En 2020 le Département du Doubs a mis à la rue 153 jeunes dont il contestait la minorité. Six de ces jeunes ont rencontré l’association SolMiRé, et si deux d’entre eux ont choisi de continuer leur chemin d’exil vers d’autres horizons, les autres ont tous été reconnus mineurs par le tribunal pour enfant au terme de démarches pouvant durer jusqu’à 10 mois. Si ces jeunes ne disposaient pas de documents d’identité lors de leur évaluation, la récupération de ces documents auprès des autorités de leurs pays d’origine a permis de prouver leur minorité, leur permettant ainsi de bénéficier des dispositifs de la protection de l’enfance et de construire un futur qui ne soit pas fait que d’errance et de désolation. En 2021, l’accompagnement de l’association SolMiRé a déjà permis de faire reconnaître la minorité de quatre autres jeunes, dont l’un d’entre eux avait 14 ans seulement au moment où il a été évalué majeur puis mis à la rue par le Département.
Ces chiffres mettent en lumière la faillibilité des évaluations menées par le Département, l’importance du nombre de jeunes dont la vie est parfois définitivement abîmée par ces décisions mais aussi la limite des capacités d’accompagnement de ces enfants par des associations bénévoles, sans qui aucun accès effectif à la justice n’est possible.
L’évaluation de la minorité semble un exercice impossible. Les différents départements français comme les différents pays européens assurent diversement cet exercice sans qu’aucune méthode ni dispositif ne soient apparus comme exempt de travers, ni dénués de violence. Au-delà des questions relatives à la faillibilité de ces outils, la justification même de ce préalable à la prise en charge est contestable. La vulnérabilité d’un adolescent de 17 ans est en effet fort similaire à celle d’un jeune adulte de 18 ans et l’on aspirerait à une prise en charge inconditionnelle des personnes vulnérables à tout âge de la vie et ce quel que soit leur statut administratif.
Si cet objectif semble ambitieux, et certainement indissociable d’un profond bouleversement sociétal et politique dont les leviers ne sont pas tous entre les mains des collectivités territoriales, d’autres sont plus accessibles dans une temporalité courte. Le rapport publié par l’association SolMiRé s’attache à ne décrire que ces derniers leviers, ceux-là même qui sont entre les mains des élus du Département du Doubs, principalement, mais aussi en responsabilité partagée avec tous les acteurs de ce dispositif à leurs niveaux respectifs.
Par son action auprès des jeunes isolés étrangers non pris en charge par le Département du Doubs l’association SolMiRé occupe une place d’observation privilégiée sur les dysfonctionnements du dispositif d’évaluation. Elle constate ainsi quotidiennement l’écart entre le cadre légal de ce dispositif et la mise en pratique dans le Doubs. Elle dénonce la violence administrative qui en découle et les drames humains qu’elle provoque. Enfin, elle appelle les différents acteurs et travailleurs de ce dispositif à mettre en adéquation les consignes hiérarchiques du Département du Doubs avec les injonctions légales.
Ce rapport, à destination des élus départementaux, des responsables hiérarchiques du Département, des structures concourant à ce dispositif et des évaluateurs, a été conçu pour que chacun, à son niveau de responsabilité et avec les outils qui lui sont propres, puisse peser pour que le cadre légal soit respecté et pour que la protection de l’enfance cesse d’abîmer les vies des enfants dont elle croise les trajectoires.
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