Inauguré en avril 2019, le projet OnDijon est le projet phare du 3e mandat Rebsamen. Il est basé sur un « Centre d’Information et de Veille Opérationnelle » (CIVO), d’où sont pilotés à distance tout un tas d’équipements et d’agents de la ville, grace à des capteurs disséminés un peu partout. Ces capteurs ce sont des « équipements urbains connectés » (la poubelle qui détecte qu’elle est pleine), des « véhicules d’intervention géolocalisés » (ceux des flics, des éboueurs, des services municipaux, etc.), mais aussi tou·tes les bon·nes citoyen·nes qui dénoncent un graffiti, ou un passant bourré sur la plateforme en ligne. Enfin ce sont, bien sur, les caméras de surveillance ( « videoprotection » en novlangue), qui étaient déjà au nombre de 269 au lancement du projet, mais qu’on imagine plus nombreuses aujourd’hui puisque la ville en installe régulièrement de nouvelles.
Bientôt 2 ans après son inauguration, un point d’étape sur OnDijon - que les documents officiels continuent de mentionner comme le projet OnDijon - était donc à l’ordre du jour de ce deuxième conseil municipal de l’année.
Le budget d’OnDijon passe de 21,3 à 51 million d’euros
« Accélération des investissements, particulièrement en matière de tranquillité publique - Demandes de subventions », c’est ce qu’annonçait l’ordre du jour. Pas vraiment de place pour le suspens : ce qui est annoncé en ODJ par l’équipe de Rebsamen est voté par l’équipe de Rebsamen.
L’autorisation de programme du projet On Dijon passe donc de 12,6 à 24,9 millions d’euros et l’autorisation d’engagement passe de 8,7 à 26,2 millions d’euros. Entre 2021 et 2030, 700 000 € par an seront consacrés à l’achat ou remplacement de caméras, et à la sécurisation de sites.
Ces 30 millions d’euros supplémentaires qui s’ajoutent à un montant initial de 105 millions d’euros [1] seraient dus au choix d’implanter le CIVO au 64 quai Nicolas Rolin plutôt que sur le site Dumay initiallement prévu, au renforcement de la videosurveillance autour des bâtiments de la ville et à l’achat de nouveaux équipements.
« Des moyens trop importants, non pas pour une ville intelligente mais une ville de la surveillance généralisée »
Quelques débats pour la forme ont quand même entouré ce vote. La droite a évidemment trouvé que c’est trop cher, mais veut elle-même installer des caméras partout, et même pourquoi pas des drones (voir le bouquin de Bourguignat, p. 94), tout en baissant les impôts.
Les élu·es écologistes ont dénoncé de leur côté « des budgets qui explosent ». « Vous ajoutez des millions pour renforcer une politique de sécurité publique qui repose en grande partie sur les caméras de vidéosurveillance ». Stéphanie Modde dénonce « une dérive inquiétante ». Pour l’ancienne candidate écolo aux municipales « on met des moyens trop importants non pas pour une ville intelligente mais une ville de la surveillance généralisée ».
De belles intentions qu’on pourra commencer à prendre au sérieux quand les écolos cesseront d’appliquer les mêmes politiques dans les villes qu’ils gèrent [2]. On imagine d’ailleurs que lorsqu’en 2015 ils et elles ont voté pour le projet OnDijon les élu·es EELV s’imaginaient que les 105 millions d’euros ne serviraient qu’à remplacer les ampoules par des « LEDs intelligentes ». Ils et elles se sont d’ailleurs contenté·es de s’abstenir : difficile de s’opposer dans le conseil municipal à un groupe avec lequel on est allié pour les régionales à venir...
De nouvelles caméras « beaucoup plus coûteuses et plus fines [qui] travaillent aussi sur le son »
Côté équipe municipale on renvoie le volet écologique au conseil métropolitain, et on défend cette augmentation du budget « pour renforcer les capacités d’actions et de prévention pour la protection des personnes et des biens, notamment via la vidéo[surveillance] et la sécurisation des bâtiments municipaux. »
Denis Hameau, conseiller métropolitain délégué à la Smart City, tente de noyer le poisson en évoquant le RGPD, la CNIL et un « travail d’arrache-pied sur la question de la cybersécurité ». La question des données et de la cybersécurité c’est l’argument habituel pour éviter de parler de la question de la surveillance. Soyons francs : le risque que nos données tombent entre les mains de hackers n’est pas plus inquiétant que le risque qu’elles tombent entre les mains des flics.
Nathalie Koenders, première adjointe, en charge de la tranquillité publique, louvoie moins : « Nous allons remplacer des caméras à la suite d’actes de vandalisme. Si elles sont vandalisées c’est qu’elles gênent, et qu’elles sont efficaces ! Nous allons également consolider le maillage de la vidéo[surveillance] sur des secteurs où le déploiement existe mais n’est pas suffisant. Le secteur Drapeau était il y a quelques années un secteur paisible, il va le redevenir. De nouvelles caméras, beaucoup plus coûteuses, et plus fines, travaillent aujourd’ui sur le son : il est important de renouveler le parc de caméras. »
Videosurveillance partout, caméras capables d’enregistrer du son : derrière son vernis progressiste [3] et sous couvert de lutte contre la délinquance, Nathalie Koenders est entrain de mettre en place des dispositifs technopoliciers dignes des pires dystopies.
Pour finir sur une note moins sombre, notons que ces politiques ne sont pas des rouleaux compresseurs inarrêtables : en 2019, la ville de Saint-Étienne a été obligée de mettre fin à un projet similaire d’installation de capteurs sonores après un avertissement de la CNIL. Voir sur le site de la campagne Technopolice pour en savoir plus. Il existe par ailleurs plein de techniques pour montrer à Nathalie Koenders que ses caméras « gênent et sont efficaces. »
Compléments d'info à l'article
Proposer un complément d'info