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Toque en toc



Miam-miam glou glou et €€€€ ouvre ses portes vendredi 6 mai !

Avant mon arrivée à Dijon, le nom de cette ville ne m’évoquait rien à part évidemment la moutarde. Petite fille, je tenais à mon verre Amora avec Zorro dessus. Plus grande, j’ai vidé quelques kirs sur le zinc sans rien savoir du Chanoine ou du cassis.
Au bout de quelques années passées dans la-capitale-des-ducs-de-Bourgogne, je suis devenue une spécialiste des us et coutumes bourguignons.
D’abord, le chef, moins sympathique qu’Abraracourcix. Incapable de se tenir sur un bouclier, il voue un culte aux inaugurations, à l’urbanisme et, plus récemment, au nouveau/vieux président Emmanuel Macron. Son adjointe ressemble à Bonemine en plus jeune et les tresses en moins. Elle a fait du canoë kayak autrefois et elle sait ramer en championne dans le sens du courant. Elle espère, un jour prochain, monter sur le bouclier à son tour pour enfin envoyer des missiles de croisière sur le quartier libre des Lentillères, havre de paix pour les légumes et sur les Tanneries, fief interlope de l’ultra gauche psychédélique. La police municipale, qu’elle chérit de tout son cœur, est, grâce à elle, enfouraillée. Des armes « létales » précise-t-elle au cours d’un interview accordé voici quelques mois dans la feuille de chou locale. Des stands de tir sont mis à disposition de celles (le féminin l’emporte) et de ceux qui cherchent 20 heures à faire pour toucher le RSA dans les prochains mois. Avis aux amateurs.
En ce vendredi 6 mai donc, tout ce que compte Dijon de gens importants, de « VIP » se retrouve à la Cité de la Gastronomie pour fêter l’ouverture d’un lieu de prestige dédié au pinuche et à la gougère étoilée. De grandes toques (comment tiennent-elles en équilibre sur les têtes sans tomber dans la sauce à l’époisses, un mystère ou un élastique ?) feront déguster leurs créations de cuisine « expérientielle » (personne ne sait ce que recouvre exactement ce terme mais il est repris dans la presse d’ici et même d’ailleurs) aux happy few qui se seront inscrits à l’avance pour participer à l’événement. J’ai le regret d’annoncer aux lectrices/lecteurs de Dijoncter qu’aucun stand de leur webzine préféré ne sera présent dans l’enceinte de Fort Rebsameno. Aucun sens de l’histoire, ceux-là, trop occupés à bouffer de l’herbe pas cuisinée et à faire chier avec leurs articles à refaire le monde à l’envers.
Le maire rêve d’une visite surprise de sa nouvelle idole mais cette dernière, trop accaparée par l’auto-inauguration de sa personne quinquennale, ne pourra pas se libérer. Il faudra se contenter de François Hollande, à l’affût du moindre petit four partout en France et dissident officiel du Parti Socialiste. Le Che de Corrèze prend le maquis en centre-ville de Dijon, entouré de ses guérilleros en costards de camouflage. Cazeneuve ? Le Foll ? On a hâte de voir cela. Les flingues seront planqués sous la table à amuse-bouche comme dans un film de Scorcese.
Sans rire, après l’échec de la cité du même nom à Lyon, fermée au bout de neuf mois, cela ne s’invente pas, on craint le pire pour l’avenir du Pinard-Park dijonnais, sorti de terre à 90% grâce à l’argent du privé. Eiffage donnera son nom à un picrate cuvée 2022 et les photos des ouvriers morts sur le chantier après avoir ingéré une tranche de « gigot bitume » seront gravées dans le comblanchien, entrée Ouest. Si vous ne savez pas ce qu’est le « gigot bitume », je recommande la lecture des articles du Bien Public consacrés à cet étrange rituel de fin de chantier. Déconseillée aux végétariens.
