-Bretagne est évoquée, de même que leur volonté de choisir la forme-parti. Selon les intervenant.e.s, c’est pour sortir de la logique affinitaire qu’ils et elles ont choisi cela, mais aussi pour se présenter aux élections. La grande place prise par les féminismes est aussi expliqué.

Il est déjà midi passé, les discussions continuent de manière plus informelles pendant que le gros de l’assistance se dirige vers le champs entre l’Ambazada et la Wardine, profiter du repas indonésien préparé ce midi par les cantines.

A vue de nez, de nombreuses personnes continuent d’affluer sur la zone et la fin de semaine - ZADenVies - s’annonce pleine...

Le Rojava

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Une grosse averse lance les discussions de l’après-midi. Sous le chapiteau, une personne présente au Rojava et parmi nous grâce à la visioconférence, ainsi qu’un membre des Amitiés Kurdes de Bretagne, présentent la situation au Rojava, le Kurdistan syrien.

Est d’abord fait une présentation rapide du processus d’autonomisation des kurdes dans le Nord de la Syrie à partir de 2013, processus faisant suite aux soulèvement arabes traversant la région et permettant de lancer une Révolution massive et populaire en Syrie en 2011.

« Si des occidentaux consacrent autant d’énergie à la solidarité internationale, c’est peut-être qu’ils ne sont pas fichus de faire la révolution chez eux ! »

La question est complexe et les systèmes d’alliances multiples qu’on connu les kurdes démontrent, si besoin ait, que la création d’une entité kurde distincte n’est pas chose aisée. Si certaines forces sont depuis le début de la décennie des ennemis déclarés (Daesh ou l’État turc par exemple), d’autres comme l’Armée Syrienne Libre (ASL) peuvent être parfois des alliés tout comme des ennemis.

Divers questions tentent de comprendre la dynamique de structuration de cette autonomie kurde. Les tensions entre arabes et kurdes sont sujets de discussion. Par exemple, les questions féministes sont, d’après l’interlocuteur, au cœur de l’appareil organisationnel kurde et beaucoup d’efforts sont fait pour donner aux femmes leurs places dans la société kurde. Mais cette politique serait plus facile à mettre en place dans les territoires majoritairement kurdes.

Des interventions évoquent la situation des kurdes en Iran et en Irak. La question des féminismes prend elle une large place dans les débats, mais aussi celle des solidarités internationales qui se déploient depuis l’Occident. Pique lancée aux personnes présent.e .s, l’habitant du Rojava cite un camarade « Si des occidentaux consacrent autant d’énergie à la solidarité internationale, c’est peut-être qu’ils ne sont pas fichus de faire la révolution chez eux ! ».

Divers enseignements peuvent être retenus de ce processus révolutionnaire, en particulier le basculement opéré en 2011-2012 avec un PDK majoritaire chez les kurdes syriens et qui va décroitre en même temps que l’option révolutionnaire des YPG (PYD) devient progressivement hégémonique. La répression féroce du régime y est certainement pour quelque chose mais la politique du PYD consistant à prendre le relai de l’Etat, en ouvrant des écoles, ramasser les poubelles etc, leur a permis de gagner beaucoup de sympathie dans la population.

Processus de paix bloqué au pays basque

avec Filipe Bidart, ancien militant de l’organisation Iparretarrak

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Le pays, le peuple, la culture, la langue et l’histoire basque sont très anciennes. Le territoire basque se situe à l’extrémité ouest des pyrénées. Les États français et espagnols vont grignoter son territoire.
Dans les années 60, les basques ont repris la lutte contre le franquisme avec l’ETA [1]. La lutte armée dans le pays basque sud concerne d’abord une minorité. Pendant la transition démocratique, se pose la question du retour des prisionniers politiques au Pays Basque. Le but de l’organisation armée est de négocier leur libération avec l’Etat espagnol. Elle va ainsi déclarer des trêves successives. En 1989, il y a les négociations d’Alger par exemple.

En 2002, l’Etat espagnol a voté une loi qui interdit tout parti politique ou association qui sont soupçonnées d’avoir un lien avec l’ETA. Des journalistes sont immédiatement incarcérés.
Les réactions d’ETA sont de plus en plus critiquées par la gauche indépendantiste (nombre de victimes d’ETA : 800 mort.es).
Comment arrêter alors la lutte armée, changer de stratégie, sans perdre la face ?

Conférence internationale de paix de Aiete le 17 octobre 2011
Désarmement et arrêt de la lutte armée demandés en échange de la libération et l’amnistie des prisonniers politiques.
Le 20 octobre 2011, l’organisation ETA annonce l’arrêt définitif de ses actions armées après plus de 40 ans de combat pour l’indépendance du Pays Basque et de la Navarre.
Les États ne bougent pas, ne s’impliquent pas dans la remise des armes. C’est alors la société civile qui s’en charge.
Première phase du désarmement. Le 8 avril 2017, des stocks d’armes ont été remis par des représentants du pays basque nord, "Les artisans de la paix" à la police française.
ETA demande pardon aux victimes, ils remettent leurs dernières armes en 2018. Ils annoncent leur dissolution dans un communiqué en mai 2018. Les Etats français et espagnols ne s’impliquent pas du tout dans le processus de paix.
Le processus de réconciliation doit démarrer. Les artisans de la paix se félicitent du rapprochement de quelques prisonniers en France, mais aucune libération de malades. Côté espagnol, aucune mesure n’est prise.
Le bilan aujourd’hui ? Le processus de paix est dans une impasse.
La gauche indépendantiste basque est traumatisée, et campe sur sa revendication du rapprochement des prisonniers politiques. Mais des basques en ont marre et manifestent pour l’amnistie. Les nouvelles générations, qui n’ont pas toute cette discipline de la lutte armée, remettent en cause les ordres venus d’en haut. Le changement de stratégie décidé, c’était poursuivre la lutte par d’autres moyens que la lutte armée, mais continuer la lutte ! Arrêter l’organisation pyramidale. La société basque devait prendre à son compte la lutte, et non une avant-garde armée. Il est temps de libérer les prisonniers qui sont en prison depuis plus de 30 ans !
La gauche indépendantiste officielle a cadenassé la lutte contre le G7 l’année dernière. Une partie de la gauche indépendantiste a été très déçue. Elle n’a pas réglé ses problèmes internes. Il y a une contestation de plus en plus grande de la manière dont a été mené le processus de paix. Ce travail là reste à faire, rapidement, pour avancer...



Notes

[1L’organisation séparatiste basque Euskadi ta Askatasuna (ETA – « Pays basque et liberté »)

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