Si j’avais à définir la politique de la ville, depuis mon arrivée sur zone, je la qualifierais « d’expérimentale » (d’expérientielle ?). En effet, mairie, préfecture et rectorat multiplient les projets pilotes, les expérimentations et les nouveautés. À Dijon, on est à la pointe du progrès, on aime essayer avant tout le monde. On teste, en avant-première en France , les caméras de surveillance les plus inquisitrices, les innovations pédagogiques les plus folles et la politique de tri des migrants la plus audacieuse. Des ministres sautent régulièrement dans le TGV à Paris gare de Lyon et viennent présenter, en grandes pompes, les innovations concoctées par leurs cabinets d’experts. Et les notables du cru opinent du chef et se gargarisent de leur sens de l’aventure. Si le français de base veut avoir une idée de ce qui l’attend pendant les cinq prochaines années, il suffit de venir à Dijon, il y a toujours une expérience en cours.
Ici, Pennequin, Eiffage et consorts, entrepreneurs vertueux, construisent des immeubles dans le respect des nouvelles normes énergétiques et baptisent « jardins » les bacs à sable en permaculture, ici on monte dans des bus (à hydrogène en 2023) si longs qu’ils menacent les passant-e-s dans les virages, on transporte « les aînés » en navettes électriques gratuites de leur Ehpad à Damart et on flatte les femmes et les hommes raisonnablement cultivé-e-s qui ont des abonnements à l’auditorium (je conseille le parterre un soir de première, sorte de grande permanence des élu-e-s), font marcher le petit commerce (la boutique Hermès, place Grangier, sorte d’hommage hilarant aux années 1970 quand on pensait que porter une tête de cheval dans un hippodrome sur un carré en soie était le fin du fin du bon goût). On fait l’apologie de la « tranquillité » promue valeur suprême de la moyenne bourgeoisie et tout comportement déviant est sanctionné. La déviance coûte 135 euros, qu’elle soit comportementale, canine ou politique. Ici, on a l’ennui distingué et on se convainc qu’un encéphalogramme plat est un signe de bonne santé sociale. La fête des voisins fait presque figure de manifestation subversive.
La Cité de la Gastronomie est donc une concrétisation à ciel ouvert de la politique de la ville menée par Rebsamen. Fric, commerces de luxe et public ciblé. Les journaux qui confondent articles et chansons de gestes le répètent à l’envi. Cette cité, sortie de terre dans le scepticisme général, objet de rumeurs calomnieuses sur son financement et d’éventuels conflits d’intérêt, est le chef-d’œuvre de l’édile, son apothéose, sa consécration. Il peut maintenant attendre serein un ministère dans l’antichambre de l’Elysée car il a offert aux dijonnais une pâté royale étoilée, un lieu de prestige qui fera venir les touristes du monde entier. Aucun nécessiteux ne sera admis en son sein.
Reste à savoir si les chinois, bouclés dans leurs appartements à Pékin et à Shanghai depuis de longues semaines, pourront revenir un jour claquer leurs devises dans la Cité de la Gastronomie aux côtés des français aisés bien de chez nous et des qatari en goguette. On préfère prévenir tous les petits malins, potentiels squatters qui attendraient la faillite des boutiques de luxe pour venir s’installer en douce. En cas d’intrusion, ils seront passés par les armes létales de Bonemine et sans sommation ! A bon entendeur...

PS : quant au cinéma "Pathé", aucune crainte à avoir. Le groupe a racheté CinéAlpes (Cap-Vert à Quetigny) en 2019 et la programmation dans les neuf salles est identique. Marvel, les comédies franchouillardes et les films à épisodes (Tuche 1 à 25). Exit les quatre salles arts et essais peu raccord avec le projet d’ensemble. Après une bonne bouffe, rien de mieux qu’un roupillon au ciné devant un nanar. Rien à foutre du cinéma indépendant réalisé par des inconnus venus de contrées lointaines. Vive le terroir cinématographique !



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